Le blogue de Robert Rapilly

Trois dédicaces

Un salut amical à Bertrand Boulanger.

1) Palindrome syllabique —

Ses dix hauts doigts montrant bergerie au ciel
Boulanger pur nourrit fable bleue
Farine où purger l’embout scié
L’aurige Bertrand m’ondoie — Odyssée !


2) Sonnet fractal —

Piaf d’Ouscrapo
l’envol grimpe aux
hyperboles
qu’ombre Éole


3) Contrepèterie —

Érèbe à béret ?
RR à BB !

Fric-frac / intro du roman

Vous ou moi : tout scribouillard qu’on fût, qui jamais n’imagina — halo triomphal ! — avoir construit un gabarit d’individu approchant Anton Voyl dans « La Disparition » ? À propos, sait-on qu’ainsi, au moins dix ans avant qu’il obtînt son Goncourt, Patrick Rambaud avait adjoint un zigoto ahurissant au roman « Fric-frac » : Adolf Mygnusi, gaillard qui affichait moult traits communs à Anton Voyl son parangon initial. Rambaud l’ôta plus tard du synopsis — trop bouffon, trop contraint, d’un mot trop oulipo suivant son diagnostic. Voici sorti d’oubli l’incipit du manuscrit original qu’il biffa donc à la fin.



Quand Jojo, imitant Swann, parlait d’Adolf Mygnusi, il disait qu’ayant connu son daron Job ou sa maman Fadala, il n’avait jamais compris qu’un duo si plat, si banal, d’un mot si fat, pût avoir conçu un gamin aussi malin qu’Adolf. À trois ans, il classait sans faux pas vingt-cinq plombs d’A à Z, s’intriguant qu’il manquât un poinçon du vrac où il puisait. À six ans, il connaissait tout du cursus français jusqu’au bac, analysant Hugo à la façon qu’on lirait Bibi Fricotin, approfondissant Vigny ou Sand à l’instar d’un comic-book du Savant Cosinus, auscultant dans l’assourdissant quatuor à Dumas (Athos, Porthos, Aramis, d’Artagnan) l’annonciation du foudroyant Gaston dans Spirou.

Rayon maths, à huit ans Adolf avait jà produit d’infinis calculs radicaux : prouvant ici Galois, formulant là abstractions à foison, postulats à gogo. Quant aux arts, il s’appliquait à ouïr un opus par jour, lundi du Bach, mardi du Mozart, puis du Zappa, parfois du rock — Pink Floyd ou King Crimsom. Citons son dada d’ado, un slow où Harrison jouait du tabla sur l’air d’Ôm, chant sanskrit assorti d’un solo au sitar hindou par Ravi Shankar lors d’un gala au profit du Sri Lanka. Notons qu’il aimait Dutronc ; moins Hallyday à l’Olympia ; Sardou ? ah non surtout pas Sardou !

Du yoga aux maths, d’arts martiaux à la philo, il avait transcrit son savoir colossal dans un bouquin – compilation qu’il intitula « Mil trucs pour un Nirvana sans mal ». L’album, paraît-il, n’avait point trahi l’apport d’avatars saints — Vishnou, Krishna ou Arjuna —, non plus banni l’à-propos ni l’opinion d’humains nourris par la raison — Kant, Marx, Foucault. Ç’associait l’aplomb du courant situ aux incantations du Bhagavad-Gita : cocktail innovant, frisson garanti.



Fric-frac / Patrick Rambaud, 1984 — tapuscrit soustrait au brouillon.

Chœur

Chœur —

Éclat pas même le lambeau
Et l’ombre envoie à sa pensée
– La mer toujours recommencée
Sauvant dans la route du Beau

Jamais jamais plus le corbeau
Royal que mon absent tombeau
– La mer toujours recommencée
Plus tard sculpta le caducée

Voici qu’enfin la traversée
Obéit à vivant flambeau
– La mer toujours recommencée
Linge ôté tel fugace oiseau

Quatrine tétracéphale entre Mallarmé, Hugo, Valéry et Baudelaire.

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