Contrerimes
La contrerime, invention de Paul-Jean Toulet, est un quatrain dont on aura déséquilibré le rythme, dissymétrie appliquée aux vers partageant la même rime. Quelques illustrations ci-dessous, la première inspirée de Michelle Grangaud.
Je vais être veuve des jours anciens et je pleure. Celui qui pense possède un sombre mystère. Force élémentaire implique sa preuve. Celui qui pense possède une aile de ma demeure. Avant les assauts ton heure traverse la terre. Celui qui pense possède la rive et le fleuve.
On aura reconnu un centon, par ordre d’apparition : Saki, Verlaine, Grangaud, Ducasse, Rilke, Claudel, Pétrarque, Blok. Principalement deux formes ont été ici combinées, quatrine et contrerime :
assonances / nb syllabes A A B B / 5 7 7 5 B A B A / 5 5 7 7 A B B A / 7 5 7 5
D'après Mallarmé dans un rapport de 4/12 :
La flamme extrême occident de désirs pour la tout déployer se pose (je dirais mourir un diadème) vers son foyer. Mais vive nue l’ignition du feu toujours intérieur originellement la seule continue dans l’œil rieur. Une diffame celle qui ne mouvant astre ni feux au doigt rien qu’à simplifier avec gloire la femme par son exploit de doute écorche ainsi qu’une joyeuse et tutélaire torche.
Enfin une hybridation de quatrine et de contrerime en 8/6 syllabes. Selon le premier principe de Roubaud, le texte présente la contrainte en s'y soumettant lui-même. Le vers 3, immuable en quatrine, est emprunté à l'inventeur de la contrerime Paul-Jean Toulet :
La rime plate de quatrine vaut-elle en contrerime que l’océan trempe de pleurs un naufrage de peurs ? Habile écueil ces peurs dans quoi manœuvre la quatrine que l’océan trempe de pleurs cap sur la contrerime. Toulet – par contrerime pilote de nos peurs que l’océan trempe de pleurs – déroute à bon port la quatrine.
Épatante caractéristique décidément des quatrines qui riment : épuiser les 3 dispositions plate, croisée, embrassée.
Robert Rapilly, mardi 22 novembre 2016, à 13:01 [in Vrac] Aucun commentaire - aucun trackback