Rue Ferdinand Mathias à Hellemmes
inventorier regard rivé au trottoir
 croûtons de pain imbibés de sable et de ciment
 liste de courses sur papier bleu plié 
 (chantilly, soupline, œufs, planta, illisible, râpé)
 débris de briques
 plus ou moins gros chiens
 cellophanes de bonbons
 cordon rouge d’emballage cadeau
 sangle de pack d’eau "cristalline"
 carton gaufré de biscuits
 ticket de bus
 pailles en plastique
 kleenex usagé
 emballage de sandwich "pain nordique poulet"
 mégots de cigarettes filtres
 mégots de roulées
 canettes éventrées
 brique explosée de jus de fruit
 dépliant publicitaire "réduction immédiate"

Fouler
 le pavé
 le béton
 les plaques en fonte de Pont-à-Mousson
 les enrobés
 entre quoi d’impossibles brindilles d’herbe 

Penser
 lève les yeux bonhomme
 traverse le long faubourg
 il doit s’y trouver une issue

Longer alors
 le commun des murs
 trait de brique ininterrompu de 2 kilomètres
 3,50 mètres de haut
 rouge sang jadis
 noir sang séché maintenant
 finira-t-il jamais le mur sang

Lire des slogans qu’estompent le temps 
et l’habitude du regard
 OAS
 FLN
 OUI
 NON
 Vive De Gaulle
 CGT
 Grève générale
 Ne travaillez jamais
 Mange ton maître
 Vive Mesrine ange de pureté
 Défense d’afficher

Flotter au-delà du vague, du gris, du médiocre

Aider l’hydre à vider son brouillard

Lever les yeux
 comme précédemment dit
 comme l’émeute affamée jadis ici même

Suivre la ligne d’horizon hachurée
 de tuiles faîtières
 d’antennes hertziennes
 de fûts de cheminées cylindriques
 de poteaux métalliques
 de chiens assis
 de faîtes de peupliers
 d’un château d’eau pour locomotives à vapeur pacific
 de pigeons
 de lampadaires rouillés
 de plaques de zinc
 de brique et brique encore
 de charpentes en fer

Basculer l’instant venu
 du sol aux nuages
 merveilleux nuages n'est-ce pas