Le blogue de Robert Rapilly

Avant-propos rimant à La disparition

L'avant-propos de La disparition est accessible en ligne, précédé d'un sonnet d'alexandrins en 11 syllabes (sic) de Jacques Roubaud et suivi d'une douzaine de pages du premier chapitre. J'en ai ci-après assez librement versifié le tout début, bien sûr sans la voyelle E. Les sonnets ont été composés de sorte que toutes les autres lettres de l'alphabet soient présentes. La prosodie de l'ensemble se veut classique, par exemple en comptant pour diérèses les terminaisons en "-ion".

1) Strophes en terza rima.
3) Suite au format d'un pantoum.
4-5) Deux sonnets où alternent des rimes vocaliques & consonantiques.
6) Des rimes plates ad libitum.

À suivre ? euh... il resterait 300 pages pour épuiser le roman.

1 —

Lisons l’avant-propos d’où l'on apprit plus tard
qu’un bruit s’inaugurait, d’abord pris pour un faux :
hou ! la Damnation nous assignait rancard.

Ô marins au compas pointant trois cardinaux !
Politicards soumis au trust anglo-saxon !
Tous l’auront fait savoir par flashs aux radios...

Buzz insignifiant ? Intox à la couillon,
ou risquait-on la mort ? L’info sur maints placards
affichait mil martyrs par inanition.

L’opinion suivit, qui lors invoquant Mars
s’arma d’un gourdin fort, balança son grappin
aux portails, aux parois, aux murs, aux huis d’hangars.

Tout un pays hurlait : Argh ! nous voulons du pain !
On conspuait patrons, nantis, pouvoir publics...
chacun pour soi, qu’on fût franc-maçon ou rabbin.

Qui maraudait la nuit ? À coup sûr aucuns flics,
trop craintifs d’un contact aux pillards du frigo
bâfrant du cachalot — l’ord gang à Body Mick’s.

Ça conspirait partout ; titan, troll, virago
furax ont mis la main sur Mâcon, sur Pirou,
puis sur Rocamadour, Clignancourt, Monaco...

Glouton du bon plaisir, brutal, pillait-on prou
du thon, du chocolat, du maïs, du curry :
frichtis subtils ad hoc aux crocs d’un loup-garou.

Par kilos, par quintaux... si ç’avait l’air pourri,
haro sur toi, marchand idiot ou fautif,
car nous guillotinons, clouons au pilori !

Un slogan foisonnait : Foin d’administratif.
Il s’agissait, dit-on, d’abolir tout pouvoir ;
on vous aurait tondu nonobstant sans nul tif.

Au mitan d’un rond-point — titrait un blog du soir —,
on cracha dans l’hanap d’un sacristain catho
oignant un argousin mourant sur son trottoir.

Un yatagan frappait ? Un flot d’avis mytho
distillait son pathos au substrat du journal,
pourvu qu’y figurât du sang sur la photo.

On tuait son frangin pour un saucisson d’ail,
on tuait son cousin pour un croûton bâtard,
on tuait un quidam pour un quignon morfal.

3 —

Dans la nuit du lundi 6 avril au mardi,
On compta vingt-cinq fois l’impact sourd du plastic
qu’un avion largua... bang ! sur la Tour d’Orly.
L’Hôpital Saint-Louis posa diagnostic.

On compta vingt-cinq fois l’impact sourd du plastic
qui toucha l’Institut, qui fuma l’Alhambra.
L’Hôpital Saint-Louis posa diagnostic :
tout abus du tocsin accroît la furia.

Qui toucha l’Institut ? Qui fuma l’Alhambra ?
Pour l’opposition un truc avait failli :
tout abus du tocsin accroît la furia !
Façon Saint-Just, un dur attaqua, malpoli.

Pour l’opposition un truc avait failli :
Palais-Bourbon ou pas, l’on y vint aux jurons.
Façon Saint-Just, un dur attaqua, malpoli ;
à foison on vomit d’avilissants affronts.

Palais-Bourbon ou pas, l’on y vint aux jurons
— à part vingt-trois plantons, bâillon autour du cou.
À foison on vomit d’avilissants affronts
quant aux marquis blafards raccourcis du caillou.

À part vingt-trois plantons, bâillon autour du cou,
on garrota du col un lascar hors-complot.
Quant aux marquis blafards raccourcis du caillou,
un plumitif barjo bombardait un brûlot.

On garrota du col un lascar hors-complot.
Dans la nuit du lundi 6 avril au mardi,
un plumitif barjo bombardait un brûlot
qu’un avion largua... bang ! sur la Tour d’Orly.

4 —

N’usant du yatagan ni d’incisif surin,
un colon du Kansas lisait La Vis du Rail ;
voyant son canasson maladif du poitrail,
plutôt qu’hara-kiri, l’abattit sous un train.

Un cow-boy du Kansas accablait son bourrin,
il l’avait alourdi d’un compact attirail :
colts, fusils, bazookas, saint-frusquin d’un travail
dont l’animal mourut… ô guignon, ô chagrin !

Or, un instant plus tard, agrippant un mustang,
surgit Wild Bill Hickok ; il domptait tout pur-sang
mais, barjo, prit Isou pour Sioux à dada.

À moins qu’il galopât, Rossinant trottait-il ?
On l’ouït qui courait : tagada tagada…
quand d’un coup son sabot sauta sur un baril

5 —

Il cravachait au point qu’on n’aurait jamais cru
aucun harnais ad hoc aux impacts d’assommoir :
quand advint Attila, sans bonjour ni bonsoir,
il cavalait assis sur quoi ? Du bison cru.

Sancho Panza cabot aboya-t-il, waf-waf ?
Son bourricot Grison broutait un talipot,
mais Buridan confus tournait autour du pot :
qu’assouvir tout d’abord, la faim sinon la soif ?

Promu Grand Postillon par la vox populi,
qui liquida Longchamp, gain au Monopoly
moins vingt-cinq millions soustraits du fisc au turf ?

Vlad ! L’uhlan moustachu barbu poilu rouquin,
montait Aliboron ; on l’applaudit du bluff
couronnant son dada : kokoshnik sur du crin.

6 —

Un caporal volait, s’affolant d’avoir faim.
Il flinguait à-tout-va. Du bazooka, soudain,
pointa son bataillon : on l’a vu massacrant
lord-commandant, major, jusqu’aux soldats du rang.
La malnutrition hurlant à cor, à cris,
tant humains qu’animaux, on courut aux abris...

S.O.S poussins :
toujours un goupil rôdait
aux abords du ranch...

Chut, la maman du chapon
à huis clos pondait un ouf !

Un champion d’aviron grimpa sur un pavois ;
la sono du local amplifiait sa voix,
galvanisant l’afflux. À son cocorico,
la tribu proclama : — Couronnons illico
Attila III grand roi… sinon King Fantômas,
ça fait plus imposant ? Mais vu qu’il n’aimait pas,
on l’assomma sitôt pour choisir un couillon
à qui l’on alloua un stick à cabochon,
un plastron, un gibus, un bâton d’acajou.
Puis on l’accompagna, promu Grand Manitou,
dans un lourd palanquin, cap sur Palais-Royal.
Il n’arriva jamais : un gus provincial
cria : — Mort au tyran ! Imitant Ravaillac,
il l’ouvrit au rasoir, du nombril au colback.
Alors qu’on l’inhumait au columbarium,
un commando surgit, ahuri d’opium
qui du sol au plafond, n’y sachant trop pourquoi,
profana la koubba… bandits sans foi ni loi !

Un motif incongru convainquit un commis
au trois quarts abruti : il voulut qu’aux ch’timis
(du matin jusqu’au soir, schlass, boit-sans-soif, soûls, ronds...)
on prohibât bistrots, dancings, bars à corons.
La soif apparut donc : point d’alcool doux ni brut,
on souffrit du typhus, on souffrit du scorbut.

(...)

De la sérendipité en cuisine polyglotte

Exercices de style d'après un souper amical en Belgique. La recette de Bart Van Loo avait malencontreusement traduit poivrons flamands en piments français. Pour adoucir son potage incandescent, Bart nous a suggéré de le saupoudrer d'avoine, flocons si succulents que nous avons surpris des charançons pique-assiettes en train de s'en goberger.
Un des sonnets à suivre mentionne Lol parmi les convives, à savoir Olivier Salon, auteur désormais de deux exploits invraisemblables : en Californie il a escaladé El Capitan ; chez Bart il a mangé sa soupe jusqu'à la dernière cuillerée.




Aux fins d’étalonner l’échelle des piments,
dînâmes-nous un soir chez des hôtes flamands.
La soupe y reflétait, de sa robe avenante,
un pieux clair-obscur : atmosphère flamande
où l’hospitalité précède chaque vœu.

Alors qu’on déglutit, s’ouït un râle : — Au feu !
Quel distillat jailli de cuves Soufrière
chambardait nos boyaux dès la prime cuillère ?
Consécutivement de la sorte épicer,
un griffon sur nos reins tançait : Sortez pisser !

Épisode suivant, ces mythes et légendes
s’en vont nous régaler de mites alléchantes...




De la sérendipité en cuisine polyglotte —

Le 7 décembre 1864, Alfred Nobel, encore indécis sur sa carrière, séjournait à Klow. Il s’essayait au métier d’éditeur gastronomique et travaillait à un guide de menus exotiques européens. Ce qui l’intéressait en Syldavie, c’étaient évidemment les matrices médiévales figurant les premiers festins de la dynastie Ottokar. Rendez-vous avec le professeur Nestor Halambique, le savant sigillographe qu’il retrouva penché sur un idéogramme figurant la recette du sprbodj, saucisse vernaculaire des Balkans. On était côté cuisine dans l’auberge du chef étoilé Bharts-Vnloowkz. Conversation jubilatoire du français au suédois, du suédois au syldave, et inversement. Le mélange d’ingrédients et d’idiomes n’empêcha que l’on reconstituât la recette originelle de la saucisse syldave — du moins une formule approchée. Des gastronomes tatillons objecteront plus tard qu’un jeu de paronymes leur fit confondre le sel (solzk) avec du glycérol (zklos), les condiments (füszerekz) avec l’acide nitrique (zkűszeref), la chair à saucisse (kolzbäsz hursk) avec la terre de diatomée (zolkbusz harsk), le tout sous forme de bâtonnets enveloppés de papier alimentaire façon Bouillon Kub. N’empêche, aux approximations près, le succès ne laissait place au doute. Ç’allait faire boum à la fois dans les tubes digestifs et les galeries de mines.




Sonnet lipogramme en E ; "Loo" monosyllabique ; rimes alternées d'Ô fermés et O ouverts. —

Bart Van Loo marmiton n’ouvrit un snack à Qom,
non plus à Zanzibar, ni sur un oppidum.
Son bouillon s’infusait d’incisif capsicum
local, aussi piquant qu’un court-jus par loi d’Ohm.

Pour saisir un poivron, faut-il l'outil ad hoc :
fin cuistot, il brandit un tranchant tomahawk
dont l’à-coup ondulant à l’instar du moon-walk
mixa du paprika planant, kif-kif Woodstock.

Confus du ciboulot, Lol tangua jusqu’au hall,
au comptoir s’accouda, but un cocktail au khôl ;
vis-à-vis du miroir s’y maquilla d’alcool...

Impact, on l’a compris, au point d’un punching-ball
dans un corps convulsif : son boyau fit du crawl !
— L’assaut du Capitan fut plus cool, conclut Lol.




Sonnet lipogramme en E & W où "Lo-o" est dissyllabique tel le Booz de Victor Hugo ; diérèse classique à la fin de "positi-on" ; alternance de rimes consonantiques et vocaliques. —

Van Loo s’alita, fourbu par un travail
qui du matin au soir fouissait maint sillon.
Il a fait son plumard dans la position
où toujours il pionçait, non loin du bon bucail.

Avant qu’il s’assoupît, Van Loo çà soupa
d’un bol au sarrasin — on dit "bucail" au nord,
bouillon qu’il parfumait au choix d’un chili fort
ou qu’il accommodait d’un pur jus paprika.

La soif, qu’on fût humain ou charançon gourmand,
son silo l’apaisait d’un frais cocktail flamand
dormitif d’harissa mi-grisou mi-cactus.

Tout somnolait dans Ur, dans Looz-Borgloon.
Par l’horizon divin jusqu’à Sarimaktuz,
sa faux d’or rayonnait aux champs d'Amphitryon !



Le Renard et l'Harissa

Certain Renard wallon, d’autres disent flamand,
Apprenti Lucullus par le bouche-à-oreille,
Pelait des gousses de piment
Pour corser la salsepareille.

Ardent fut son bouillon infusé d’harissa :
Vrilla son œsophage en cintre
Et son pelage roux de feu se hérissa
Sans qu’il en pût la torche éteindre.




Riquet à la Soupe —

Instruit en cosmétique d’art
et charançons à crête ou dard,
Riquet appareille sa Houppe.
Il l’enduit de piquante soupe
puis harponne, Dame, ton cœur.
Recette d’un amour vainqueur.




Exquise soupe au piment rouge,
hélas n’en reste qu’une louche...
Ces gens encourent le danger
de se battre et non partager.
L’orde hécatombe s’est conclue
au bloc en urgence absolue.

    

(Photo : Sud-Ouest du 28 février 2025)



Le jardinier qui a fourni ses légumes à Bart se prénomme Dirk. Ayant lu la prose et les poèmes qui précèdent, Dirk précise qu'il fut en effet un peu surpris que Bart lui commandât autant de piments qu'il en fallut à Néron pour incendier Rome. Cela vaut bien une dédicace :

Il n’est d’incandescente Frousse
Des Ducs de Bourgogne et Rois d’Ourcq
Ni d’obscur côté de la Farce
Aux mains du tordant Vador Dark ;
N’est non plus de piquante Force
Au cœur des Princes qu’on sort d’York
Que n’effrite en pays de Frise
L’Onguent terrible, ô Druide Dirk !




(à suivre)

Babel 2025

.

Pot-pourri de Ronsard (d’après Les Amours & Odes II) :

Je me relie et me délace (...)
Page, reverse dans ma tasse !

La Pléiade tenait 441 pour Nombre de Babel cardinal...
1585-2026 : anticipons l’an prochain une commémoration
grandiose des 441 ans après la disparition de Ronsard.
Cadet de Nostradamus, Ronsard affecta une posture tout
en contradiction du vieux maître : « Il dit l’avenir ?
Eh bien, remontons le temps ! » Il usera alors du vers
comme filon étymologique à "renversement", et usant de
ces fréquents va-et-vient d’un état contraint (« je me
relie ») ou relax (« et me délace »). Le "reversement"
est l’exemple d’un autre usage de la racine "vers", où
il met en scène son disciple Rémy Belleau, assimilé au
page doublé d’un échanson généreux. Ronsard consacrera
parallèlement un authentique culte à la Muse Calliope,
qui le fait remonter, comblé, à la vie intra-utérine :

Dedans le ventre avant que ne je fusse,
Pour t’honorer tu m'avais ordonné :
Le ciel voulut que cette gloire j’eusse
D’être ton chantre avant que d’être né.

Cet extrait du Second Livre des Odes signe une posture
existentielle palindrome, comme "vers" sera "renversé"
et "reversé" ou qu’une alternance vitale le lace, puis
délie, puis lace sans fin. Avant nous dès 1960 en note
de son Traité de Prosodie (éd. Ichthusson, Bruxelles),
Gilbert Farelly datait ce caractère singulier du poète
au moment de la puberté, où un premier "poil" de barbe
orthographié à l’envers apparut portion de "Calliope".
Il n’en fallait pas plus que Farelly compose un de ses
fameux haïkus pré-oulipiens, en hommage à Ronsard et à
Rémy Belleau - prénommé" Rémi" sans Y afin de tenir la
contrainte palindrome doublée d’une gématrie = 441. Un
autre Rémi, Schulz notre oulipote, a relevé que le mot
central "lace" a 21 de gématrie, racine carrée de 441.

Rémi reversa
Le Poil lace Calliope
L’As rêve rimer

Jacques Roubaud

Ce billet, sommaire à l'annonce de la disparition de Jacques Roubaud, se verra complété au fil de souvenirs qui me reviendront de lui.




Jacques Roubaud alias JR né le 5 décembre 1932 est mort aujourd'hui, anniversaire de ses 92 ans.

J'ai eu la chance depuis presque deux décennies d'une correspondance suivie. Il était gentil, réservé (mais avec quelle allure !), disponible dès lors qu'il s'agissait de Zazie Mode d'Emploi, de poésie universelle, de littérature potentielle. Et il m'a conforté d'écrire sans renoncer aux protocoles et contraintes sévères ; cela ne l'empêchait pas d'exceller partout, y compris à composer les comptines les plus charmantes et accessibles — cf. "Les animaux de personne" et "Les animaux de tout le monde".

Un fichier monumental occupe la mémoire de mon ordinateur, pans entiers du corpus roubaldien qu'il avait confiés à une douzaine de camarades avec lesquels il n'était pas brouillé — ça lui arrivait en effet de se fâcher, on ne comprenait pas toujours pourquoi. En tout cas voilà des centaines de pages que j'ose à peine explorer. Trop fort pour moi, sauf la typographie et la ponctuation, désinvoltes ; il avait sans doute plus urgent à faire que de se relire.

JR a été joyeusement surpris en 2006 de lire les "2 × 20 cœurs" sur la photo. Cela ressemblait pas mal à son recueil Cœurs paru à la Bibliothèque Oulipienne. Suivant un protocole marrant, j'avais composé des quatrains imitant les siens... sans les connaître encore, juste selon une description de Gilles Esposito-Farèse après d'une lecture de l'Oulipo à la BnF.

Un jour je me suis marié avec Christiane V la Jardinière, et notre voyage de noces a été calqué sur l'itinéraire des troubadours comme rapporté par Jacques Roubaud. Il en parle comme d'un instant fugace suspendu au fil de l'Histoire. Roubaud a dit Lastours, nous irons à Lastours. Sensation de poursuite... trop tard sous le cagnard en pensant à JR infatigable marcheur ? Là-haut les archéologues ont retrouvé les reliefs d'un repas précipitamment interrompu par l'arrivée d'assaillants Croisés.

   

Quelques liens à JR, le premier chez Zazie Mode d'Emploi, les autres ici :
- Les vers à soie
- Colloque séricicole
- Roubaud plagié par Mallarmé
- Hugo a-t-il plagié Roubaud ?
- etc.

Sonymes

Le sonyme a été ainsi nommé (on peut dire trouvé) par Gilles Esposito-Farèse. Le billet ci-après compile des tentatives, des imitations, des prolongements de la forme sonyme.




Trois sonymes inspirés des rimes à signes extérieurs de richesse (une autre trouvaille du même Gef) et dédiés à des oulipiens, majeurs les trois :

Qui tancerait vos plumes
du major jappe avec
quittance, rai, volumes :
Dumas, Georges Perec…

Mob ? Idiome ? Un homme
s’allégea que, turbot,
Moby Dick gastronome
salât Jacques Roubaud.

Poe aime Chasles, Sévigné,
gilet Zeiss, prosit, anamnèse,
poème chaleureux signé
Gilles Esposito-Farèse.




Pierre Le Baud avait adjoint un quatrain rimé à son
manuscrit en prose des "Chronicques et Ystoires des
Bretons". Par inadvertance, ce poème fut oublié des
versions imprimées ultérieures. Mais chance que les
éditions Ichthusson de Bruxelles l’aient racheté en
1955 chez Sotheby’s, grâce à quoi nous tirons cette
strophe de l’oubli, pas tant pour nous en distraire
qu’avec l’intention d’une expérience oulipienne des
plus sérieuses. En 1480, le texte de Pierre Le Baud
rapportait en octosyllabes un vif dialogue entre le
Roi Gradlon & Saint Guénolé à l’instant où la ville
de Kêr-Is se trouve face l’imminence d’un tsunami :

— Sanct Gwennole l’Occean frape
Neiera tantost la Citeiz
En abismes de cecitéz
— C’est tens Gradlon que l’on eschape

Cela donnera une fois traduit en français moderne :

— Saint Guénolé, l’Océan frappe
Qui noiera tantôt la Cité
En abîme de cécité...
— C’est temps, Gradlon, que l’on s’échappe !

Réécrivons maintenant ce dialogue au format sonyme,
dont l’apparente rigueur (4, 4, 3, 3 mots) s’adapte
pour sûr aussi bien aux incunables qu’aux modernes.

— J’ois l’han
d’Ys : l’Onde
et l’Ombre…
— Viens-t’en !



Deux sonymes longs, vers de 14 et 10 syllabes.

1) Eleftérios Alexandris a signé en 2006 la toute première réécriture de la rubrique "l'Oulipien de l'année" chez Zazipo, une traduction en grec des Vers à Soie de Jacques Roubaud dont la mesure de 14 syllabes est le standard hellénique classique. Alors, classicisme oblige, prononcera-t-on en retour une diérèse à "étudi-ant", "Eleftéri-os", "aristotélici-en" en un sonyme, quatrain aux vers tétradécasyllabes contraignant à des mots très longs :

Au phénoménologique étudiant propédeute
hellène Eleftérios, son kinésithérapeute
aristotélicien — douillet sériciculteur —
administre cataplasme homogénéisateur.

2) Avec des mots de Mallarmé, décasyllabes 4 + 6 :

L’Azur soutient victorieusement
une clarté véridique sonore.
Hérodiade — écume, châtiment —
argentera Paphos lampadophore.



Sonymes brefs, dissyllabes :

Si un paresseux à Pondichéry
écoute la radio d’Aquitaine,
il entend "roll’n’rock" en 2
syllabes d’où les 4, 4, 3, 3
mots d’un sonyme très bref :

L’aï d’Inde
n’oit d’Oc
qu’une onde
roll’n’rock

Paradis terrestre du Ch’ti =
sonyme en vers dissyllabes :

N’est-ce Ève ?
L’œil d’Oïl
n’en rêve
qu’à poil !



Sonyme Caradec.

Une rue au hasard
L’initiale est bonne
Escamotez tout art
Paname la fredonne

Le pavé rime ainsi
Fredonnons dans la rue
Elle dira merci
La ville disparue



Contrerime & Sonyme selon le 1er principe de Roubaud :

Lorsque votre strophe combine
Des rimes s’embrassant
Avec métrique croisement
Nommez-la contrerime

Poursuivez la même comptine
Quatre mots se doublant
Ensuite trios seulement
Baptisez-la sonyme




Le miroir est un élément explicite du Sonnet en X. Gilles Esposito-Farèse a remarqué la position médiane de la parenthèse (vers 7 & 8), coïncidant justement à celle d’un miroir :

(Car le Maître est allé puiser des pleurs au Styx
Avec ce seul objet dont le Néant s’honore.)

Cela ne serait pas la seule fois où Mallarmé fusionnerait le sens et la forme d’un poème — cf. Petit air 2. La réécriture ci-dessous d’un autre sonnet fameux, celui du Cygne, tente de reprendre le même effet de symétrie optique, le contexte du lac gelé tenant pour miroir : 3 strophes de rimes croisées FMFM, 1 de rimes embrassées FMMF, 3 de rimes croisées MFMF, chaque strophe étant sonyme (4, 4, 3, 3 mots). L’invention de Gef, reformuler un sonnet d’alexandrins en 7 sonymes de pentasyllabes — un par distique — réduit à peine l’original, puisque l’on passe de 168 à 140 syllabes. Il y a cependant dans chaque strophe l’effet d’haïkaïsation introduit par Raymond Queneau dans "La redondance chez Phane Armé".

Le vierge et vivace
et beau : l’aujourd’hui,
par voilure rase
déchirée, a brui.

Lac hanté de glace,
d’ivresse, d’oubli,
jamais nulle trace
d’envolement fui.

Sans espoir un cygne
a lesté pour frein
l’autrefois sublime
figé de chagrin.

À ne chanter vivre
d’huis ni région,
resplendit l’ion
de stérile givre.

L’agonie en blanc,
son col la secoue,
maudissant l’étang,
vaine psyché floue.

Non horreur du sol
où chut le plumage,
l’éclatant envol
assigne la page.

Froid clus d’idéal,
le cygne en prolonge
l’exil abyssal
revêtu de songe.




Un autre "hexasonyme", celui-là d’après Sur un miroir de Charles Cros, est composé selon une double logique de miroir :
- 3 quatrains de forme "emynos" (3, 3, 4, 4 mots), et 3 quatrains de forme sonyme (4, 4, 3, 3 mots) ;
- les 3 premières strophes avec des rimes M-F-M-F, puis les 3 suivantes sur schéma inversé : F-M-F-M.

Chaque fois, miroir,
que, vertus vaudoues,
elle met du noir
aux sourcils, aux joues

un poudreux parfum
encadrant sa lèvre
de charme et carmin,
tu diras ma fièvre :

« Je dors reflétant
le lyrique ivoire
qu’il poinçonne quand
votre œillade en moire

par ses atours creuse
l’éclat nommé chair
— d’où victorieuse
trichromie en clair. »

Qu’alors tu ressentes
son regard d’humeur
et fins négligentes
à m’abandonner,

brise-toi la glace !
puisque je ne vaux
apprêter sa classe,
pourquoi mes rivaux ?





Un grand sommeil noir de Verlaine modifié de sorte que les strophes 2 et 3 deviennent des sonymes comme l’était déjà la première.

Un grand sommeil noir
Tombe sur ma vie :
Dormez, tout espoir,
Dormez, toute envie !

Je n’entrevois rien,
Je perds la mémoire,
Défiant du bien...
Triste mon histoire !

Je suis un berceau
Qu’une main balance
Dedans un caveau :
Silence, ô silence !




Le poème précédent peut se développer en un sélénantoum dont les strophes soient sonymes.

Un grand sommeil noir
Tombe sur ma vie
Expire l’espoir
Expire l’envie

Tombe sur ma vie
L’écume du rien
Expire l’envie
D'improbable bien

L’écume du rien
S’enivre en mémoire
D'improbable bien
Triste cette histoire

S’enivre en mémoire
De mon vieux berceau
Triste cette histoire
Dedans un caveau

De mon vieux berceau
Qu’une main balance
Dedans un caveau
Pleure le silence

Qu’une main balance
Un grand sommeil noir
Pleure le silence
Expire l’espoir




Vache de Zeus, Rockefeller, Louis Vuitton :
Sous cette Trinité, que fête soit coutume !
Et le dieu protecteur à l’huis de ta maison
Joue en latin la Pâque et ta bonne fortune.

Quatrain d'influence surréaliste (attribué à Gilbert Farelly) que l'on pourrait traduire en sonyme palindrome, par exemple :

Io, Trust et Luxe
Et l’us nocera...
Le Lare consulte,
Exultet sur toi !



Solstice embrasant juin, le cirque d’Olympie
signe un décor parfait : là cet époux à poil,
faussaire, corromprait ma peinte Eucharistie ?
— Va te taire en prison ! tranche le tribunal.

Second quatrain fou de Gilbert Farelly traduisible en ce palindrome fidèle au "sens" initial :

Un été l’arène,
nec à mari nu,
punira ma Cène ?
— Ne râle tenu !



Un forçat fait la sieste, entendez-le railler
le caillou qu’il concasse avant sa limonade.
La brebis de Bashō lui répond « Ô bélier,
Georges dessus tes reins fléchit ta promenade ! »

Gilbert Farelly en 1960 ne pouvait pas connaître Georges Perec, mais on fera comme si, en tirant un sonyme palindrome de cet autre strophe hallucinée :

En gag ce repos :
roc, soda, le bagne…
Renga bêla « Dos,
corso, Perec gagne ! »



Maille à l'envers, maille à l'endroit = quelques sonymes palindromes de mots — dont certains changent de sens, de nature, d'acception, voire d'orthographe : "étale" adjectif puis verbe, "chut" = choir puis se taire, "bouffe" substantif puis verbe... "boîte" & "boite", "ouvre" & "ouvré", etc.

Maille étale il chut,
versa vice, aïe aïe.
Vice versa... chut !
il étale maille.

La bouffe, oiseau-mouche,
grise Iris... la-la !
Iris grise mouche,
oiseau, bouffe-la.

Lui, ferme ouvre-boîte,
marche entre boui-boui,
entre, marche, boite...
ouvré ferme-lui.

Cri : notre amour-propre
rime avec gri-gri,
avec rime propre :
amour notre cri !




Imité de Gef encore, le poème suivant est un « solénet auto-acrostiche de mot, c.-à-d. :
— sélénet = deux quatrains de pentasyllabes à rimes croisées fmfm fmfm ;
— chaque quatrain est un sonyme = dont les vers comptent successivement 4, 4, 3 et 3 mots ;
— la lecture verticale des premiers mots des huit vers reproduit la fin du même poème. »

Au halo de lune
Soir qui s'éclaira
Quel joli costume
Rayon contient "Râ"

Scintille, ô ma ville !
Bougeoir vif au soir
Quel rayon scintille
Bougeoir quel bougeoir




5 solénets (= sélénets-sonymes) d’après comptines :

Est-ce une panthère
Ce civet tout cru
Sous le cimeterre
Du Chef Lustucru ?

L’as des casseroles
Barbe poivre et sel
Nourrit de paroles
La Mère Michel

— — — — / — — —

Qui mettrait la patte
Au lait des brebis
Souillerait la pâte
Tirée entre pis

Que fais-tu Bergère
N’occis ces chatons
Retiens ta colère
Reviens aux moutons

— — — — / — — —

Au halo de lune
L’onde dit allo
Radio de plume
Pour feuille prolo

L’adresse fut brève
L’appel un pamphlet
Convaincu de grève
Le Meunier ronflait

— — — — / — — —

Mais gare au gorille
Un peu trop câlin
S’ensuit peccadille
Torpeur et déclin

Un dicton s’obvie
Des goûts du Malin :
« Meunier qui roupille,
Dégâts au moulin »

— — — — / — — —

Dors-tu Frère Jacques ?
Ne crains-tu pécher
En oubliant Pâques
Muet ton clocher

Sois noble aux platines
Et fantasque au gong
Sonne les matines
Digne dingue donc

Fables du Choucas

1 — Sélénet de sonymes
La lune étant noire,
Poe en pareil cas
embrume une histoire
de bègue tracas...

D’ombre où Leonore
s’éteint, un fracas
sourd : le Nevermore !
fatal du choucas.

2 — Médaille
L’aphone choucas
Dam ! veut recouvrer ses cordes
Il vole un cachou

3 — Ouïseaunet
Plane un choucas
Plume moka
Sur mes peines
Nuits d’ébène

4 — Petite boîte
la pensée en-soi pour-soi
piaf pas dupe du miroir
quand d’arrogants laborantins
réduisent
l’intelligence du choucas
à des exploits de cobaye

5 — Onzinet
choucas
insectes enfouis
brindille idoine outil
observation déduction pour recette
festin




Post-scriptum sans rapport sinon que ç'a été écrit en même temps, un distique burlesque composé au cours d'une discussion sur la liste oulipo... Il était question d'écrire un distique d'alexandrins holorimes sur La Palice, maréchal de François 1er dont la bravoure fit des envieux, à en croire l'épitaphe sur sa tombe :
« Ci-gît le Seigneur de La Palice
S’il n'était mort il ferait encore envie »
Par confusion typographique possible entre F et S, l’on aurait réécrit pour rire le second vers en :
« S'il n'était mort il Serait encore en / vie »
D’où l’idée de ce distique quasi holorime, sauf les F devenant S :

Polyphone aile ! Écot biffé ! L’appât (lit fade
poli) sonnait l’écho : bis et lapalissade.




Post-post-scriptum sans rapport de chez sans rapport, rangeons autrement les 26 lettres de l’alphabet...

M Y H A D Z U T K V W Q J B C P I G O L X F E S R N

... et l'on entendra :

Émigrer cacha des aides
Hutte et cave et doux bleu
Vécu j’y baissais pays, géo, hélix et feux
Et ses reines




Post-post-post-scriptum du coq à l'âne, un haïku palindrome retrouvé dans mes brouillons :

Du sud remué
Ida se verse des rêves
Adieu mer du sud

Un Rat de Banksy

.

   Rien d’invraisemblable qu’un Rat de Banksy,
   monochrome, t’inspire une strophe monorime.
   Par ex. ci-dessous de tonalité symboliste :

Reviens nous déchiffrer dans l’infini des cieux,
Vieux Banksy, ton Fétiche aux comptoirs besogneux.
L’étoffe t’en revient, écot délicieux
D’un Lascaux tout urbain et comme belliqueux.

   Par effet de pochoir, le Rat de Banksy est
   inversible & il peut revenir ad libitum...
   qualités propices à composer un palindrome
   en guise de résumé mot à mot du quatrain :

Et tu lis au quorum astral
âgé : Rat ou quai rétamé,
matériau, quota régal,
arts à mur ou quasi lutté.

   (palindrome en 77 lettres et gématrie 999)

L’ouïseaunet et sa contrerime

.

L’ouïseaunet et sa contrerime, ou comment
l’ordre des vers va en infléchir le sens.
On explorera ici une classe d’ouïseaunets
convertibles en contrerimes. La structure
initiale sera de 4-4-3-3 syllabes à rimes
embrassées, cela de sorte que l’inversion
des vers médians ménage la syntaxe mais y
apporte nuance au sens initial du poème :

Mille sardines !
Les pélicans
plongent quand
tous en dînent.

Mille sardines
plongent quand
les pélicans,
tous en dînent.




À plus d’un titre
et autres noms :
ci Baron
d’Oise-aux-Pîres.

À plus d’un titre,
ci-baron
et autres noms
d’oiseaux pires.




Voler des pages
en revenant
aux romans
de voyage.

Voler des pages
aux romans
en revenant
de voyage.




Quel vol d’aigrettes
aux épluchures,
je le jure
sur ta tête !

Quel vol d’aigrettes !
Je le jure
aux épluchures
sur ta tête.




Variante de comment basculer d’ouïseaunet
à contrerime grâce à des vers holorimes :

Tu téléphones
nous sanglotons
Avion
monotone

Tutelle et faunes
À vie on
nous sangle aux tons
Mon eau tonne




Idem avec calembours (ou contrepèteries).
1er exemple, rimes plates puis croisées :

Sardanapale
mangeait nos râles :
geai menu
de minus,

sardine à poils,
gemmes nues...
mon général
diminue !




Des macs hérons
trop dégueulasses :
l’appeau catche...
mirliton !

Décaméron :
là Boccace
droguait de glaces
mil litrons.




(à suivre...)

Terine Waterloo

L’Empereur est déchu, la Légende l’enchaîne :
Triomphe, apside, chute, exil à Sainte-Hélène —
Lors Hugo parapha « Waterloo ! morne plaine ! »




Nombre de syllabes mot à mot :
        3 1 2 - 1 3 2
        2 3 1 - 2 1 3
        1 2 3 - 3 2 1
Verticalement, les premiers et
seconds hémistiches génèrent 2
terines de chiffres ; 3e vers,
les chiffres sont palindromes.

Carrollnine

Tous devrons passer la borne
Qu’au-delà serons péris
Parfois neveu d’avant oncle
De vêpre jusqu’au matin
Tant pis qu’Orlando fut brave

Karolus sur marbre grave
Épitaphe au Preux qui corne
À conjurer le Malin
Notre-Dame de Paris
Recueille onyx de son ongle

Prisme par le gemme l’angle
Darde d’éclat une grive
Ombre qu’aux vitraux pâlis
Son chant tout d’optique cerne
Du verre un pigment salin

Point longtemps l’ord ne salit
Plume de grive ni d’aigle
L’éclisse paraissait terne
Elle s’enflamme et les grime
Rosace à galbes polis

Ci l’ange mande un colis
D’Orlando l’âme en salut
Mais vivants tenons la prime
Durandal frappe tel sigle
Roncesvalles est sur terre

Idée précédemment explorée par Annie Hupé,
cette quinine ne renouvelle pas exactement
les mots-rimes, elle les transforme en une
suite de doublets de Carroll en 5 lettres.



Touché qui
es-tu Duc ?
Roland Fol

Haut le col
fut ouï
un fouet dur

Répons pur
à ton cor
c'était l’oud

         qui ouï oud
         duc dur pur
         fol col cor

Sans quitter Orlando Furioso & l'Arioste
une "carrollterine" en vers trisyllabes.



Les mots-rimes de cette carrollquatrine
comptent 4 lettres. Les vers sur 4 mots
tétrasyllabes font 16 espaces-machine :

           Qui fait du troc
           Scinde un é-crou
           Prix d’auto-stop
           Pour pas un clou

           Le flash du flou
           L’allure au trot
           Prix d’auto-stop
           Gain peu ou prou

           Les mots du proc
           Vol de frou-frou
           Prix d’auto-stop
           Seiz’ans au trou

Les Fables disparates d'Hérode Neth-Omphale

Dérobées en 1884, les Fables disparates d’Hérode Neth-Omphale ont refait surface en 2021 au Salon du Livre ancien et de l’Estampe de Pirou. L’exemplaire rescapé a bénéficié d’une restauration somptueuse des collages par Philippe Lemaire et de la reliure par Nadège Moyart.

J'ai eu la chance de retracer l’histoire de cet album fulgurant revenu du néant, aventure contée en postface du recueil. Il apparaît qu’une puissante alchimie de poèmes illustrés avait vu le jour bien avant les inventions oulipiennes, pataphysiques ou surréalistes. Rien moins que prémonition des Ou-X-Po selon François Le Lionnais.

Qui se cachait sous le pseudonyme crypté d’Hérode Neth-Omphale ? Une injustice est ici réparée, sources à l’appui : honorer la visionnaire Abipone Lules, géniale créatrice franco-argentine du XIXe siècle dont le chef-d’œuvre fut dérobé, le nom presque oublié.

      


Ces Fables de 1884 sont une ahurissante prémonition de Dada, de la ’pataphysique, de l’Oulipo.
(Martin Granger — Les Nouvelles d'Archimède)



Depuis les notes de Walter Benjamin à Portbou, l’Espagne des Lettres brûlait de connaître les personnages des Fábulas dispares, Gil Blas en tête !
(Pablo Martín Sánchez — Revista de Erudición y Crítica)



Combinez la langue de Marceline Desbordes-Valmore, l’œil de Berthe Morisot, la science de Marie Curie… voici Abipone Lules et les Fables Disparates.
(Coraline Soulier — Zazie Mode d’Emploi)



Après que Gérard de Nerval ayant retrouvé François Villon dans l’au-delà lui eut parlé longuement des Fables disparates d’Hérode Neth-Omphale, tous deux dirent à l’unisson : « Ciel, ma potence ! »
(Jacques Jouet — Projet Poétique Planétaire)



Saura-t-on jamais qui a inventé pareil prodige éditorial : Hérode Neth-Omphale ou Abipone Lules ?
(Gilbert Farelly— Traité de Prosodie Ichthusson)



Unique recueil, et d’emblée le meilleur, de la grande Abipone ! Une œuvre lumineuse enfin tirée de son obscurité.
(Jean-Paul Honoré — Atamashiri International Book Review of Osaka)



Ah, le fameux manuscrit trouvé à Pirou, ce féerique collage de poésie et d’érudition !
(Bart Van Loo — Belgisch Literaire Tijdingen)

Œufs de Pâques

Que faire pendant mes heures de sacerdoce oulipotager quotidien ? Tiens, par exemple, écrire des ouïseaunets, le premier holorime, à l'occasion de Pâques :

La teinte opaque
l'atteint aux Pâques :
— Ripoux saints !
rit Poussin.
Tristan l'inepte,
tes omelettes
manquent d'œufs !
râle Iseult.

... ou bien des sélénets dont les mots rimes dits en verlan comptent l'E final des rimes féminines (ra-ce / se-ra ; blâ-me / meu-bla ; etc.) :

Roaring Oyster Cult —

Cette huître de race
Jamais ne sera
Qu’objet de mon blâme
Ton flanc s’en meubla

Sitôt que tu ronfles
J’en ois le fleuron
Du creux de tes lombes
Bâille la belon

Or parmi les langues
Il en est gueulant
Ne jette les ancres
À ton fonds creusant

La légende à Dombes
Craint le mot bedon
Celle de Brest ombres
Ou skeud en breton



Attention ! illisible, le paragraphe qui suit
n’a de vague intérêt que sur la liste oulipo,
de par la tenue de contraintes. La gématrie =
3333 ; chaque phrase est palindrome ; la mise
en page est justifiée en police Courier. Rbt_
- - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - -

Non à ce canon. Et si, d’un égalé pétard usé,
ce sud rate : pelage nudiste. Luc la Carabine
lava le nibar à calcul. L’arc lu peste : seul
blues et sépulcral ? Crâneur, apparu en arc ?
Laid, armé, totem radial ? La totem-radicelle
tel le Cid arme Total. Rémi ce portatif fusil
pète-pli suffit à trop écimer. Si l’on a relu
missile, relis simuler anolis. Armure, sérum,
Râ. A man, a pistolet, a matelot si Panama...



Érato bava le lavabo taré —

Casanova se lava le savon à sac
Arès, sa meute Vedette dévêtue massera
Noé n’essora la rosse néon
Ni Abel, ami banni accès à sec, Caïn n’abîma le bain

Leur cep parfume l’ému frappé cruel
Eh ! ça n’a perdu Opale la poudre panache
Roi nu je tâte cal, cor, froc, l’acétate junior
En âge vêtu je visse la lessive — jute végane

Le guano t’a rincé sec ; n’ira-t-on au gel ?
Sale ta mare mousse, fada fessu, ô mer à matelas...
Tresse drapé l’emmêlé par dessert !

Ressac à javel le bermuda Cadum rebelle va jacasser
À Marcel l’eau-cave s’évacua, elle crama
Ému ce lac : sa parité vêtira Pascal écumé

- - - - - - - - - - - - - - - - - - - -
Sonnet de salle de bains, en vers libres
mais contraints. Ci, mesures inégales au
décompte des syllabes ; là, les rimes on
est sans. Voilà les points complaisants.
Unique contrainte en somme : chaque vers
fait palindrome... / / / / / / / Robert_

Gidouilles illustrées

Lire successivement la gidouille numérotée, puis la ligne horizontale :

     
              Un éclair ! on veut
              au voile un carnet.

Le même dispositif appliqué à des syllabes...

     
            La ville changeait tant,
            j’ai le lavis chantant.

... ou à des mots :

     
       La tache sous une trace nuit-elle ?
       Elle trace sous la tache une nuit.

Haïkúxymore

.

Pentasyllabes 1 & 3 comportant
deux oxymores symétriques dont
l’heptasyllabe central donnera
un éclairage à visée poétique.

L’obscure clarté
des étoiles vit Soulages
embraser le noir

Automnes torrides
redites-moi mais où sont
les neiges de mai

À loup sans offense
timidité châtiée
par rage d’agneau

L’hydrogène est lourd
suffisamment qu’il embrase
un gel nucléaire

Ce pâle Cheyenne
que Chief Dan George adopta
c’est Little Big Man

Des larmes de joie
ont précédé pour écho
vos douleurs muettes

Post-scriptum — Dans l’esprit de 2 formes classiques
ambulatoires que Martin Granger a inventées (nommées
le plaïku & le haïkow selon que vous composerez vos
poésies outre-Quiévrain ou dans de verts pâturages),
2 plaques minéralogiques totalisent 5+7+5 syllabes :

Gide est sans Césaire.
Apaisé d’huis en seing, Kant
te sait tigre et queue.

JD 116 RA
PZ 857 YE

Gidouilles syllabiques

.

Pour découpage mécanique ci-dessous,
les syllabes du troisième vers étant
1 2 3 4 5, on aura aligné au premier
3 4 2 5 1, ou à l’inverse 3 2 4 1 5,
voire 1 5 2 4 3 de Médor et Jacques.
Noter la surcontrainte métatextuelle
en gidaille, à savoir l’évocation de
spirale ou rotation dans le 2e vers.

De-ci l’air monocle
Sartre roule un œil sur deux
au clair de Simone

De-là l’ers du Nok
Ronde des saisons de mil
au clair de la dune

Vide ou parano
vrillons cortex en vortex
au parvis-douane

Deux lacs — l’air lu Nô
chavire tes nefs Shogun
au clair de la lune

Mie à pied c’est trop
Il valse et pétrit le pain
cet ami Pierrot

J’avou(e) que Médor
jappe faux un nœud épique
Jacques dormez-vous

Sand aima Soutine
quand les heures remontaient
soudez cent matines

Vrac

Sélectionner une date

février 2025
« 12345678910111213141516171819202122232425262728

Les cases à fond coloré signalent les dates de parution des billets. Les flèches permettent de se déplacer au mois suivant ou précédent.