Le blogue de Robert Rapilly

Ian Monk

Inoubliable atelier de Ian Monk auprès d’une classe de seconde, lycée Pasteur à Lille. Il s'adresse à une assemblée bigarrée de jeunes gens plus ou moins punks, gothiques ou rangés des vélos. La consigne tient en peu de mots : écrivez un autoportrait en forme de morale élémentaire. La lecture sera poignante, chaque élève gratifié du regard surpris et bienveillant de ses condisciples, Ian nous invitant à applaudir. Quelques semaines plus tard l’enseignante reviendra vers lui. Elle n’a jamais connu de classe aussi soudée. Rien de facile a priori cependant, mais une préparation méticuleuse, une extrême délicatesse de la parole et du geste, la conscience que l’écriture ici touche à la fragilité adolescente de récits de vies. Et Ian animateur de l’atelier n’élude pas les cicatrices de son propre autoportrait, qu'il lit en premier pour exemple, membre parmi les autres d’une commune poétique.

Quelque chose de fatalité britannique, j’ai souvent perçu une résonance de Dylan Thomas en Ian, "Plouk Town" répondant à "Portrait of the artist as a young dog". D'où, ci-après, une villanelle...

             

N’y sombre pas si douce soit la nuit
l’âge irradie il s’insurge du terme
enrage rage à fixer ce qui luit

L’usage — quoi — cède l’ombre au dépit
mais quelle allure et quel éclair du verbe
t’ont vu passer sans frousse dans la nuit

Homme de bien l’ultime souffle bruit
de Fives grise à Laugharne anse verte
enrage rage embrase ce qui luit

Tiens aujourd’hui le soleil il s’enfuit
puis le bistrot singe au néon sa geste
un virtuose œuvre eh ! billard la nuit

Delà silence où la noirceur instruit
la balistique en ton œil étincelle
enrage rage à brandir ce qui luit

Et toi Ian Monk loin d’où rien ne s’ensuit
bénis ou non nos larmes ma prière
surtout ne sombre asservi dans la nuit
enrage assez que passe la lumière

Holorimes monovocaliques

Après Daniel Marmié (in "De la reine à la tour / Cent poèmes holorimes", éd. De Fallois 1995), Gilles Esposito-Farèse a écrit des vers holorimes monovocaliques en E. Imitons-les avec des alexandrins en A, en I, en O, en U.



Marchant à Madras tard, à Panama sans dard,
Marc chanta mad-rasta, râpa n’amassant d’arts.
Karl amant d’appas va, pas Zappa massant bas,
car l’Amanda pava pas à pas ma samba.

Deux remarques —. Comme la Place du Saint vénitien, ce "Marc" se prononcera "Mar(c)". Et il y a entorses à la liaison supposée — pour précédent la rime magnanime/Nîmes du célèbre Gall amant de la reine, par Marc Monnier.




Mi-slip simili bis, six vins Sidi, dix cris...
Miss Lip ci mit l’ibis si Vinci dit : « Dick, ris ! »




Mon tonton Bob oblong : « Ô Toronto nom d’ors,
montons ton bobo blond ; Otto rond, tonnons : dors ! »




Tu mus Lustucru d’Urk : Hun mûr, futur Ubu,
tumulus... tu crus dur qu’un mur fût urubu.




L'ami dodu / la, mi, do d'ut (sonnet) —

Râ massacra, chassa Val d’Aa,
ramassa crachats à Valda,
parla paradant sans sambas
par l’apparat dansant sans bas.

Divin Cid, Iris dit : « Tchin, fils !
dix vins sidi-riz ! dix gin-fizz ! »
L’infinitif ? Si Jimi (slip-
-lin) finit tif, ci-gît Miss Lip.

Ô Strogoff ! honorons d'oblongs
Ostrogoths : phonos ronds, dos blonds.
Doc Thor, domptons ton cocon mort :
d’Oc tordons tonton, coq on mord.

Sûr ! Plut du cul qu’urubu lût
surplus : Duc, Hulk, Ur, Ubu, l’Ut…

Automnets et autres poèmes sonnettisés

La forme dite automnet, sur une idée de Gilles Esposito-Farèse, caractérise les sonnets en
4+4+4+3
4+4+4+3
4+4+3
4+4+3 syllabes,
d'après le rythme bancal de la Chanson d'automne de Paul Verlaine, ici à peine retouchée :

Quel glas résonne
Aux sanglots longs
Des violons
De l’automne ?

Cette onde tonne,
Blessant mon cœur
D’une langueur
Monotone...

Tout suffocant
Et blême quand
Sonne l’heure,

Je me souviens
Des jours anciens
Et je pleure.




Le spleen affleure,
Tout suffocant
Et blême quand
Sonne l’heure.

Sans fard ni leurre,
Les jours anciens
Je m’en souviens
Et je pleure.

Et je m’en vais
Au vent mauvais
Qui m’emporte

Deçà delà,
Pareil à la
Feuille morte.




Automnet à chanter comme il vous plaira :

— Au clair de lune
Ami Pierrot
Prête ta plume
Pour un mot

Plus de loupiote
Je suis sans feu
Ouvre ta porte
De par Dieu

— Au clair de lune
Ci point de plume
Dit Pierrot

Mais la voisine
Attise un spot
En cuisine




D'après L'invitation au voyage de Baudelaire :

J’aime à loisir
Songer aux charmes
De traîtres larmes
Puis mourir

Là-bas ensemble
Allons ma sœur
Où la douceur
Te ressemble

L’astre mouillé
D’un ciel brouillé
Mêle d’ambre

La rare odeur
Dont notre chambre
Soit la fleur




Ordre et beauté
Là tout est calme
Nommons la palme
Volupté

Orientale
L’onde en secret
Nous parlerait
Vox natale

Riches plafonds
Miroirs profonds
Tout abonde

Par ces vaisseaux
Du bout du monde
Aux canaux




Pour assouvir
La ville entière
Toute lumière
Vaut désir

Sang d’Hyacinthe
L’or des couchants
Revêt les champs
Et l’enceinte

Le bois des ans
À fils luisants
S’ensoleille

Mystérieux
Tant le vermeil
De tes yeux




D'après Hugo, À un poète aveugle in Les Contemplations :

Merci Poète
Lare pieux
Qu’un radieux
Vers projette

Notre seuil luit
Cerclé d’étoiles
Tu le dévoiles
Dans la nuit

La triste brume
Lors se rallume
Par ton œil

Tu perces l’ombre
Delà l’écueil
Nul ne sombre




"Boileautomnet", titre combinant la forme automnet à l'injonction de Boileau in L'Art poétique, qui réfute "qu'un mot déjà mis osât s'y remontrer". Or donc, aucune répétition ci-après :

La cantilène
Boileautomnet
Porte signet
De Verlaine.

Vers précédents
Tétrasyllabes,
Puis voix finales
Sur trois temps,

On n’y répète
Avant perpète
Aucun mot.

Ainsi s’étoffe
— Rire ou sanglot —
Chaque strophe.




Sur la même idée de transformer en sonnet un poème qui ne l'était pas, réduction de L’Albatros de Baudelaire, où disparaît un couple de vers des deux quatrains finals :

Souvent pour s’amuser les hommes d’équipage
Prennent des albatros, vastes oiseaux des mers
Qui suivent indolents compagnons de voyage
Le navire glissant sur les gouffres amers

À peine les ont-ils déposés sur les planches
Que ces rois de l’azur maladroits et honteux
Laissent piteusement leurs grandes ailes blanches
Comme des avirons traîner à côté d’eux

Ce voyageur ailé comme il est gauche et veule
L’un agace son bec avec un brûle-gueule
L’autre mime en boitant l’infirme qui volait

Le Poëte est semblable au prince des nuées
Exilé sur le sol au milieu des huées
Lui naguère si beau qu’il est comique et laid




Même transformation appliquée à Demain dès l'aube de Hugo :

Demain, dès l’aube, à l’heure où blanchit la campagne,
Je partirai. Vois-tu, je sais que tu m’attends.
J’irai par la forêt, j’irai par la montagne.
Je ne puis demeurer loin de toi plus longtemps.

Je marcherai les yeux fixés sur mes pensées,
Sans rien voir au dehors, sans entendre aucun bruit,
Seul, inconnu, le dos courbé, les mains croisées,
Triste, et le jour pour moi sera comme la nuit.

Et quand j’arriverai m’incliner sur ta tombe,
Je ne regarderai ni l’or du soir qui tombe,
Ni les voiles au loin descendant vers Harfleur.

Je verrai, retenu par l’ombre au bord du vase,
Un bouquet de houx vert et de bruyère en fleur
Où vole un papillon arrêté dans l’extase.




Lubin sonnettisé :

— Au clair de la Lune,
Mon ami Pierrot,
Prête-moi ta plume
Pour écrire un mot !

Ma chandelle est morte,
Je n'ai plus de feu,
Ouvre-moi ta porte
Pour l'amour de Dieu...

— Au clair de la Lune,
Je n'ai pas de plume,
Répondit Pierrot.

Va chez la voisine :
Elle tient bistrot
Dedans sa cuisine.



D'après Clément Marot :

Lorsque Maillard, juge d’Enfer
Menait Semblançay l’âme rendre
À Montfaucon, gibet où pendre
Croquant, malandrin, brise-fer,

À votre avis, lequel en somme
Des deux tenait meilleur maintien ?
Pour le vous faire entendre bien,
Maillard semblait piètre bonhomme :

Qui mort va prendre, est-ce Maillard
Ou Semblançay, ferme vieillard ?
Confuse apparaît la sentence,

Et pour vrai l’on croirait sensé
Que fût mené sous la potence
Maillard en lieu de Semblançay.

Rétroviseur sur la Légende

Le caméléon
Voyant l’œil de qui le voit
Fond dans le décor

Ce haïku m’a conduit à explorer les répercussions oulipotentielles d’une loi optique relative à la notion de miroir : suivant une analogie certes tirée par les cheveux, il s’agirait de réécrire La Légende des siècles en sens inverse, espèce d’image-retour à intituler "Rétroviseur sur la Légende" ou encore "Flash-back Centuries". Afin de tester la faisabilité du projet, ç’a été aussitôt La Conscience à quoi j’ai pensé, où l’œil divin traque Caïn. À la différence du haïku, tout d'immédiateté, le chantier dactylographique m’a pris du temps, d’autant que j’ai creusé deux veines distinctes :

—> remonter une à une les images, les idées, les gestes du poème-source — en écartant donc les belles rimes du Maître ;

—> copier en ordre inverse les alexandrins originaux ; adapter la syntaxe en retouchant aussi peu que possible au texte-souche (chantier en suspens).

L’exercice s’avère ad hoc pour s’imprégner de la prosodie hugolienne. Ici l’alexandrin constitue une unité discrète puissante, économe notamment en rejets et contre-rejets, procédé dont j'ai usé à l'envi. La sensation diffère de la mécanique de précision requise si l’on compose à partir de Mallarmé ; on se sent plutôt comme un minuscule bernard-l’hermite qui asticoterait le léviathan. C’est ultra puissant, avec peut-être çà et là des chevilles — chez moi oui, mais aussi chez papa Victor. Constat double à l’arrivée : la forme ramassée du haïku suffit à en dire autant que 68 alexandrins ; dès lors, la technique de camouflage du caméléon est sans comparaison meilleure que les multiples tentatives du malheureux Caïn.

PS — À noter, selon un protocole voisin, une réécriture du Desdichado par Alexandre Carret. L'ordre des premiers hémistiches a été inversé quand les seconds hémistiches sont restés à leur place — là aussi quelques ajustements rétablissent une syntaxe correcte.

PPS — Et lire plus bas en commentaire "Le val du dormeur" de Nicolas Graner. Les vers s'y inversent à peine modifiés, de sorte que la distribution des rimes soit conforme à la structure d'un sonnet.

En post-scriptum, quelques poèmes et comptines tête-bêche...




La Rémanence (1) —

Caïn jusqu’en sa tombe est la cible d’un œil.
L’œil lui darde le front sous ce vaste cercueil.
Là son ombre accroupie abomine la place,
et cette sombre voûte engloutit l’ord espace.
« C’est bien ! » crut-il naïf, alors qu’on eut percé
pour n’être vu ni voir l’insondable fossé :
sépulcre solitaire, à supposer que plaise
au damné d’habiter enseveli de glaise.
« Car il est là toujours ! » avait-il répondu
à Tsilla qui priait « L’œil a-t-il point fondu ? »
quand, plus tôt en saison, sa lugubre détresse
hantait depuis le centre une tour forteresse.
On avait, porte close, affiché pour avis
« Que Dieu reste dehors ! » : un panneau, quatre vis
crochetant la muraille en pays de ténèbres,
et contour d’une nuit tout de spectres funèbres.
Aux feux d’enfer, la ville opposait des frissons,
le fer emprisonnait l’ouvrage des maçons ;
plus de toile aux parois mais l’aplomb de la roche,
et vers le ciel maudit, des flèches qu’on décoche !
Que passe un pèlerin, on lui crève les yeux :
enfant de Seth, d’Énos ou d’exotiques lieux,
tous chassés de la plaine où Caïn en démence
s’entête d’ériger une bâtisse immense.
Le maître forgeron était Tubalcaïn,
patron de l’huisserie et cousin de Vulcain.
Or, cette citadelle, il la fallait bien ceindre,
de sorte qu’alentour on ne pût que la craindre :
« Arcs tranchants, tours en pointe ! avait prescrit Hénoch,
et que s’objecte à l’œil du granit tout d’un bloc ! »
Comme conté plus haut, rien n’y fit : ni le bronze,
étanche bouclier que nul rayon ne fronce,
ni l’éclat des clairons fondus de ce métal
qui brave l’Éternel et l’œil, selon Jubal.
« Mais je le vois encor, dit-il déjà la veille ;
fais, ma douce Tsilla, qu’enfin cet œil sommeille ! »
Lors sa petite-fille, afin qu’il ne vît rien,
avait fixé du plomb au pied de chaque lien.
La muraille flottante, on le sait, fut fragile,
la tente dérisoire et la toile inutile.
Dans le désert profond, les campements de poil
n’ont secouru Caïn d’aucun mode tribal.
Farouche, on le regarde ; il tremble que s’arrête
au tombeau sa légende, aporie en cachette.
En proie aux noirs frissons, aux vifs tressaillements,
il décryptait dans l’œil un sourd pressentiment ;
« Ciel morne et prophétique, emporte ton litige ! »
dit-il, croyant passer l’horizon du vertige.
Les jours auparavant, un asile trompeur
au rivage d’Assur le comblait de torpeur.
Car il avait atteint la grève, à bout de force,
sans ménager le cœur ni le souffle en son torse.
Sans cesse il frémissait, jamais ne s’assoupit.
Trente nuits, trente jours, il marcha sans répit
dans l’espace sinistre, et sa première fuite
éreinta le sommeil de sa femme et sa suite.
On sait qu’il tremblera, mais il tremblait déjà,
dès que l’ayant surpris, l’œil le dévisagea :
l’œil le plus ténébreux, la béante ouverture
échue au fond du ciel par-delà la nature.
Au pied des monts, Caïn veillait, n'écoutait pas
ses proches harassés ne comptant plus leurs pas,
ses enfants fatigués, hors d’haleine sa femme ;
s’ils campent dans la plaine, en berne l’oriflamme,
on fuira dès l’aurore, éperdu du seul gain
que Jéhovah déchu ne retrouve Caïn
au cœur de la tempête, échevelé, livide,
habillé de fourrure... aboli fratricide.




La Rémanence (2, à compléter) —

L’œil était dans la tombe et regardait Caïn,
Bien qu’on eût sur son front fermé le souterrain
Et qu’il se fût assis sur sa chaise dans l’ombre,
Étant descendu seul sous une voûte sombre.
Au bord de cette fosse, il avait dit : « C’est bien !
Rien ne me verra plus, je ne verrai plus rien. »
Comme dans son sépulcre un homme solitaire,
C’était sa volonté d’habiter sous la terre.
La veille il répondait : « Non, il est toujours là,
L’œil ne disparaît point ! » à la jeune Tsilla.
Resterait-il lugubre et hagard, son grand-père ?
Il se tenait au centre en une tour de pierre ;
Là, quand on eut fini de clore et de murer,
Sur la porte on grava : « Défense à Dieu d’entrer. »
Aux murs il fut donné l’épaisseur des montagnes ;
L’ombre des tours faisait la nuit dans les campagnes,
Et la ville semblait une ville d’enfer,
Dont se liaient les blocs avec des nœuds de fer.
Le granit remplaçait la tente aux murs de toiles,
Et, le soir, on lançait des flèches aux étoiles ;
Et l’on crevait les yeux à quiconque passait,
Chassant les fils d’Énos et les enfants de Seth,
Attentats pour Caïn de ses fils dans la plaine.
Constructeur d’une ville énorme et surhumaine,
Tubalcaïn parla, père des forgerons :
« Bâtissons une ville, et nous la fermerons.
Bâtissons une ville avec sa citadelle,
Si terrible, que rien ne puisse approcher d’elle ! »
Hénoch dit : « Il faut faire une enceinte de tours… »
Mais Caïn dit : « Cet œil me regarde toujours ! »
Malgré le mur de bronze avec Caïn derrière
Et l’espoir à construire une vaine barrière,
S’essouffla le clairon, se turent les tambours
De Jubal dont l’armée tempête dans les bourgs.
(...)
Comme le soir tombait, l’homme sombre arriva :
Caïn qui s’est enfui de devant Jéhovah,
Échevelé, livide au milieu des tempêtes,
Suivi de ses enfants vêtus de peaux de bêtes.




Post-scriptum, quelques poèmes et comptines tête-bêche...

Il suffit de transformer "Laissent" en "Laissant couler leurs cheveux" pour composer à l'envers une poésie de syntaxe aussi suivie que la Clotilde d'Apollinaire, celle-là en 8+7+7+7 syllabes par strophe :

Cette belle ombre que tu veux
Passe il faut que tu poursuives
Laissant couler leurs cheveux
Les déités des eaux vives

Avec elles disparaîtra
Le soleil qui les rend sombres
Que la nuit dissipera
Il y vient aussi nos ombres

Entre l’amour et le dédain
Où dort la mélancolie
Ont poussé dans le jardin
L’anémone et l’ancolie



La Chanson d'automne de Verlaine en strophes de 3+4+4+3+4+4 syllabes :

Feuille morte
pareille à la
chanson delà,
tout me porte
au vent mauvais
et je m’en vais.

Et je pleure
les jours anciens,
et m’en souviens
à chaque heure,
effroi fréquent,
tout suffocant.

Monotone,
une langueur
blesse mon cœur,
c’est l’automne
des violons
aux sanglots longs.




Deux comptines...

Pour l’amour de Dieu
Ouvre-moi ta porte
Je n’ai plus de feu
Ma chandelle est morte

Pour écrire un mot
Prête-moi ta plume
Mon ami Pierrot
Au clair de la lune




Qui va l’étable ouvrir ?
Ta mère et ta sœur Anne :
tiens tu les vois venir !
Voici notre cabane
à ma droite en marchant.
Prends un abri bergère :
il roule en approchant,
l’entends-tu, le tonnerre ?

Voici l’éclair qui luit,
voici venir l’orage.
L’eau qui tombe à grand bruit
s’entend sous le feuillage.
Bergère vite allons,
allons sous ma chaumière !
Rentre tes blancs moutons,
il pleut, il pleut bergère !

Busards

Braconné,
moissonné,
le vol contrarié
du busard cendré

Ce titre joliment rythmé d’un article de Reporterre a donné son nom à une forme poétique inventée par Nicolas Graner, le busard, quatrain de 3/3/5/5 syllabes sur une seule rime.




Doubles busards puisés dans deux sonnets de Mallarmé :

Aujourd’hui
n’a pas fui,
magnifique qui
resplendit d’ennui.

Coup d’aile ivre
sous le givre,
chanter ne délivre,
nul espoir où vivre.

Une nixe
pleure au Styx,
le cadre se fixe
au salon : nul ptyx.

Pas d’amphore,
le décor
de néant s’honore,
sitôt septuor.

D'après L'Invitation au Voyage de Baudelaire :

Assouvir
Ton désir
Aimer à loisir
Aimer et mourir




Vagabond
moribond
sans peps ni rebond,
t’as touché le fond !




Une catégorie de busards pourrait s’apparenter aux ouïseaunets selon deux critères. Il y serait question d’oiseaux, et les rimes "fautives" seraient privilégiées :

Blood and sweat !
où se vêtent
de blanc les mouettes,
gentille alouette ?




Nota bene — Certains busards protéonets pourront se métamorphoser sans grosse difficulté en forme de gabarit voisin, par exemple en 7-1-9 ou en haïku :

Une nixe
Pleure au Styx
Vide, un cadre fixe
Au salon, nul ptyx

Une nixe pleure au Styx
Vide
Un cadre fixe au salon — nul ptyx

Une nixe pleure
Au Styx vide, un cadre fixe
Au salon, nul ptyx

Mors morse

Accent et son de cors
Croyez-vous que le lise
Voie en couleurs et grise
En hoquetant le mors

Combien pèse leur dos
Qui les serre les vise
Ces bouquets sont en guise
De druidisme pour pros

Les rimes féminines de ces quatrains sont embrassées par les masculines, ordre que l’on peut inverser sans rien changer sauf à faire glisser les -e finals : "cors" devient "corse" quand "lise" devient "lis", etc.

Accent et son de Corse
Croyez-vous que le lis
Voie en couleurs et gris
En hoquetant le morse

Combien pèse leur dose
Qui les serre les vis
Ces bouquets sont en guis
De druidisme pour prose

Maliettes

Plusieurs réécritures des "mœurs des maliettes", oiseau imaginaire dans L'Arrache-cœur de Boris Vian, Oulipien de l'année 2025 chez Zazie Mode d'Emploi.




La Maliette en soi —

La maliette ulule un air comme il lui sied,
elle ne mange pas la mûre blanche et molle
d’où s’imprègne l’effluve en sa gorge à corolle.
La maliette au for patient et douillet

ne picore aucun fruit, car si le bruit brouillait
l’accord tout d’harmonie alors qu’elle s’envole,
elle mourrait au son palpitant du symbole,
sinistre octave et morne idéal inquiet.

Esquissant ses atours, duvet couleur de suie
dont on fait une eau-forte, un fertile burin
cisèle élégamment d’un trait son œil de lune…

Mais meurt la maliette à moins qu’elle ne fuie :
en elle nul boyau, ce corps n’enrobe rien
qu’un cœur pourquoi sans fin la maliette ulule.

Sonnet, d'après Les Vers à soie de Jacques Roubaud.




La Malieta —

Je suis la maliette à cœur vif et fragile
qui pince — occulte graine et contour du secret
où se dévoile en sorte un burin si fertile —
l’orbe encre caviar pour un autoportrait.

Dégarnir un chapeau, cette scène mutile
la suie ornant mon frac, qu’alors déchirerait
la peur d’un dos tourné, cause à vos yeux futile
mais dont sommeille l’ombre en morose forêt.

Las, qui m’étudiera ?... Qui saura me décrire ?
Mon poitrail rouge est corps de petite souris ;
j’ai gravé sous eau-forte une page de cris...

Je n’ai de foie au torse accroché, rien n’y gire
ondulant, fors le cœur, loge à spirituals
quand d’autres animaux n’ont qu’organes banals.

Un autre sonnet, d'après El Desdichado de Gérard de Nerval.




La Légende des Maliettes —

Jacquemort, bon docteur d’ornitho-dysphorie,
soigne en Cocagne un piaf au cœur triste, il s’écrie :
« Rond chapeau ! Rond chapeau ! Que ne le garde-t-on
sur nos cheveux trop blancs : la mort est sans pardon
pour la Doulce des Airs, la maliette ailée.
Elle a peur de nos fronts et s’enfuit accablée. »
Alors le toubib grave avec pointe et burin
le corps blessé qui clamse au maudit galurin,
au vil coucher qui tombe, aux bruits de nuit vilaine.
L’oiseau n’a de repos qu’occis, ô cantilène !?

Le psychiatre en vient à l’éros enfoui
qu’un doigt clinicien pointe, au risque inouï
que meure, comme on meurt par abus de souffrance,
la maliette : enjeu des experts de la transe,
défi d’animaliers qui n’ont pas quatre bras
et manquent, car trop lents, le poitrail rouge et ras,
le cou, les cris légers, l’effroi sur le plumage,
l’impalpable frisson dont s’écoute une image...
enfin ce cœur bombé qui se tienne en dedans
sans organes banals autres d’êtres vivants.

Réécriture en assonances des 2 premières strophes d’Aymerillot.




Sélénets de la Maliette —

Mœurs des maliettes,
lisons Jacquemort,
ses notes expertes
sur un gros support.

Il confie un livre
en riches papiers
au burin fertile
d’as animaliers.

Oiselle en eau-forte,
un jeu de couleurs
savamment rapporte
l’ordre de ses mœurs.

Ça fait d’en prendre une
pis qu’épouvantail,
pique à l’œil de lune,
au rouge poitrail.

S’il faut qu’elle fuie
de vie à trépas
en robe de suie,
n’hésitera pas.

Par chansons et fables
ses traits sont décrits,
plumes impalpables
et cris de souris.

Sujet de martyre,
lui tourner le dos,
ou si l’on retire
bérets et chapeaux,

ou qu’on la regarde
un peu trop longtemps...
survient la camarde
à peine d’instants.

La nuit n’est pas tendre
ni déjà le soir,
leur souffle à s’entendre
étouffe l’espoir.

Maliette à huppe,
fragile pourquoi ?
Tout un cœur l’occupe
sous frêle paroi.




Nox maliatarum —

« Nox maliatarum » s’avisa Jacquamarcq
— son latin copiait Buffon, Darwin, Lamarck...
Qui, pour approfondir mon imparfait savoir ?
Par quoi, maliata, m’instruirait-on t’y voir,
sauf dans un folio tout d’illustrations
sous un burin rompu rainurant mil sillons
par la main d’un Franz Marc ou d’un Fantin-Latour ?
Ô toi, maliata, tant à la nuit qu’au jour,
si jamais l’on fixait ton iris lilial ;
ou frôlait l’obscur khôl autour ton roux poitrail ;
à moins qu’un pavillon n’ait ouï d’aigus cris
— ta voix sur nos tympans imitant la souris —...
tu mourrais au contact d’un doigt ou d’un fanon ;
sans raison tu mourrais pour un oui pour un non,
pour un galurin bas, pour un ris, un chagrin,
pour un couchant hâtif, tu mourrais pour un grain !
Tu n’as, maliata, saisissant animal,
fors ton gros palpitant aucun boyau banal.

Ce poème dresse le constat de notre nuit d'ignorance quant aux maliettes ("nox maliatarum" en latin certifié) et à leurs œufs disparus.




Maliette vs pinsonogryve —

1) Maliette décollant sur coussin d’air —

Mœurs des maliettes se dit Chakemort. Les étudiera-t-on ? Saura-t-on les décrire ? Mieux vaudrait un énorme livre sur vélin couché illustré de ciselures en couleurs : celles dues au burin virtuose de nos meilleurs animaliers. Maliettes ô maliettes on devrait creuser vos mœurs ! Mais las d’une occasion où saisir une maliette — bel oiseau couleur de suie au torse roux et à l’œil de lune et aux cris subtils de minuscule souris. Maliette tu mourras si l’on touche de l’index le moins lourd ton duvet éthéré — ou tu meurs à la moindre cause si l’on t’observe à l’excès ou si l’on rit en te détaillant ou si l’on te tourne le dos ou si l’on enlève son béret — ou encore si la nuit s’entend et si le soir tombe très tôt. Maliette subtile et tendre : toi dont le cœur se tient à l’intérieur de tout ton volume — là où les autres bêtes recèlent des viscères banals.

Boris Vian - L’Arrache-cœur - 1953
Volet XXI - 28 octembre

2) pinsonogryve piégée sous un appeau —

mœurs pinsonogryvesques, pensa jacquemoy : qui pour évoquer, qui pour examiner...

ça exigera un gros corpus sur papier premium, épreuves imagées en nuances copiées au crayon ingénieux par nos as graveurs.

pinsonogryve, personne ne creuse ses mœurs ; mais pis, personne jamais pour en agripper une, pinsonogryve imprégnée en suie, à gorge rouge, aux yeux vénusiens, aux cris comme pépie une souris...

pinsonogryves qui mourez si on pose sur vos pennages aériens un pouce ou un majeur vaporeux ; qui mourez pour une cause mineure ; qui mourez si, sous nos yeux, on vous vise sans une pause, ou on rie à vous voir, ou on vous esquive ; ou encore on range son casque, ou on oie une sorgue ; qui mourez aussi si un soir exagère son arrivée précoce.

pinsonogryve exquise, gracieuse avec un cœur qui occupe, en son giron, un copieux espace, çui où quiconque oiseau a réservé séjour aux organes prosaïques.

joris vian, un coupe-cœur
passage seizun, cinquonze januin

1) Lipogramme en f, g, j, p, q, y et z (les lettres à jambage en écriture manuscrite) ; absence de virgules, points-virgules et de tout signe ou fragment typographique qui dépasserait l’interligne par le bas.

2) Lipogramme en b, d, f, h, k, l et t (les lettres à hampes en écriture manuscrite) ; absence de capitales, de points d’exclamation ou d’interrogation, de tout signe ou fragment typographique qui dépasserait l’interligne par le haut — sauf les accents divers et points sur les i et les j.




Maliette éteinte tintamarre marabout —

1) Marabout mot à mot : la dernière syllabe de chaque mot = la première du mot suivant :

Maliette étrange, angélique icône
connaissance sensitive, ivresse resplendie
discret crescendo d’autrui

Druidesse d’esprit primal
maliette étudiée diététiquement, mandée dégrossie
aussi siffler l’écrit rituel tuait l’ailette létale

Tallipot possessif siphonné
nénuphar pharaonique
Icare caracolant l’envoi, voilà l’animal maliette

Étourdi d’idées déjà Jaquemort moribond bondira râblé
blessure, surplus, plumes, luminescence
Samson sondé découpe ou pas

Papier, piédestal alangui guidé
délicat cadeau d’eau-forte horticole collant l’entrechat
chapeau positionné néfaste

Astucieusement, mentionna Naja
Jaquemort morcelant l’entendu duodénum
nomma maliette l’hyétométrie

Triplant l’encart cardiologique
icône conique nyctalope :
l’Optimale Maliette




2) Marabout trisyllabique : A-B-C / C-D-E / E-F-G / G-H-I / etc. (diérèse légitime à "ma-li-ette", synérèse abusive à "hié-ro-glyphe") :

Maliette,
yeah ! tu casses
qu’As de Cœur
querellât
l’animal...

Mal t’en prit,
prisonnière
hérissée :
s’écoula
la vie fauve
au vaudou
d’où ton sang
s’embruma.

Maliette
étudiée
d’hiéroglyphe
hivernal,
n’allumons
mon chapeau
polémique !

Michel-Ange,
l’engin plane,
l’anormal
mal d’eau-forte
horticole
colle aux doigts.

Doit-on dire
d’iriser
ses organes ?

Gagnes-tu,
tube aqueux,
que le cœur
querelleur
leurre au lac
lacrymal ?

Maliette
es-tu morte
hors tempo
poétique ?

Icare oui :
où hisser
ses traumas,
maliette !




Où la colombe ouvre œil de lune —

Bouvreuil de l’une ou lac au long,
où la colombe ouvre œil de lune,
voilà, bru, mon lys est profond,
on lit ces profs, on voit la brume.

Sûr en corvidé, Jacquemort
hait chaque morsure encor vide.
Là des cris t’alarment : ça mord,
à l’arme sa mort l’a décrite.

Banal organe immolant ru,
animaux lents, ruban à l’orgue,
lisse mors… alors, cœur élu,
querelle Ulysse : morale aure !

Boris, ôtant ma lie, étend
maliette en beau ris autant.

Vers holorimes scindés, sur une idée de Gilles Esposito-Farèse :
"Bouvreuil de l’une" + "ou lac au long" = "Où la colom-" + "-be ouvre œil de lune"
"voilà bru m-" + "-on lys est profond" = "on lit ces profs on" + "voit la brume"
etc.

La Disparition avant-propos rimant

L'avant-propos de La disparition est accessible en ligne, précédé d'un sonnet d'alexandrins en 11 syllabes (sic) de Jacques Roubaud et suivi d'une douzaine de pages du premier chapitre. J'en ai ci-après assez librement versifié le tout début, voyelle E disparue va sans dire — brouillon sujet à de fréquentes et sensibles modifications jusqu'à nouvel avis.

La nouveauté ici, à la suite des réécritures dans "La disparition" de Mallarmé, Rimbaud, Baudelaire ou Hugo, sera dans la prosodie, fidèle à l'époque de ces poètes — ce dont Perec s’est joyeusement dispensé, avec l’assentiment probable de son complice Marcel Bénabou. Par exemple la terminaison "-ion" compte pour diérèse, l'hiatus sera proscrit, on veillera à la liaison supposée (ou "rime pour l'œil"... qu'il vaudrait mieux nommer "pour l'oreille baroque", le 19e siècle faisant encore comme si la consonne finale était audible), etc.

On trouvera en bas de cette page davantage de détails techniques relatifs à cet état provisoire du texte.







I — Chant introductif / Un piaf qu'on n'ouït jamais -

Vaillant sans faiblir a dû
Quand mon souhait s’y lança
Jaillir l’ostinato tu,
Fracas ici, motus çà :

Cri toujours loin du buisson
Ou suivi par nul phono,
Piaf qu’à jamais nous n’oyions
La nuit ni d’a giorno.




II — Tripla Rima -

Lisons l’avant-propos d’où l'on apprit plus tard
qu’un bruit s’inaugurait, d’abord pris pour un faux :
hou ! la Damnation nous assignait rancard.

Ô marins au compas pointant trois cardinaux !
Politicards soumis au trust anglo-saxon !
Tous l’auront fait savoir par flashs aux radios...

Buzz insignifiant ? Intox à la flonflon,
ou risquait-on la mort ? L’info sur maints placards
affichait mil martyrs par inanition.

L’opinion suivit, qui lors invoquant Mars
s’arma d’un gourdin fort, balança son grappin
aux portails, aux parois, aux murs, aux huis d’hangars.

Tout un pays hurlait : — Argh ! nous voulons du pain !
On conspuait patrons, nantis, pouvoir publics...
chacun pour soi, qu’on fût franc-maçon ou rabbin.

Qui maraudait la nuit ? À coup sûr aucuns flics,
trop craintifs d’un contact aux pillards du frigo
bâfrant du cachalot — l’ord gang à Body Mick’s.

Ça conspirait partout ; titan, troll, virago
furax ont mis la main sur Mâcon, sur Pirou,
puis sur Rocamadour, Clignancourt, Monaco...

Glouton du bon plaisir, brutal, pillait-on prou
du thon, du chocolat, du maïs, du curry :
frichtis subtils ad hoc aux crocs d’un loup-garou.

Par kilos, par quintaux... si ç’avait l’air pourri,
haro sur toi, marchand idiot ou fautif,
car nous guillotinons, clouons au pilori !

Un slogan foisonnait : — Foin d’administratif.
Il s’agissait, dit-on, d’abolir tout pouvoir ;
on vous aurait tondu nonobstant sans nul tif.

Au mitan d’un rond-point — titrait un blog du soir —,
on cracha dans l’hanap d’un sacristain catho
oignant un argousin mourant sur son trottoir.

Un yatagan frappait ? Un flot d’avis mytho
distillait son pathos au substrat du journal,
pourvu qu’y figurât du sang sur la photo.

On tuait son frangin pour un saucisson d’ail,
on tuait son cousin pour un croûton bâtard,
on tuait un quidam pour un quignon morfal.




III — Pantoum -

Dans la nuit du lundi 6 avril au mardi,
On compta vingt-cinq fois l’impact sourd du plastic
qu’un avion largua... bang ! sur la Tour d’Orly.
L’Hôpital Saint-Louis posa diagnostic.

On compta vingt-cinq fois l’impact sourd du plastic
qui toucha l’Institut, qui fuma l’Alhambra.
L’Hôpital Saint-Louis posa diagnostic :
l’abus du glas pour sûr accroît la furia.

Qui toucha l’Institut ? Qui fuma l’Alhambra ?
Pour l’opposition un truc avait failli :
l’abus du glas pour sûr accroît la furia !
Façon Saint-Just, un dur attaqua, malpoli.

Pour l’opposition un truc avait failli :
Palais-Bourbon ou pas, l’on y vint aux jurons.
Façon Saint-Just, un dur attaqua, malpoli ;
à foison on vomit d’avilissants affronts.

Palais-Bourbon ou pas, l’on y vint aux jurons
— à part vingt-trois plantons, bâillon autour du cou.
À foison on vomit d’avilissants affronts
quant aux marquis blafards raccourcis du caillou.

À part vingt-trois plantons, bâillon autour du cou,
on garrota du col un lascar hors-complot.
Quant aux marquis blafards raccourcis du caillou,
un plumitif barjo bombardait un brûlot.

On garrota du col un lascar hors-complot.
Dans la nuit du lundi 6 avril au mardi,
un plumitif barjo bombardait un brûlot
qu’un avion largua... bang ! sur la Tour d’Orly.




IV — Stupor Mundi 1 -

N’usant du yatagan ni d’incisif surin,
un colon du Kansas lisait La Vis du Rail ;
voyant son canasson maladif du poitrail,
plutôt qu’hara-kiri, l’abattit sous un train.

Un cow-boy du Kansas accablait son bourrin,
il l’avait alourdi d’un compact attirail :
colts, fusils, bazookas, saint-frusquin d’un travail
dont l’animal mourut… ô guignon, ô chagrin !

Or, un instant plus tard, agrippant un mustang,
surgit Wild Bill Hickok ; il domptait tout pur-sang
mais, barjo, prit Isou pour Sioux à dada.

À moins qu’il galopât, Rossinant trottait-il ?
On l’ouït qui courait : tagada tagada…
quand d’un coup son sabot sauta sur un baril.




V — L'Antichrist à Longchamp -

Il cravachait au point qu’on n’aurait jamais cru
aucun harnais ad hoc aux impacts d’assommoir :
quand advint Attila, sans bonjour ni bonsoir,
il cavalait assis sur quoi ? Du bison cru.

Sancho Panza cabot aboya-t-il, waf-waf ?
Son bourricot Grison broutait un talipot,
mais Buridan confus tournait autour du pot :
qu’assouvir tout d’abord, la faim sinon la soif ?

Promu Grand Postillon par la vox populi,
qui liquida Longchamp, gain au Monopoly
moins vingt-cinq millions soustraits du fisc au turf ?

Vlad ! L’uhlan moustachu barbu poilu rouquin,
montait Aliboron ; on l’applaudit du bluff
couronnant son dada : kokoshnik sur du crin.




VI — Saga -

Un caporal zinzin s’affolait d’avoir faim.
Il flinguait à-tout-va, son bazooka soudain
pointant son bataillon ; on l’a vu massacrant
du commandant-major jusqu’aux soldats du rang.
Il cannibalisa tout à trac bras, doigts, mains,
bouts qu’il accommodait sur du jambon d’humains
y rajoutant du coq, du faisan, du dindon.
Pour qui sonnait son glas, pour qui trois din’ ding’ don' ?
Quand l’aigri morfalou hurlait à cor, à cris,
tant humains qu’animaux, on courait aux abris.

S.O.S poussins :
toujours un goupil rôdait
aux abords du ranch.
Chut, la maman du chapon
à huis clos pondit un... ouf !

Un champion d’aviron grimpa sur un pavois.
Un pavillon puissant amplifiait sa voix,
galvanisant l’afflux. À son cocorico,
la tribu proclama : — Couronnons l’illico
"Attila III" grand roi… sinon "King Fantômas" :
ça fait plus imposant ! Mais vu qu’il n’aimait pas,
on l’assomma sitôt pour choisir un couillon
à qui l’on impartit un stick à cabochon,
un plastron, un gibus, un bâton d’acajou.
Puis on l’accompagna, promu Grand Manitou,
dans un lourd palanquin, cap sur Palais-Royal.
Il n’arriva jamais : un gus provincial
cria : — Mort au tyran ! Imitant Ravaillac,
il l’ouvrit au rasoir, du nombril au colback.
Alors qu’on l’inhumait au columbarium,
un commando surgit, ahuri d’opium
qui du sol au plafond, n’y sachant trop pourquoi,
profana la koubba… bandits sans foi ni loi !




VII — Lu dans La Voix du Nord -

Un motif incongru convainquit un commis
au trois quarts abruti qui voulut qu’aux ch’timis
— du matin jusqu’au soir, schlass, boit-sans-soif, soûls, ronds —
on prohibât bistrots, bars, zincs... tombals corons
où la soif apparut : point d’alcool doux ni brut,
on souffrit du typhus, on clamsa du scorbut.
Un Lillois subclaquant zappa du "Profundis"
à l’air dont sa maman l’hypnotisait jadis :

Dors min p’tit quinquin
Min p’tit pouchin
Min gros rogin
Tu m’fras du chagrin
Si tu n’dors point j’qu’à d’main




VIII — L’instant chirurgical -

Pour un oui, pour un non, on virait assassin :
d’Arras à Locquignol, d'Azincourt à Wormouth,
chacun son tour viandard, chacun son tour kapout.
Ô Nord carillonnant maint sanglot, ô tocsin !

Durant qu’on s’acharnait sur l’hôpital d’Anzin,
un toubib furibond profita du raout.
Il mixa mort-aux-rats au sirop : fatal moût,
drink qu’il administra dans un dortoir voisin.

Doc Folamour autopsiait brancard, sofa...
Qui ronflait tout son soûl armait sa mafia
à vif d’un bistouri hard à l’instar du pal.

S’il zigouillait la bru, Doc poussait son mari
dans un chaudron bouillant, output conjugal.
Hosto capharnaüm ! Mouroir charivari !




IX — Saga bis -

"Prairial" disait-on jadis du Champ, du Fruit.
Mai fut-il joli mois, l’an VI fois X plus VIII ?
L’almanach à Paris pronostiquait la paix
quand son Faubourg Latin y chamailla tout faix...

Hallucination ? Tour d’un mauvais plaisant ?
Un fada corrosif fut surpris arrosant
un bon quart du Faubourg Saint-Martin au napalm ;
l’ignition fondit la poix du macadam,
tout un chacun rôtit dans l’S (un autobus).
Quid d’un Caïus Gracchus, d’un Fabius Maximus
quand Habsbourg poignarda Saint-Just, sachant qu’Othon
combattait l’Atatürk, Mata-Hari Danton ?
Nom du Salut Public ! Marat tapa du poing
quand un Charlot Corday lui piqua son shampooing ;
vingt-six moins un vingt-cinq, calcul tout intuitif
sans ordi ni stylo, il lui manquait un tif :
çui qui poussait pas haut, qui figurait un rond
non pas tout à fait clos, mais qui barrait son front.
Corday saigna Marat amolli dans son tub ;
imaginons l’impact : bingo d’un coup, la pub !
Son avocat marron plaida qu’on abolît
l’outil à Guillotin, qu’il mourût dans son lit.
L’à-propos Girondin opposait son holà
aux slogans montagnards convoquant Dracula...
mais, sournois, il brandit haut sa kalachnikov
sur qui du tribunal formulait « non » — ou « bof ».

Boum ! l’ultimatum
À cinq magistrats
Vit comptant quorum
D’autant sous contrats

Du scotch brut alcool
Sparadrap d’Haddock
S’affaissait formol
Qu’imbibait un bock

Trois jours plus loin, tous azimuts tirait un char.
Ainsi donc s’imprima point final au pouvoir.
L’adjoint municipal qui monta jusqu’aux toits
du bastion vaincu paniquait, aux abois ;
agitant un drap blanc, il glapit au micro
— Capitulation ! Sus au politburo !
ajoutant aussitôt qu’il offrait, quant à lui
pour garantir la paix, son plus loyal appui.
Sursaut improductif car, sourd au baratin,
l’imposant tank d’assaut rasa l’honni fortin,
atomisa l’adjoint, broya la garnison,
concassa corbillards (y compris cargaison),
bousilla wagons-lits, victorias, motos,
autocars, trains, taxis, landaus, fourgons-postaux...
La raison s’obscurcit d’un fol coup du lapin
quand C-Niouz bavassa : — Hourra Marin Lupin !
Sous mil vasistas clos sans halo ni pardon,
s’abattit un coma plus profond qu’un bourdon.




X — Coda hors gabarit -

Soir d’autan d’ouragan d’inondation
Tout vigilants lisons un manga
Traduit du roman Hauts d’Aquilon
Or choc soudain la fulguration fait du flot continu un vrai grain

Ici foudroyant là diffus un tourbillon
Dirait-on il bat la frondaison
Dans un gris nocturnal
S’infiltrant aux bords du châssis

Un courant d’oblongs fils ondoyants va
Soumis aux coups d’un bouc soufflant
Sur l’abondant flux qu’humains ou gazons ont proscrit

Non plus la fulmination qui vous voit bondir
À la façon d’un gamin
Ou l’autan proclamant quasi aboli tout gong du soir




XI —Post-scriptum quant au plomb rond pas tout à fait clos -

Intact à soi toujours mutant aux infinis,
Troubadour, il frappa sous son yatagan nu
Un aujourd’hui hagard pour n’avoir pas connu
Quand la mort triomphait par signaux inouïs.

Djinns ! un trop vil sursaut s’oyant jadis du Styx
Ouvrit un for plus pur aux mots dans la tribu ;
Alors y proclamons si haut talisman bu
Qu’un flot court d’infamants profonds brouillaminis.

Du sol puis d’un azur alarmants — ô chagrin
D’aucun plan vis-à-vis qu’ajustât un burin
Dont wigwam ni koubba n’affichât nuls rayons ! —,

Bloc gisant ici-bas chu d’un guignon obscur,
Son granit tout du moins n’arma jamais jalons
Aux noirs vols profanant maint chaos du futur.




XII — Imago d’imago -

Dix purs doigts au plus haut consacrant un onyx,
Minuit, fonds du chagrin, arc-bouta, clinquant tors,
Maint soir dont l’imago brûla vif un bombyx
Qui butinait banni d’abstrait hanap aux morts

Sur nos bahuts au salon d’abandon : nul ptyx,
Aboli talisman d’un hallali sans cors,
(Car l’occupant parti du fumoir jusqu’au Styx,
Pygmalion, puisait à nos sanglots majors.)

Mais non loin du châssis au nord vacant, un or
Agonisait suivant un plan du corridor
D’opalins flambants cobs ruant aux rifs du stick,

Lui, cirrus disparu fors son miroir — tussor ! —,
Fixa dans l’oubli clos, sitôt huis sur batik,
La scintillation, moins un à l’octuor.




Augustus qui frappait un accord atonal
nota qu’Haig vacillait, droit puis diagonal.
D’un coup tout valdingua, kif-kif aux dominos.
— Au sol nos baldaquins, pour plafond nos linos,
l’azur sous nos panards basculant d’horizons
aux summums abyssaux ? Donc palindromisons :

XII — Juron d’Augustus sursautant -

Tortura-t-on mix à mort si Bob a valu ?
D’un nocif fusa mac, il lia, jura trop :
— Par un as noir si mou qu’omis rions à nu !
Rapport à ru jailli, ça m’a suffi connu
du lavabo-bistro : Maxim nota rut rôt.








On a donc pu lire successivement :

- une introduction d'après Petit air II, y compris la rime dérogatoire des vers 5 et 7,

- des strophes en terza rima,

- des vers au format d'un pantoum bouclé,

- deux sonnets sur 25 lettres où alternent rimes vocaliques et consonantiques,

- des rimes plates ad libitum entrecoupées de formes diverses : tanka de basse-cour, berceuse ch'ti, sélénet qui sous-entend l'-E surnuméraire des rimes impaires (comme dans "Au clair de la lu-nE" : "ultimatum" => "ultime ato-mE", "vit comptant quorum" => "vicomte encore hom-mE", "du scotch brut alcool" => "du scotch brutal col-lE", "s'affaissait formol" => "sa fesse est fort mol-lE"),

- un sonnet en vers libres inspiré de Harry Mathews,

- un sonnet en postface, hybridation de Mallarmé et Perec (les rimes féminines étant impossibles, l'alternance se joue entre mots au singulier et au pluriel (S ou X finals)),

- puis une traduction du Sonnet en X de Mallarmé, dont la version initiale s’intitulait Sonnet allégorique de lui-même transformé en "Imago d'imago" (remarque 1 : le lipogramme en E interdisait a priori l’alternance des rimes, qui s’est jouée ici par blocs entre quatrains pluriels (-yx, -ors) et tercets singuliers (-ik, -or) ; remarque 2 : la syntaxe colle au modèle qui, cela ne saute pas aux yeux, circonscrit le poème en une seule phrase incluant la parenthèse des vers 7 & 8),

- enfin une incursion au chapitre 13, dont premier jet de palindrome sibyllin incluant le non moins abscons juron d'Augustus sursautant dans le roman (Par Un as noir si mou qu'omis rions à nu !), extrait à insérer quelque part quand la syntaxe en sera satisfaisante.

À suivre ? euh... il resterait 300 pages avant d'avoir épuisé le roman.

De la sérendipité en cuisine polyglotte

Exercices de style d'après un souper amical en Belgique. La recette de Bart Van Loo avait malencontreusement traduit poivrons flamands en piments français. Pour adoucir son potage incandescent, Bart nous a suggéré de le saupoudrer d'avoine, flocons si succulents que nous avons surpris des charançons pique-assiettes en train de s'en goberger. Soirée exquise assurément, si l'on s'en tient à la qualité des convives. La preuve, l'un des sonnets à suivre mentionne Lol, à savoir Olivier Salon, auteur désormais de deux exploits invraisemblables : déjà en Californie il avait escaladé El Capitan ; et chez Bart il a mangé sa soupe jusqu'à la dernière cuillerée.




Aux fins d’étalonner l’échelle des piments,
dînâmes-nous un soir chez des hôtes flamands.
La soupe y reflétait, de sa robe avenante,
un pieux clair-obscur : atmosphère flamande
où l’hospitalité précède chaque vœu.

Alors qu’on déglutit, s’ouït un râle : — Au feu !
Quel distillat jailli de cuves Soufrière
chambardait nos boyaux dès la prime cuillère ?
Consécutivement de la sorte épicer,
un griffon sur nos reins tançait : Sortez pisser !

Épisode suivant, ces mythes et légendes
s’en vont nous régaler de mites alléchantes...




De la sérendipité en cuisine polyglotte —

Le 7 décembre 1864, Alfred Nobel, encore indécis sur sa carrière, séjournait à Klow. Il s’essayait au métier d’éditeur gastronomique et travaillait à un guide de menus exotiques européens. Ce qui l’intéressait en Syldavie, c’étaient évidemment les matrices médiévales figurant les premiers festins de la dynastie Ottokar. Rendez-vous avec le professeur Nestor Halambique, le savant sigillographe qu’il retrouva penché sur un idéogramme figurant la recette du sprbodj, saucisse vernaculaire des Balkans. On était côté cuisine dans l’auberge du chef étoilé Bharts-Vnloowkz. Conversation jubilatoire du français au suédois, du suédois au syldave, et inversement. Le mélange d’ingrédients et d’idiomes n’empêcha que l’on reconstituât la recette originelle de la saucisse syldave — du moins une formule approchée. Des gastronomes tatillons objecteront plus tard qu’un jeu de paronymes leur fit confondre le sel (solzk) avec du glycérol (zklos), les condiments (füszerekz) avec l’acide nitrique (zkűszeref), la chair à saucisse (kolzbäsz hursk) avec la terre de diatomée (zolkbusz harsk), le tout sous forme de bâtonnets enveloppés de papier alimentaire façon Bouillon Kub. N’empêche, aux approximations près, le succès ne laissait place au doute. Ç’allait faire boum à la fois dans les tubes digestifs et les galeries de mines.




Sonnet lipogramme en E ; "Loo" monosyllabique ; rimes alternées d'Ô fermés et O ouverts. —

Bart Van Loo marmiton n’ouvrit un snack à Qom,
non plus à Zanzibar, ni sur un oppidum.
Son bouillon s’infusait d’incisif capsicum
local, aussi piquant qu’un court-jus par loi d’Ohm.

Pour saisir un poivron, faut-il l'outil ad hoc :
fin cuistot, il brandit un tranchant tomahawk
dont l’à-coup ondulant à l’instar du moon-walk
mixa du paprika planant, kif-kif Woodstock.

Confus du ciboulot, Lol tangua jusqu’au hall,
au comptoir s’accouda, but un cocktail au khôl ;
vis-à-vis du miroir s’y maquilla d’alcool...

Impact, on l’a compris, au point d’un punching-ball
dans un corps convulsif : son boyau fit du crawl !
— L’assaut du Capitan fut plus cool, conclut Lol.




Sonnet lipogramme en E & W où "Lo-o" est dissyllabique tel le Booz de Victor Hugo ; diérèse classique à la fin de "positi-on" ; alternance de rimes consonantiques et vocaliques. —

Van Loo s’alita, fourbu par un travail
qui du matin au soir fouissait maint sillon.
Il a fait son plumard dans la position
où toujours il pionçait, non loin du bon bucail.

Avant qu’il s’assoupît, Van Loo çà soupa
d’un bol au sarrasin — on dit "bucail" au nord,
bouillon qu’il parfumait au choix d’un chili fort
ou qu’il accommodait d’un pur jus paprika.

La soif, qu’on fût humain ou charançon gourmand,
son silo l’apaisait d’un frais cocktail flamand
dormitif d’harissa mi-grisou mi-cactus.

Tout somnolait dans Ur, dans Looz-Borgloon.
Par l’horizon divin jusqu’à Sarimaktuz,
sa faux d’or rayonnait aux champs d'Amphitryon !



Le Renard et l'Harissa

Certain Renard wallon, d’autres disent flamand,
Apprenti Lucullus par le bouche-à-oreille,
Pelait des gousses de piment
Pour corser la salsepareille.

Ardent fut son bouillon infusé d’harissa
Vrillant son œsophage en cintre.
Et son pelage roux de feu se hérissa
Sans qu’il en pût la torche éteindre.




Riquet à la Soupe —

Instruit en cosmétique d’art
et charançons à crête en dard,
Riquet appareille sa Houppe :
il l’enduit de piquante soupe
puis harponne, Dame, ton cœur.
Recette de l’amour vainqueur.




Exquise soupe au piment rouge,
hélas n’en reste qu’une louche...
Ces gens encourent le danger
de se battre et non partager.
L’orde hécatombe s’est conclue
au bloc en urgence absolue.

    

(Photo : Sud-Ouest du 28 février 2025)



Le jardinier qui a fourni ses légumes à Bart se prénomme Dirk. Ayant lu la prose et les poèmes qui précèdent, Dirk précise qu'il fut en effet un peu surpris que Bart lui commandât assez de piments qu'il en fallut à Néron pour incendier Rome. Cela vaut bien une dédicace :

Il n’est d’incandescente Frousse
des Ducs de Bourgogne et Rois d’Ourcq,
ni d’obscur côté de la Farce
aux mains du tordant Vador Dark,
n’est non plus d’écrasante Force
au cœur des Princes qu’on sort d’York...
que n’effrite en pays de Frise
l’Onguent piquant du Druide Dirk !




(à suivre)

Babel 2025

.

D’abord l’animation carrée-cubique de Nicolas Graner ;
puis cet extrait de Ronsard, in Les Amours & Odes II :

Je me relie et me délace (...)
Page, reverse dans ma tasse !

La Pléiade tenait 441 pour Nombre de Babel fatidique ;
1585-2026 : anticipons l’an prochain une commémoration
grandiose des 441 ans après la disparition de Ronsard.
Cadet de Nostradamus, Ronsard affecta une posture tout
en contradiction du vieux maître : « Il dit l’avenir ?
Eh bien, remontons le temps ! » Il usera alors du vers
comme filon étymologique à "renversement", et usant de
ces fréquents va-et-vient d’un état contraint (« je me
relie ») ou relax (« et me délace »). Le "reversement"
est l’exemple d’un autre usage de la racine "vers", où
il met en scène son disciple Rémy Belleau, assimilé au
page doublé d’un échanson généreux. Ronsard consacrera
parallèlement un authentique culte à la Muse Calliope,
qui le fait remonter, comblé, à la vie intra-utérine :

Dedans le ventre avant que ne je fusse,
Pour t’honorer tu m'avais ordonné :
Le ciel voulut que cette gloire j’eusse
D’être ton chantre avant que d’être né.

Cet extrait du Second Livre des Odes signe une posture
existentielle palindrome, comme "vers" sera "renversé"
et "reversé" ou qu’une alternance vitale le lace, puis
délie, puis lace sans fin. Avant nous dès 1960 en note
de son Traité de Prosodie (éd. Ichthusson, Bruxelles),
Gilbert Farelly datait ce caractère singulier du poète
au moment de la puberté, où un premier "poil" de barbe
orthographié à l’envers apparut portion de "Calliope".
Il n’en fallait pas plus que Farelly compose un de ses
fameux haïkus pré-oulipiens, en hommage à Ronsard et à
Rémy Belleau - prénommé" Rémi" sans Y afin de tenir la
contrainte palindrome doublée d’une gématrie = 441. Un
autre Rémi, Schulz notre oulipote, a relevé que le mot
central "lace" a 21 de gématrie, racine carrée de 441.

Rémi reversa
Le Poil lace Calliope
L’As rêve rimer

Jacques Roubaud

Ce billet, sommaire à l'annonce de la disparition de Jacques Roubaud, se verra complété au fil de souvenirs qui me reviendront de lui.




Jacques Roubaud alias JR né le 5 décembre 1932 est mort aujourd'hui, anniversaire de ses 92 ans.

J'ai eu la chance depuis presque deux décennies d'une correspondance suivie. Il était gentil, réservé (mais avec quelle allure !), disponible dès lors qu'il s'agissait de Zazie Mode d'Emploi, de poésie universelle, de littérature potentielle. Et il m'a conforté d'écrire sans renoncer aux protocoles et contraintes sévères ; cela ne l'empêchait pas d'exceller partout, y compris à composer les comptines les plus charmantes et accessibles — cf. "Les animaux de personne" et "Les animaux de tout le monde".

Un fichier monumental occupe la mémoire de mon ordinateur, pans entiers du corpus roubaldien qu'il avait confiés à une douzaine de camarades avec lesquels il n'était pas brouillé — ça lui arrivait en effet de se fâcher, on ne comprenait pas toujours pourquoi. En tout cas voilà des centaines de pages que j'ose à peine explorer. Trop fort pour moi, sauf la typographie et la ponctuation, désinvoltes ; il avait sans doute plus urgent à faire que de se relire.

JR a été joyeusement surpris en 2006 de lire les "2 × 20 cœurs" sur la photo. Cela ressemblait pas mal à son recueil Cœurs paru à la Bibliothèque Oulipienne. Suivant un protocole marrant, j'avais composé des quatrains imitant les siens... sans les connaître encore, juste selon une description de Gilles Esposito-Farèse après d'une lecture de l'Oulipo à la BnF.

Un jour je me suis marié avec Christiane V la Jardinière, et notre voyage de noces a été calqué sur l'itinéraire des troubadours comme rapporté par Jacques Roubaud. Il en parle comme d'un instant fugace suspendu au fil de l'Histoire. Roubaud a dit Lastours, nous irons à Lastours. Sensation de poursuite... trop tard sous le cagnard en pensant à JR infatigable marcheur ? Là-haut les archéologues ont retrouvé les reliefs d'un repas précipitamment interrompu par l'arrivée d'assaillants Croisés.

   

Quelques liens à JR, le premier chez Zazie Mode d'Emploi, les autres ici :
- Les vers à soie
- Colloque séricicole
- Roubaud plagié par Mallarmé
- Hugo a-t-il plagié Roubaud ?
- etc.

Sonymes

Le sonyme a été ainsi nommé (on peut dire trouvé) par Gilles Esposito-Farèse. Le billet ci-après compile des tentatives, des imitations, des prolongements de la forme sonyme.




Trois sonymes inspirés des rimes à signes extérieurs de richesse (une autre trouvaille du même Gef) et dédiés à des oulipiens, majeurs les trois :

Qui tancerait vos plumes
du major jappe avec
quittance, rai, volumes :
Dumas, Georges Perec…

Mob ? Idiome ? Un homme
s’allégea que, turbot,
Moby Dick gastronome
salât Jacques Roubaud.

Poe aime Chasles, Sévigné,
gilet Zeiss, prosit, anamnèse,
poème chaleureux signé
Gilles Esposito-Farèse.




Pierre Le Baud avait adjoint un quatrain rimé à son
manuscrit en prose des "Chronicques et Ystoires des
Bretons". Par inadvertance, ce poème fut oublié des
versions imprimées ultérieures. Mais chance que les
éditions Ichthusson de Bruxelles l’aient racheté en
1955 chez Sotheby’s, grâce à quoi nous tirons cette
strophe de l’oubli, pas tant pour nous en distraire
qu’avec l’intention d’une expérience oulipienne des
plus sérieuses. En 1480, le texte de Pierre Le Baud
rapportait en octosyllabes un vif dialogue entre le
Roi Gradlon & Saint Guénolé à l’instant où la ville
de Kêr-Is se trouve face l’imminence d’un tsunami :

— Sanct Gwennole l’Occean frape
Neiera tantost la Citeiz
En abismes de cecitéz
— C’est tens Gradlon que l’on eschape

Cela donnera une fois traduit en français moderne :

— Saint Guénolé, l’Océan frappe
Qui noiera tantôt la Cité
En abîme de cécité...
— C’est temps, Gradlon, que l’on s’échappe !

Réécrivons maintenant ce dialogue au format sonyme,
dont l’apparente rigueur (4, 4, 3, 3 mots) s’adapte
pour sûr aussi bien aux incunables qu’aux modernes.

— J’ois l’han
d’Ys : l’Onde
et l’Ombre…
— Viens-t’en !



Deux sonymes longs, vers de 14 et 10 syllabes.

1) Eleftérios Alexandris a signé en 2006 la toute première réécriture de la rubrique "l'Oulipien de l'année" chez Zazipo, une traduction en grec des Vers à Soie de Jacques Roubaud dont la mesure de 14 syllabes est le standard hellénique classique. Alors, classicisme oblige, prononcera-t-on en retour une diérèse à "étudi-ant", "Eleftéri-os", "aristotélici-en" en un sonyme, quatrain aux vers tétradécasyllabes contraignant à des mots très longs :

Au phénoménologique étudiant propédeute
hellène Eleftérios, son kinésithérapeute
aristotélicien — douillet sériciculteur —
administre cataplasme homogénéisateur.

2) Avec des mots de Mallarmé, décasyllabes 4 + 6 :

L’Azur soutient victorieusement
une clarté véridique sonore.
Hérodiade — écume, châtiment —
argentera Paphos lampadophore.



Sonymes brefs, dissyllabes :

Si un paresseux à Pondichéry
écoute la radio d’Aquitaine,
il entend "roll’n’rock" en 2
syllabes d’où les 4, 4, 3, 3
mots d’un sonyme très bref :

L’aï d’Inde
n’oit d’Oc
qu’une onde
roll’n’rock

Paradis terrestre du Ch’ti =
sonyme en vers dissyllabes :

N’est-ce Ève ?
L’œil d’Oïl
n’en rêve
qu’à poil !



Sonyme Caradec.

Une rue au hasard
L’initiale est bonne
Escamotez tout art
Paname la fredonne

Le pavé rime ainsi
Fredonnons dans la rue
Elle dira merci
La ville disparue



Contrerime & Sonyme selon le 1er principe de Roubaud :

Lorsque votre strophe combine
Des rimes s’embrassant
Avec métrique croisement
Nommez-la contrerime

Poursuivez la même comptine
Quatre mots se doublant
Ensuite trios seulement
Baptisez-la sonyme




Le miroir est un élément explicite du Sonnet en X. Gilles Esposito-Farèse a remarqué la position médiane de la parenthèse (vers 7 & 8), coïncidant justement à celle d’un miroir :

(Car le Maître est allé puiser des pleurs au Styx
Avec ce seul objet dont le Néant s’honore.)

Cela ne serait pas la seule fois où Mallarmé fusionnerait le sens et la forme d’un poème — cf. Petit air 2. La réécriture ci-dessous d’un autre sonnet fameux, celui du Cygne, tente de reprendre le même effet de symétrie optique, le contexte du lac gelé tenant pour miroir : 3 strophes de rimes croisées FMFM, 1 de rimes embrassées FMMF, 3 de rimes croisées MFMF, chaque strophe étant sonyme (4, 4, 3, 3 mots). L’invention de Gef, reformuler un sonnet d’alexandrins en 7 sonymes de pentasyllabes — un par distique — réduit à peine l’original, puisque l’on passe de 168 à 140 syllabes. Il y a cependant dans chaque strophe l’effet d’haïkaïsation introduit par Raymond Queneau dans "La redondance chez Phane Armé".

Le vierge et vivace
et beau : l’aujourd’hui,
par voilure rase
déchirée, a brui.

Lac hanté de glace,
d’ivresse, d’oubli,
jamais nulle trace
d’envolement fui.

Sans espoir un cygne
a lesté pour frein
l’autrefois sublime
figé de chagrin.

À ne chanter vivre
d’huis ni région,
resplendit l’ion
de stérile givre.

L’agonie en blanc,
son col la secoue,
maudissant l’étang,
vaine psyché floue.

Non horreur du sol
où chut le plumage,
l’éclatant envol
assigne la page.

Froid clus d’idéal,
le cygne en prolonge
l’exil abyssal
revêtu de songe.




Un autre "hexasonyme", celui-là d’après Sur un miroir de Charles Cros, est composé selon une double logique de miroir :
- 3 quatrains de forme "emynos" (3, 3, 4, 4 mots), et 3 quatrains de forme sonyme (4, 4, 3, 3 mots) ;
- les 3 premières strophes avec des rimes M-F-M-F, puis les 3 suivantes sur schéma inversé : F-M-F-M.

Chaque fois, miroir,
que, vertus vaudoues,
elle met du noir
aux sourcils, aux joues

un poudreux parfum
encadrant sa lèvre
de charme et carmin,
tu diras ma fièvre :

« Je dors reflétant
le lyrique ivoire
qu’il poinçonne quand
votre œillade en moire

par ses atours creuse
l’éclat nommé chair
— d’où victorieuse
trichromie en clair. »

Qu’alors tu ressentes
son regard d’humeur
et fins négligentes
à m’abandonner,

brise-toi la glace !
puisque je ne vaux
apprêter sa classe,
pourquoi mes rivaux ?





Un grand sommeil noir de Verlaine modifié de sorte que les strophes 2 et 3 deviennent des sonymes comme l’était déjà la première.

Un grand sommeil noir
Tombe sur ma vie :
Dormez, tout espoir,
Dormez, toute envie !

Je n’entrevois rien,
Je perds la mémoire,
Défiant du bien...
Triste mon histoire !

Je suis un berceau
Qu’une main balance
Dedans un caveau :
Silence, ô silence !




Le poème précédent peut se développer en un sélénantoum dont les strophes soient sonymes.

Un grand sommeil noir
Tombe sur ma vie
Expire l’espoir
Expire l’envie

Tombe sur ma vie
L’écume du rien
Expire l’envie
D'improbable bien

L’écume du rien
S’enivre en mémoire
D'improbable bien
Triste cette histoire

S’enivre en mémoire
De mon vieux berceau
Triste cette histoire
Dedans un caveau

De mon vieux berceau
Qu’une main balance
Dedans un caveau
Pleure le silence

Qu’une main balance
Un grand sommeil noir
Pleure le silence
Expire l’espoir




Vache de Zeus, Rockefeller, Louis Vuitton :
Sous cette Trinité, que fête soit coutume !
Et le dieu protecteur à l’huis de ta maison
Joue en latin la Pâque et ta bonne fortune.

Quatrain d'influence surréaliste (attribué à Gilbert Farelly) que l'on pourrait traduire en sonyme palindrome, par exemple :

Io, Trust et Luxe
Et l’us nocera...
Le Lare consulte,
Exultet sur toi !



Solstice embrasant juin, le cirque d’Olympie
signe un décor parfait : là cet époux à poil,
faussaire, corromprait ma peinte Eucharistie ?
— Va te taire en prison ! tranche le tribunal.

Second quatrain fou de Gilbert Farelly traduisible en ce palindrome fidèle au "sens" initial :

Un été l’arène,
nec à mari nu,
punira ma Cène ?
— Ne râle tenu !



Un forçat fait la sieste, entendez-le railler
le caillou qu’il concasse avant sa limonade.
La brebis de Bashō lui répond « Ô bélier,
Georges dessus tes reins fléchit ta promenade ! »

Gilbert Farelly en 1960 ne pouvait pas connaître Georges Perec, mais on fera comme si, en tirant un sonyme palindrome de cet autre strophe hallucinée :

En gag ce repos :
roc, soda, le bagne…
Renga bêla « Dos,
corso, Perec gagne ! »



Maille à l'envers, maille à l'endroit = quelques sonymes palindromes de mots — dont certains changent de sens, de nature, d'acception, voire d'orthographe : "étale" adjectif puis verbe, "chut" = choir puis se taire, "bouffe" substantif puis verbe... "boîte" & "boite", "ouvre" & "ouvré", etc.

Maille étale il chut,
versa vice, aïe aïe.
Vice versa... chut !
il étale maille.

La bouffe, oiseau-mouche,
grise Iris... la-la !
Iris grise mouche,
oiseau, bouffe-la.

Lui, ferme ouvre-boîte,
marche entre boui-boui,
entre, marche, boite...
ouvré ferme-lui.

Cri : notre amour-propre
rime avec gri-gri,
avec rime propre :
amour notre cri !




Imité de Gef encore, le poème suivant est un « solénet auto-acrostiche de mot, c.-à-d. :
— sélénet = deux quatrains de pentasyllabes à rimes croisées fmfm fmfm ;
— chaque quatrain est un sonyme = dont les vers comptent successivement 4, 4, 3 et 3 mots ;
— la lecture verticale des premiers mots des huit vers reproduit la fin du même poème. »

Au halo de lune
Soir qui s'éclaira
Quel joli costume
Rayon contient "Râ"

Scintille, ô ma ville !
Bougeoir vif au soir
Quel rayon scintille
Bougeoir quel bougeoir




5 solénets (= sélénets-sonymes) d’après comptines :

Est-ce une panthère
Ce civet tout cru
Sous le cimeterre
Du Chef Lustucru ?

L’as des casseroles
Barbe poivre et sel
Nourrit de paroles
La Mère Michel

— — — — / — — —

Qui mettrait la patte
Au lait des brebis
Souillerait la pâte
Tirée entre pis

Que fais-tu Bergère
N’occis ces chatons
Retiens ta colère
Reviens aux moutons

— — — — / — — —

Au halo de lune
L’onde dit allo
Radio de plume
Pour feuille prolo

L’adresse fut brève
L’appel un pamphlet
Convaincu de grève
Le Meunier ronflait

— — — — / — — —

Mais gare au gorille
Un peu trop câlin
S’ensuit peccadille
Torpeur et déclin

Un dicton s’obvie
Des goûts du Malin :
« Meunier qui roupille,
Dégâts au moulin »

— — — — / — — —

Dors-tu Frère Jacques ?
Ne crains-tu pécher
En oubliant Pâques
Muet ton clocher

Sois noble aux platines
Et fantasque au gong
Sonne les matines
Digne dingue donc

Fables du Choucas

1 — Sélénet de sonymes
La lune étant noire,
Poe en pareil cas
embrume une histoire
de bègue tracas...

D’ombre où Leonore
s’éteint, un fracas
sourd : le Nevermore !
fatal du choucas.

2 — Médaille
L’aphone choucas
Dam ! veut recouvrer ses cordes
Il vole un cachou

3 — Ouïseaunet
Plane un choucas
Plume moka
Sur mes peines
Nuits d’ébène

4 — Petite boîte
la pensée en-soi pour-soi
piaf pas dupe du miroir
quand d’arrogants laborantins
réduisent
l’intelligence du choucas
à des exploits de cobaye

5 — Onzinet
choucas
insectes enfouis
brindille idoine outil
observation déduction pour recette
festin




Post-scriptum sans rapport sinon que ç'a été écrit en même temps, un distique burlesque composé au cours d'une discussion sur la liste oulipo... Il était question d'écrire un distique d'alexandrins holorimes sur La Palice, maréchal de François 1er dont la bravoure fit des envieux, à en croire l'épitaphe sur sa tombe :
« Ci-gît le Seigneur de La Palice
S’il n'était mort il ferait encore envie »
Par confusion typographique possible entre F et S, l’on aurait réécrit pour rire le second vers en :
« S'il n'était mort il Serait encore en / vie »
D’où l’idée de ce distique quasi holorime, sauf les F devenant S :

Polyphone aile ! Écot biffé ! L’appât (lit fade
poli) sonnait l’écho : bis et lapalissade.




Post-post-scriptum sans rapport de chez sans rapport, rangeons autrement les 26 lettres de l’alphabet...

M Y H A D Z U T K V W Q J B C P I G O L X F E S R N

... et l'on entendra :

Émigrer cacha des aides
Hutte et cave et doux bleu
Vécu j’y baissais pays, géo, hélix et feux
Et ses reines




Post-post-post-scriptum du coq à l'âne, un haïku palindrome retrouvé dans mes brouillons :

Du sud remué
Ida se verse des rêves
Adieu mer du sud

Un Rat de Banksy

.

   Rien d’invraisemblable qu’un Rat de Banksy,
   monochrome, t’inspire une strophe monorime.
   Par ex. ci-dessous de tonalité symboliste :

Reviens nous déchiffrer dans l’infini des cieux,
Vieux Banksy, ton Fétiche aux comptoirs besogneux.
L’étoffe t’en revient, écot délicieux
D’un Lascaux tout urbain et comme belliqueux.

   Par effet de pochoir, le Rat de Banksy est
   inversible & il peut revenir ad libitum...
   qualités propices à composer un palindrome
   en guise de résumé mot à mot du quatrain :

Et tu lis au quorum astral
âgé : Rat ou quai rétamé,
matériau, quota régal,
arts à mur ou quasi lutté.

   (palindrome en 77 lettres et gématrie 999)

L’ouïseaunet et sa contrerime

.

L’ouïseaunet et sa contrerime, ou comment
l’ordre des vers va en infléchir le sens.
On explorera ici une classe d’ouïseaunets
convertibles en contrerimes. La structure
initiale sera de 4-4-3-3 syllabes à rimes
embrassées, cela de sorte que l’inversion
des vers médians ménage la syntaxe mais y
apporte nuance au sens initial du poème :

Mille sardines !
Les pélicans
plongent quand
tous en dînent.

Mille sardines
plongent quand
les pélicans,
tous en dînent.




À plus d’un titre
et autres noms :
ci Baron
d’Oise-aux-Pîres.

À plus d’un titre,
ci-baron
et autres noms
d’oiseaux pires.




Voler des pages
en revenant
aux romans
de voyage.

Voler des pages
aux romans
en revenant
de voyage.




Quel vol d’aigrettes
aux épluchures,
je le jure
sur ta tête !

Quel vol d’aigrettes !
Je le jure
aux épluchures
sur ta tête.




Variante de comment basculer d’ouïseaunet
à contrerime grâce à des vers holorimes :

Tu téléphones
nous sanglotons
Avion
monotone

Tutelle et faunes
À vie on
nous sangle aux tons
Mon eau tonne




Idem avec calembours (ou contrepèteries).
1er exemple, rimes plates puis croisées :

Sardanapale
mangeait nos râles :
geai menu
de minus,

sardine à poils,
gemmes nues...
mon général
diminue !




Des macs hérons
trop dégueulasses :
l’appeau catche...
mirliton !

Décaméron :
là Boccace
droguait de glaces
mil litrons.




(à suivre...)

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