Le poème "Succube" était joint à la lettre que Gilbert Farelly adressa à son amie Nagendra Ciller en août 1950 —

Vous gentille, suivrez-vous mon esprit qui vole
jusques un cauchemar dénué de symbole,
fac-similé subit où tout affleurait cru ?
Depuis ma Thébaïde, onques n’aurais-je cru
esquiver la férule ascétique du moine,
tant j’imite envers vous l’anachorète Antoine ?
S’il m’arrive au grand jour vous croiser, m’inclinant,
toujours avons gardé notre lien continent.
Or, de nuit, un succube a visité mon rêve :
la chimère dantesque avait les appas d’Ève —
ou les vôtres plutôt, car sa chair trait pour trait
dessinait vos contours, sans voile ni secret.
Tel songe est infernal de ne rester qu’un songe.
Cependant que mon for suintait, fébrile éponge
dont ce mirage ourlait l’écoulement sans frein,
le succube entreprit bourdonner un refrain :
son buste pour soufflet, mes abats tuyau d’orgue
ruisselant d’exhaler les humeurs de sa morgue.
Content m’avoir réduit cornemuse de Pan,
il pénétra mon cœur, l’asservit au trépan
d’un fer hameçonné : gobergeons la torture
d’avec figue musquée, opaque confiture
derechef entrouverte ! Et sous le joug j’ai dû
consommer force fruit du nectar défendu.
Spolié de dessein, sevré d’arbitre libre,
j’ouïs sa traître voix — vôtre ! — argüant que vibre
crescendo mon frisson : il voulait l’éprouver
en plein écrin renflé dans son collet de vair...
Le malstrom nous roulait des braises de Gomorrhe
au rubis d’Empédocle ! À mon cri « Nevermore ! »
le succube agacé que j’obéisse mal
m’a terrassé rampant, moins homme qu’animal
et suppôt des instincts. Mais tant me persécute
que j’ai bravé l’horreur... souffrirez-vous la chute ?
Je vous ai convoquée au dam délicieux,
en chassant le succube, en abjurant les cieux
sauf les prier servir le souverain fantasme
qu’un même ondulement accole notre spasme :
vous vraiment âme & corps à qui j’écris ces mots
— et moi fors votre grâce en sursis d’autres maux.