Le présent billet s'inspire de lumineuses propositions et réalisations de Gilles Esposito-Farèse et Nicolas Graner, qui se sont récemment penchés sur les hog & tog de Jacques Roubaud. On se contentera ci-après d'explorer le filon dichotomique.

La dichotomie 7+3+1 :
A B C D E F G
  B   D   F
      D
sera hog s'il est possible de la
répartir dans l'ordre 2+2+3+2+2.
A B
C D
E F G
B D
F D

Sans donc atteindre la surcontrainte hog, les simples dichotomies dans ce billet s'appliqueront aux syllabes (cf. lien à Gef ci-dessus), aux lettres, aux vers.



1) Dichotomie de lettres et vers —

1 2 3 4 5 6 7
  2   4   6
      4

Les 11 lettres
de chaque vers
s’ordonnent en
3 lignes où on
repasse celles
de rang pair :

v O u S d E r
  O   S   E
      S

v Ê t U u N p
  E   U   N
      U
 
é T i E z L a
  T   É   L
      É

e N f E r T o
  N   É   T
      É

    (...)

Idem des vers,
le 2e et le 6e
seront bissés,
le 4e triplé :

Vous de roses
vêtu un peu nu
étiez la télé

Enfer ton été
d’art posa tôt
tel grave gag

Faust ira sis
vêtu un peu nu

Enfer ton été
tel grave gag
Enfer ton été



2) Dichotomie de syllabes —

Sade, Satan, Tarzan : trois de temps en temps
souffleurs qui dansent légers, fleur dans les dents.
Terriens ! la comédie est, rien qu’au dico,
échos de connerie et cocorico.

sa DE sa TAN tar ZAN troi
   DE    TAN     ZAN
         TAN

souf FLEUR ki DAN se LÉ gé
     FLEUR    DAN    LÉ
              DAN

ter RIEN la KO mé DI é
    RIEN    KO    DI
            KO

é KO de KO ne RI é
  KO    KO    RI
        KO


3) Dichotomie de vers —

Onzain écartelé selon François Le Lionnais
(tel qu’à peine saisi se dérobe tout sens)
où les hendécasyllabes adoptent pour ordre
1 2 3 4 5 6 7
  2   4   6
      4
Les vers 2, 4 et 6 y sont répétés lettre à
lettre, sauf que les mots sont différents.

Alea jacta est pointe du poème,
crisse l’onzain d’adage latin — estoc.
Gousse de teigne et dix de der à la main,
l’As te para de cal à miter aillée.
La vague a chaviré Bugs Bunny bourré,
démâté l’astérisque. Lapin ? Cépage ?
Sa berlue épandit la colle d’Isou ;
cris selon zain Dada : gélatines toc !
Là step à rade ça la mit éraillée
de matelas. Te risque la pince-page…
las ! te parade calamité raillée.



4) Alexandrin dichotomique où 11 cellules = 12 syllabes :

croi PIEU croi SAN ki POUR tour
     PI-EU     SAN    POUR
               SAN

Croix, pieu, Croissant, Kippour : tours pieux cent pour cent.

Dichotomie où un alexandrin œcuménique
par la transmutation du monosyllabique
"pieu" contre les vampires en "pi-eux"
dissyllabique pour prêcher la concorde
malgré la gématrie diabolique de 666 !


5) Protéonzinet —

Si le ciel happe le fluide nourricier,
la guerre suit ce désordre climatique.

Le onzinet tel qu’expliqué chez ZMdE :
Vers 1 (1 mot) : dit le sujet du poème
Vers 2 (2 mots) : que fait cette chose
Vers 3 (3 mots) : décrit où ou comment
Vers 4 (4 mots) : ce que cela signifie
Vers 5 (1 mot) : pour quel résultat...

L’air
mord l’eau
s’en coule oh !
c’est mort sans l’eau
sang

(ici l’, s’, c’ non comptés pour mots)
... et onzinet décomposable en 7+3+1 :

lèr MOR lo SAN cou LO sé
    MOR    SAN     LO
           SAN


6) El Desdidicho
Chaque vers est hendécasyllabe dichotomique.

sui JE té NÉ breu SER veuf
    JE    NÉ      SER
          NÉ
         (...)

Suis-je ténébreux ? Serf veuf jeune et cerné ?
Prince aquitain ? Ce seigneur satin s’éteint,
Montant seul et sans toit, guettant l’étoilé :
L’élu d’étreintes comte au lutrin contraint.

Rimbaud sans Râ, l’ossu tombeau rassura,
L’écho me ligota — « Don’t call Italy ! »
Souffleur d’état meurtri, sa fleur t’attrista,
Rose avec bidon, riesling à Biribi.

D’amour au front subi, nous mourrons, Biron.
Reine en accord, grimons rouge encor mon corps.
Grave hameçon d’empois, rêva son poisson.

Devin, quel tronc pêcha ? Nous vaincrons Charon,
L’amant suit Orphée à la mandore, alors…
Cris, soupirs sondant free jazz, soupçon frisson.



7) Autres dichotomies de lettres —

Le suc de l’échalote
trompa le philologue.
Un fusil à lunette
ne sert rien de sucette.

... autrement dit :

Agent oignon
feinta Renan.
À gun, lorgnon
vain n’a nanan.

Dans le deuxième quatrain
les lettres lues à chaque
vers s’ordonnent selon la
structure de dichotomie :

a G e N t O i
  G   N   O
      N

f E i N t A r
  E   N  A
      N

a G u N l O r
  G   N   O
      N

v A i N n A n
  A   N   A
      N


8) L'eusses-tu cru (9) ? Le texte à syntaxe cubiste que voici est une succession de onze dichotomies de lettres —

Faust — ô bas os
à fée préféré ! —
épia, prépara
Lampion (a pop
star) à entrer.

Faust (toasts)
enfermé ne me
buvait nu à ta
santé. On a tôt
appel repéré.

Faust osa S.O.S.


9) Etc. ad lib.

Lustucru pansu, sa vertu pense à Pan.
Or, sa panse empourprée glissa, s'empressant
d'engloutir, d'Icare à filou, dix radis
rivaux mordants. Œil pour œil vaut dent pour dent.
Père Lustucru, bagarres-tu battu ?
C’est la danse en sabre à culasse embrassant
les deux danseurs du vin hideux, ce rinceur.
L'eusses-tu cru, Noé loue ce cruel cru :
qui sera vainqueur dira ce vin divin.

La Mère Michel fraîchit mais m'y frémit,
car Mère Michel — d'Orphée même — y dormit.
Perdu vo't chat ? Vo't chat dodu ? Cha-cha-cha,
dansons encor, nos à-coups sont corps-à-corps.
Enlacés nos doigts firent l'anneau finaud.
Pour Grimm, l'amant l'a séduite immensément.
Pour Andersen, la robe tourne en Cène obscène.
Pour Perrault, à Chat Botté paiera Boa
le serpent minéral — il sert Miami.

Vague, Alexandre Dumas ? Galant dûment :
Mousquetaire et Cardinal, queutaient, dînaient,
D’Artagnan est fol et peut gagner l’épée,
Vercingétorix rompt l’oursin. Toronto
ça tord Lustucru léchant tortue, laitue,
et cetera — son vit pressé ravira
(Lacan dit : Mère Michel quand même y met
du cœur à l’ouvrage). À ta queue, loup jaloux,
Isengrin répond : stop aux dents restaurées,
la Kronenbourg erre et son croc bourré bout.

Guirlande ta bru bricolant t’abrita
au clair de la lune. Une perle annula
l’onde du Malin, poison de ma loi mâle.
Pierrot en pleur pluma Miro. Leur malheur
l'épatant, Pierrot saute un papier au pied.
Il t'appelle, on entre au pantalon trop long.
Sa plume écrit : tu m’es surplus, crime et cris,
prête-moi la plume, entête l’amant las...
Frère Jacques d’Elvis, maître queux visqueux
à Memphis Tennessee, Golem, t’es cité.

Dormez-vous ? Non, les calumets n'ont qu'ânon,
Buridan m’outrant rugir y mourut mou,
Apulée dérobe au trapu des baudets
pur or et un cloporte encore importun.
Ô Chat Botté, Taxi-Pacha t’excitait !
Carabas à l’Hebdo-d'Héra s’adossa
au sandow. Rigolons car Cendrillon rit
de Peau-d'Âne et Dada (son poney damné
du Petit Poucet) leste un peu poule et poux.

Lors adieu veau, vache, verrat. Vos chevaux
repoussent l'oméga de poule au galop.
J'arrive à l'alpha du coq, rival dual.
Bêta il traverse, ex-patatras extra.
(à suivre...)

lus TU cru PAN su SA ver
    TU     PAN    SA
           PAN

or SA pan SAN pour PRÉ gli
   SA     SAN      PRÉ
          SAN

dang LOU tir DI ca RA fi
     LOU     DI    RA
             DI

ri VO mor DAN oeil POUR oeil
   VO     DAN      POUR
          DAN 

pè RE lus TU cru BA ga
   RE     TU     BA
          TU

sé LA dan SAN sa BRA cu
   LA     SAN    BRA
          SAN

lé DEU dan SEUR duv IN hi
   DEU     SEUR     IN
           SEUR

lu SE tu CRU no EL ou
   SE    CRU    EL
         CRU

ki SE ra VIN keur DI ra
   SE    VIN      DI
         VIN

la MÈ re MI chel FRÉ chi
   MÈ    MI      FRÉ
         MI

kar MÈ re MI chel DOR fé
    MÈ    MI      DOR
          MI

per DU vo TCHA vo TCHA do
    DU    TCHA    TCHA
          TCHA

dan SON zan KOR noz A kou
    SON     KOR     A
            KOR

en LA sé NO doi FI re
   LA    NO     FI
         NO

pourgr IM la MAN la SÉ duite
       IM    MAN    SÉ
             MAN

pour AN der SEN lar OB tourn
     AN     SEN     OB
            SEN

pour PER o A cha BO té
     PER   A     BO
           A

le SER pan MI nér A lil
   SER     MI     A
           MI

va GA lex AN dre DUM a
   GA     AN     DUM
          AN

mous KEUT èr É car DIN al
     KEUT    É     DIN
             É

dart AGN an É fo LÉP eug
     AGN    É    LÉP
            É

ver CIN gé TO rix RON lour
    CIN    TO     RON
           TO

sa TOR lus TU cru LÉ chan
   TOR     TU     LÉ
           TU

èt SÉ té RA son VI pré
   SÉ    RA     VI
         RA

la KAN di MÈ re MI chel
   KAN    MÈ    MI
          MÈ

du KEU ra LOU vra JA ta
   KEU    LOU     JA
          LOU

iz AN grin RÉ pon STO pod
   AN      RÉ     STO
           RÉ

la KRO nan BOU rè RÉ son
   KRO     BOU    RÉ
           BOU

guir LAN de TA bru BRI co
     LAN    TA     BRI
            TA

okl ÈR de LA lu NU neup
    ÈR    LA    NU
          LA

lon DE du MAL inp OI zon
    DE    MAL     OI
          MAL

pié RO enp LEUR plu MA mi
    RO     LEUR     MA
           LEUR

lé PA tan PIÉ ros O tun
   PA     PIÉ     O
          PIÉ

il TA pè LON en TRO pan
   TA    LON    TRO
         LON

sa PLU mé CRI tu MÉ sur
   PLU    CRI    MÉ
          CRI

prê TE moi LA plu MAN tê
    TE     LA     MAN
           LA

frè RE ja KE del VIS mèt
    RE    KE     VIS
          KE

am EM fis TÉ né SI gol
   EM     TÉ    SI
          TÉ

dor MÉ vou NON lé CA lu
    MÉ     NON    CA
           NON

bu RI dan MOU tran RU gi
   RI     MOU      RU
          MOU

a PU lé DÉ ro BO tra
  PU    DÉ    BO
        DÉ

pur OR é UN clo PORT anc
    OR   UN     PORT
         UN

o CHA bo TÉ ta XI pa
  CHA    TÉ    XI
         TÉ

ca RA ba SA leb DO dé
   RA    SA     DO
         SA

son SAND o RI gol ON kar
    SAND   RI     ON
           RI

de PO da NÉ da DA son
   PO    NÉ    DA
         NÉ

du PEU ti POU cé LÉ stin
   PEU    POU    LÉ
          POU

lor A dieu VO va CHE ver
    A      VO    CHE
           VO

re POU se LO mé GA de
   POU    LO    GA
          LO

ja RIV al AL fa DU coq
   RIV    AL    DU
          AL

bé TA il TRA ver SEX pa
   TA    TRA     SEX
         TRA

         (...)

Le même texte en prose...



Lustucru pansu, sa vertu pense à Pan. Or, sa panse empourprée glissa, s'empressant d'engloutir, d'Icare à filou, dix radis rivaux mordants. Œil pour œil vaut dent pour dent. Père Lustucru, bagarres-tu battu ? C’est la danse en sabre à culasse embrassant les deux danseurs du vin hideux, ce rinceur. L'eusses-tu cru, Noé loue ce cruel cru : qui sera vainqueur dira ce vin divin.

La Mère Michel fraîchit mais m'y frémit, car Mère Michel — d'Orphée même — y dormit. Perdu vo't chat ? Vo't chat dodu ? Cha-cha-cha, dansons encor, nos à-coups sont corps-à-corps. Enlacés nos doigts firent l'anneau finaud. Pour Grimm, l'amant l'a séduite immensément. Pour Andersen, la robe tourne en Cène obscène. Pour Perrault, à Chat Botté paiera Boa le serpent minéral — il sert Miami.

Vague, Alexandre Dumas ? Galant dûment : Mousquetaire et Cardinal queutaient, dînaient, D’Artagnan est fol et peut gagner l’épée, Vercingétorix rompt l’oursin. Toronto ça tord Lustucru léchant tortue, laitue, et cetera — son vit pressé ravira (Lacan dit : Mère Michel quand même y met du cœur à l’ouvrage). À ta queue, loup jaloux, Isengrin répond : stop aux dents restaurées, la Kronenbourg erre et son croc bourré bout.

Guirlande ta bru bricolant t’abrita au clair de la lune. Une perle annula l’onde du Malin, poison de ma loi mâle. Pierrot en pleur pluma Miro. Leur malheur l'épatant, Pierrot saute un papier au pied. Il t'appelle, on entre au pantalon trop long. Sa plume écrit : tu m’es surplus, crime et cris, prête-moi la plume, entête l’amant las... Frère Jacques d’Elvis, maître queux visqueux à Memphis Tennessee, Golem, t’es cité.

Dormez-vous ? Non, les calumets n'ont qu'ânon, Buridan m’outrant rugir y mourut mou, Apulée dérobe au trapu des baudets pur or et un cloporte encore importun. Ô Chat Botté, Taxi-Pacha t’excitait ! Carabas à l’Hebdo-d'Héra s’adossa au sandow. Rigolons, car Cendrillon rit de Peau-d'Âne, et Dada (son poney damné du Petit Poucet) leste un peu poule et poux.

Lors adieu veau, vache, verrat. Vos chevaux repoussent l'oméga de poule au galop. J'arrive à l'alpha du coq, rival dual. Bêta il traverse, ex-patatras extra.

(à suivre...)