Dans la compilation Quasi-Cristaux de Jacques Roubaud, les sonnets dont les quatrains riment en AbbA bAAb ont un goût d’inachevé, comme si la contrainte était adoptée puis abandonnée en plein poème, sans excuse sinon l’écueil des tercets. Pour vague exception, non aboutie, Maurice du Plessys avec Le feu sacré s’occupe quand même de forme globale, puisque du moins ses tercets répètent les rimes des quatrains.

Tentons mieux : divisons nos 14 vers en 3 quatrains + 1 distique qui fera office d’envoi. Puis recopions exactement le même sonnet... sauf la division : distique en exergue + 3 quatrains. Eh bien dans les deux cas, on observe une interversion des rimes au sein des quatrains...

=> AbbA - bAAb - AbbA - bA => ici quatrains à rimes embrassées,
=> Ab - bAbA - AbAb - bAbA => et là à rimes croisées.

Ci-dessous illustration à moitié burlesque d’après Gérard de Nerval.

Disposition 1 :

Je suis le liquoreux qui surfe vent gonflé
Et grince capitaine à la proue abolie
J’ai mouillé l’ancre au dock où plongea la poulie
Et par deux fois chiqueur fumé le narghilé

L’effroi trempe sa lippe et la mer sourd emplie
Dans le bruit du bateau que Méduse a coulé
Ma voile étole torte âme au mât constellé
Porte ce cocktail noir de la coupe à la lie

Suis-je Achab ou Haddock ? Phytéas de Thulé ?
Ma gueule est pourpre encore ô ballast de folie
J’appareille ! l’étrave à la drosse s’allie
Barfleur glisse et s’étend sous mon quart désolé

Modulant sans retour son délire Ophélie
Soupire en Bruges morte un cri d’au-delà lai

Disposition 2 :

Je suis le liquoreux qui surfe vent gonflé
Et grince capitaine à la proue abolie

J’ai mouillé l’ancre au dock où plongea la poulie
Et par deux fois chiqueur fumé le narghilé
L’effroi trempe sa lippe et la mer sourd emplie
Dans le bruit du bateau que Méduse a coulé

Ma voile étole torte âme au mât constellé
Porte ce cocktail noir de la coupe à la lie
Suis-je Achab ou Haddock ? Phytéas de Thulé ?
Ma gueule est pourpre encore ô ballast de folie

J’appareille ! l’étrave à la drosse s’allie
Barfleur glisse et s’étend sous mon quart désolé
Modulant sans retour son délire Ophélie
Soupire en Bruges morte un cri d’au-delà lai