Lundi soir 16 février 2009 au CNL (Centre national du Livre), Jacques Jouet a reçu le Prix Max Jacob de poésie française. L’œuvre récompensée s’intitule MRM (éditions P.O.L.). C’est le portrait de Marie-Renée Morin, poème d’une vie en vers de 14 syllabes et terza rima - ou plutôt « tierce répétition » :


Je fis la connaissance de Marie-Renée Morin
par Sabine Coron, au mois de mai 2004
à l’Arsenal, un beau matin, Marie-Renée Morin

je le sus tout de suite était prête à se mettre en quatre
pour vous rendre un de ces services qui n’ont l’air de rien :
le prêt d’un livre. « Venez ce soir, montez quatre à quatre

mon escalier, c’est au troisième, au trois d’une rue, rien
ne me retient de vous prêter, quelque temps, Lamartine
Nouveau voyage en Orient, je vous jure, ce n’est rien. »

Incroyable, l’Arsenal n’avait pas ce Lamartine !
(…)


Un Lamartine absent de l’Arsenal : s’ensuit une rencontre d’où naîtront huit chapitres de vers fluides comme prose, passant à Rouen, Paris, Boulogne-sur-Mer, Richelieu et Cie, Toulouse, Orient-sur-Seine, Richelieu le retour, enfin Mazette - la table des matières est un poème à elle seule. Jusqu’à l’ultime strophe qui ne lâche rien de constante densité, quatre-vingts pages durant :


Si vous deviez, comme participe passé, renaître
de quel autre verbe serait-ce, Madame Morin
que, me souffle Aurélie, le verbe marie-renaître ?


La cérémonie a réjoui une foule éprise de Jacques Jouet, au premier rang de laquelle Marie-Renée Morin vivante et vive comme dans le livre. Il y avait aussi les amis d’Issa Makhlouf, dont la « Lettre aux deux sœurs » (José Corti) a reçu le prix Max Jacob à un auteur étranger. Cache-toi, guerre ! Le devenir inquiet de l’humanité s’est consolé à rassembler une intime affluence éprise de poésie, au point que des médias s’en sont émus. La télévision d’État s’est déplacée ; euh… la télé libanaise faut-il préciser. Car ce prix de poésie française existe grâce à des amateurs étrangers, américains notamment. Espérons l'an prochain une brève dans notre presse locale ?





Pour sûr que le discours de remerciements de Jacques Jouet venait de l’homme qui crypte automatiquement ses émotions. Le jedi malicieux en chemise africaine immaculée sur tee-shirt lacéré (sic) nous a récité, phrase pour phrase, un chapitre de Paul Fournel (« Les athlètes dans leur tête ») changeant çà et là les mots qu'il fallait, de sorte que « Je suis descendeur » devienne « Je suis biographe ». Personne sauf les initiés n'a décelé le tour qu'il jouait, exercice de style par celui qui réfute la seule idée de style. Mais gag à part ça palpite, Marie-Renée Morin et tous avons été touchés à cœur.