Maliettes
La Maliette en soi —
La maliette ulule un air comme il lui sied,
elle ne mange pas la mûre blanche et molle
d’où s’imprègne l’effluve en sa gorge à corolle.
La maliette au for patient et douillet
ne picore aucun fruit, car si le bruit brouillait
l’accord tout d’harmonie alors qu’elle s’envole,
elle mourrait au son palpitant du symbole,
sinistre octave et morne idéal inquiet.
Esquissant ses atours, duvet couleur de suie
dont on fait une eau-forte, un fertile burin
cisèle élégamment d’un trait son œil de lune…
Mais meurt la maliette à moins qu’elle ne fuie :
en elle nul boyau, ce corps n’enrobe rien
qu’un cœur pourquoi sans fin la maliette ulule.
—
D'après les "mœurs des maliettes", oiseau imaginaire dans l'Arrache-cœur de Boris Vian, paragraphe ici transformé en sonnet inspiré des Vers à soie de Jacques Roubaud.
Nox maliatarum —
« Nox maliatarum » s’avisa Jacquamarcq
— son latin copiait Buffon, Darwin, Lamarck...
Qui, pour approfondir mon imparfait savoir ?
Par quoi, maliata, m’instruirait-on t’y voir,
sauf dans un folio tout d’illustrations
sous un burin rompu rainurant mil sillons
par la main d’un Franz Marc ou d’un Fantin-Latour ?
Ô toi, maliata, tant à la nuit qu’au jour,
si jamais l’on fixait ton iris lilial ;
ou frôlait l’obscur khôl autour ton roux poitrail ;
à moins qu’un pavillon n’ait ouï d’aigus cris
— ta voix sur nos tympans imitant la souris —...
tu mourrais au contact d’un doigt ou d’un fanon ;
sans raison tu mourrais pour un oui pour un non,
pour un galurin bas, pour un ris, un chagrin,
pour un couchant hâtif, tu mourrais pour un grain !
Tu n’as, maliata, saisissant animal,
fors ton gros palpitant aucun boyau banal.
—
Le même texte de Boris Vian traitant de notre ignorance des mœurs des maliettes ("nox maliatarum" en latin bricolé) ici en alexandrins et lipogramme en E.
Robert Rapilly, mardi 6 mai 2025, à 15:54 [in Vrac] Aucun commentaire - aucun trackback