Sélénet potager
Peu de sens ci-dessous, mais assez peut-être pour ressentir du contentement que ce double sélénet (prosodie = « Au clair de la lune ») ait des vers holorimes, le premier de chaque strophe associant à un verbe ou à un auxiliaire le pronom personnel "-je". Également sur les sélénets holorimes, deux liens à visiter chez Gef ici et là.
Vent pyromane ai-je Mis le feu nantais Vampire au manège Mille foehns hantés Tasse ou pâle accours-je Cool Adam se but Ta soupe à la courge Coula dans ce but Hallali m’endors-je Sœur Ève dotant À l’aliment d’orge Ce rêve d’autant La cive m’en ceins-je Hourra paradis Lascivement singe Ou râpe à radis
Post-scriptum — Sur la même rime en "-je", distique holorime dont l’accentuation varie : d’abord trimètre romantique = 3 x 4 syllabes, puis alexandrin "moderne" sans césure bien marquée :
— Vit ! stupre au pas ! gant de toilette en dure éponge ! — Vis-tu propagande, toi l’étendu ? réponds-je.
Sélénet pâtissier —
Pyjama de laine Quitte on bave éclair Pigea Madeleine Qui tombe avec l’air Dans ces abris Hoche Sentira Miss où Dansait sa brioche Sans tiramisu
Sélénet sylvestre —
Chamelle on t’enchaîne Éros ô décors ! Jamais longtemps chêne Et roseau des corps Carrare omet marbre Sa pince et Goya Cas rare au même arbre Sapin séquoia
Sélénet industriel —
Étienne Œhmichen, ingénieur chez Peugeot, a mis au point en 1911 la dynamo d’éclairage et le système de démarrage pour les moteurs à explosion ; cela lui vaudra le surnom de « Dynamo-Tonnerre ». Travailleur impénitent, il avait l’habitude d’avaler en vitesse un casse-croûte juché sur sa motocyclette de 1,5 ch et 198 cm3, sans s’accorder le moindre temps de pause ni dévier du chemin de halage qui l’amènerait au travail près des mécaniciens de Belfort : écartant d’un coup de trompe quiconque l’aurait retardé. Œhmichen s’insurgeait encore qu’une note se fût rajoutée à son brevet d’arbre à cames sans que l’on y créditât la centaine de « chevaliers-mécanos » aimait-il à dire, qui l’avaient assisté sur son marbre de précision. C’est lui qui leur suggéra de protester vivement, à la mode maori. Dynamo-Tonnerre, qui des mécanos dîne à moto, n’erre ? Quittez mes canaux ! Pas l’addendum arbre à cames n’a cent paladins du marbre ? Haka menaçant !
Commentaire sur les holorimes —
Nos jeux oulipotes seraient ce que dit le Fou au Roi, entendre Mallarmé pour le roi et nous pour les fous : il creuse le vers ; nous le forons jusqu’à l’absurde. Par ex. l’holorime et les connexions qui s’ensuivent, éclairage appuyé sur l’inconscient de notre lexique ? La fortune de certains mots ne proviendrait-elle d’un jeu d’assonance & résonance avec d’autres au registre des passions, de l’ivresse, du plaisir et de la peur, voire de soudaines lucidités en dépit des apparences. Un faussaire « délivré ment » bien que commît « délit vraiment » ; à quoi répond son « euphorie » sinon que « le faux rie » ; etc. N’en déduirait-on qu’holorimes & qu’autres acrobaties oulipiennes sont moins futiles qu’il n’y paraît ? Une langue, vivante cela s’affûte. Faux le doux bluff lèche très sensiblement folle double flèche : trait sans cible ment. Leurré des mots, lie à Narcisse éclair ; l’heure est démolie, anar si sec l’air.
Robert Rapilly, mercredi 11 juillet 2018, à 15:49 [in Sélénets] Aucun commentaire - aucun trackback