Pour Yves Maerten
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La bicyclette selon Yves est l’exacte école du vent où toutes choses relatives planent en danseuse souvent. Moulinant dans la giboulée la mécanique à ses genoux ralliera chaque cheminée d’un inventaire — lui pour nous ! Au noroît tantôt qu’il dépasse, ce doux champion tient scrupule au principe que vite la trace s’estompe où fila son vélo. La vitesse en suspens l’enivre, nous pleurons de ne pouvoir suivre.
À supposer que l’on me demande une définition globale de l’humanité me viendrait une réponse paradoxale : pour trait commun nous sommes tous d’une singulière singularité ce qu’ayant posé je nuancerais à la façon douce-amère de Coluche (« il y en a qui sont plus égaux que les autres ») oui : je penserais alors à deux ou trois êtres radicalement plus phénoménaux que nous autres phénomènes ordinaires tiens par exemple je me souviens de quelqu’un que j’ai interrogé un jour car il était le seul au monde à faire un truc pareil : « Comment en es-tu arrivé à répertorier à vélo toutes les cheminées d’usines de Fourmies à Zuydcoote ? Et pourquoi (encore à vélo), arpentes-tu la ville, y compris sous les giboulées, pour distribuer sans retard la gazette des cyclistes ? » le même à qui encore ayant vu une aquarelle fulgurante de sa main j’ai dit une autre fois : « Bizarre que tu ne sois pas fichu de tenir un tournevis : bon sang tu dessines, tu peins si bien ! » etc. chaque question à ce champion cet érudit me valant une réponse de modestie désarmante (sauf au chapitre de la vaisselle qu’il se vantait de faire reluire sans eau) comme quoi il s’efforçait simplement de bien faire dans sa vie même s’il n’y connaissait pas grand chose — en poésie non plus d’ailleurs s’est-il excusé une après-midi de randonnée oulipienne (à vélo toujours à vélo) sur un chemin de halage — avant de nous lire ce qu’il avait composé ceci :
L’eau de l’Escaut est grise Plouf ! L’eau de l’Escaut dégrise
puis cela :
Que sont devenus les haleurs, halant de leur pas lent les péniches, les bélandres, les gabarres ? De nos jours, les haleurs s’en sont allés, au loin des chemins de halage, ahanant leur tristesse de n’être plus haleurs, sans allant, à l’heure des grands convois motorisés. C’est bien la fin des bricoleurs.
et moi époustouflé recueillant ses poèmes non signés va sans dire mais je me souviens aucun doute c’était Yves
Robert Rapilly, jeudi 11 novembre 2021, à 12:20 [in Épitaphes] un commentaire - aucun trackback