Des noms ? Je ne connais pas de stricts "tenants de la contrainte formelle dure". Je fréquente joyeusement des gens qui la pratiquent parfois, non sans aimer de toutes leurs forces les formes classiques plus douces, plus dociles à l'expression des émotions. La contrainte dure est un travail à la limite. Il s'agit d'aller voir de quoi la mécanique de notre langue est capable, sans garantie de réussite — encore moins de poésie.
Cette langue est également maternelle, d'où dérive passionnelle, voire anathèmes entendus çà et là lors d'ateliers ou de lectures : ç'arrive oui, quand bien même les intentions oulipiennes soient pleinement pacifiques ! Voue-t-on aux gémonies les cruciverbistes dans le métro en raison qu'ils torturent les mots comme des bonzaïs. Ben quoi, où est le mal ? Allez, des noms : Cavanna se disait féroce anti-oulipien ; quant à Christian Prigent, il est littéralement enragé sur la question.
Reprenons d'un peu haut. Mallarmé, "parfaitement potentiel" selon Queneau, prescrivait de creuser le vers. Cela ne concerne pas seulement notre tribu — celle qui pense en français. L'ardente nécessité poétique traverse les traditions et les époques. Épatant de découvrir que partout l'on s'attache à doter les générations à venir d'une langue parfaite : dynamique par essence, qui tende à l'intelligibilité du monde. Lyre potentielle que j'ai nommée, au singulier, intelligence de la tribu.
Parlant de la tribu, n'oublions pas Georgette, qui en est pleinement constitutive. Et quoi qu'elle en dise à part soi, sa contribution linguistique à la nouveauté de demain est puissante, tutélaire — bordel d'engeance !]]>