Et pour quelques ouïseaunets de plus...
Façon d'exaspérer Nicolas Boileau ou Théodore de Banville, les entorses seront doubles en cet ouïseaunet à vers homophones, où les rimes associent à la fois singulier & pluriel, masculin & féminin.
L’oiseau vit par
lois ovipares :
songe et nid
sont génies.
Le sonnet suivant aligne trois ouïseaunets et demi qui varient les fautes prosodiques : le premier déroge à la règle de la liaison supposée, le deuxième se conforme comme un bon élève aux rimes classiques, mais aussitôt le troisième enfreint à la fois le genre et le nombre, et la strophe de chute associe féminin et masculin. Les couples de vers se succèdent quasi homophones, y compris le distique final en 4 et 3 syllabes, diérèse à "ou-ïe" pour synérèse à "oui".
Homard, mit-on aux marmitons dix rondelles d’hirondelle ? Hé ! lapin, son aile à pinson vaut l’attelle. Vola-t-elle ? Vois : le dépit voile des pies qu’on traçait contrastées. C’est l’oie ouïe ? Ses lois, oui !
Gavées de céréales et fleurs, plus question d’imposer un régime à tes colombes (strophe 1), fier hobereau anglo-normand dont le camaïeu du bibelot s’échange au prix du blé... si ne le chipent des passereaux chapardeurs (strophe 2) à l’origine d’édits félons donnant ta colombe pour sale rongeur, voire pour colvert décoloré dont on prétendra que la bande à Bonnot le fume (strophe 3).
Dans l'esprit où Raymond Roussel a écrit certains de ses livres, ci-dessus l'ébauche d'un conte déduit non de l'imagination, mais de trois ouïseaunets dont les vers homophones font double entorse au genre et au nombre des rimes :
Épis, jonquilles et pigeons qui t’en picorent... tant pis corps ! Lord-Duc, ah mais l’or du camée vaut l’épi ? Volez pies ! Lois scélérates : l’oiselle est rat, canard gris qu’anars grillent.
Refoulant un fatras d'échassiers et de parasites, d’hémoglobine et d’aubépine, le tout acculé à des porches, le dieu du vent a délivré l’oracle (strophe 1) : « Ô blason aquilin, ta céréale aux chlorures de sodium teinterait-elle d'indigo mes ciels multiples ? » (strophe 2)
... soit un autre scénario inspiré des méthodes de Raymond Roussel. La mécanique d’un procédé littéraire ultra contraint (ouïseaunets à vers homophones dérogeant doublement au genre et au nombre des rimes) y régit rebondissements et apparition de protagonistes que l'imagination serait en peine d'inventer :
Poussant hérons, poux, sang et ronce par les halls, parle Éole : « Douce aigle, est-ce elle d’où seigle et sels m’y lasurent mil azurs ? »
Enfin douze ouïseaunets normaux, sauf la richesse excessive des rimes. Chaque strophe peut être prise pour résumé d'un épisode rocambolesque à développer sans frein — cf. plus haut les recettes de Raymond Roussel...
Vingt exocets vont t’exaucer si dix Perses s’y dispersent. Ma thérapie matera pies, épi, jonc et pigeons. Parlez, moineaux, par l’émoi nô qui déchaîne gui des chênes ! Levant frégates, le vent frais gâte l’orme où sont leurs moussons. En accords beaux on a Corbeau, poème, arbre, Poe et marbres. Nouveau ramage : nous, vos Rois Mages, le pigeons, le pigeon. Si querellez ce cœur ailé, mal y êtes Maliette. Ode aux canards : « Ô docte anar, on se marre en ces mares ! » De quoi s’écrivent Ducasse et grives ? Mal d’or hors Maldoror. L’écho — hélant les goélands — sonne aux larmes son alarme. Ô lac, ô quilles, ô la coquille ! Dizzy bout dix hiboux. Lacan nomma la cane aux mâts d’onde et signe : don des cygnes.
Épilogue en survol synthétique de la linguistique structuraliste :
« Geais de Saussure,
j’ai deux chaussures,
Ferdinand !
Fiers dînons
où l’acte est signe :
au Lac des Cygnes
subclaquants »
sut Lacan.
Robert Rapilly, jeudi 12 juin 2025, à 13:54 [in Vrac] Aucun commentaire - aucun trackback