I -
Nulle sirène au port de Boulogne-sur-Mer
ne se marre (1) : – Ô marée, ô cruel gouffre amer !
Du Hollandais Volant télégraphe (2) détresse (3) :
un tsunami reflue entour fjords jusque Grèce.
Avec infiniment à venir d’aquilons,
on titube entravé, drapeaux les pantalons (4) ;
on arpente la grève ; on vogue sur la page
où s’échoue oublié le chant de l’équipage…
Une épitaphe antique (5) y surnage au tombeau,
recommence toujours le chapitre plus beau,
en route avec la soie advient par l’Inde et Rome
aux runes se mirer. Opale Palindrome !
Un témoin a passé – silence – méditer,
soupeser le refrain. Qui ? Frédéric Schmitter

– (1) Sirène je ne ris. – (2) Allo, ce drakkar décolla ! – (3) SOS – (4) Alcatraz là falzar tacla. – (5) Ésope reste ici et se repose.

II -
Perry-Salkow trouvère alarmant l’Égérie,
vient au Septentrion, conjecture et parie...
– L’on se vaut ! L’on se vaut : tes allers, mes retours (1) ;
car pendule et ressort l’ont compté d'hier à Tours :
avec les douze coups, chaque heure fut gommée (2).
Or, trigonométrique instinct d’un Ptolémée
inventeur d’astrolabe et guide du marin,
qui reconquit Ithaque ? Ulysse si malin !
Du bassin monte bien l’eau chue à la fontaine,
sonnera de nouveau midi déjà lointaine…
Eh bien, Étoile Bleue (3), Égérie en ma nuit,
hisse-moi jusqu’au Nord en la cité qui luit ;
je soupçonne là-bas un reflux spéculaire !
Frôler l’axe du pôle argue de nous bien plaire.

– (1) Route, heure et l’aller-retour. – (2) Mégots seront ronce gommée – (3) Tu mets une valise si la Vénus t’émut.

III -
James Perry-Salkow hears his Fairy Blue-Star
invoquer en anglais la Muse d’Abaclar
au très noble prénom d’Ordre de Jarretière.
– Tu pourrais me causer en langue de Molière,
objecte Élisabeth, mon blase Chamontin
court entre Pays d’Oc et le Quartier Latin.
– Alors, Babeth de France, enseigne-lui la voie
par où la mer allée, aile ivre se revoie…
– Traçons, Étoile Bleue, un script comme au ciné !
De cet homme, Égérie, un dessein a miné
tout penchant à Morphée : il s’agrippe à la plume ;
que pointe Séléné (1), Jacques chandelle allume !
– Qui dicterait formule à délire ses maux ?
– On prête ce génie aux poètes jumeaux (2)…

– (1) Tome, lune, moral, lettre ; vert tel l’arôme nu, le mot. – (2) Au jus ! m’intime Ulysse ; hisse, ultime, un jumeau !

IV -
Déchiffrage gémeau, s’y défriche une piste
dont, riche de moissons, un encyclopédiste
inventorie à jour habilement ce qui
plairait tant à son cœur ; car Alain Zalmanski,
prend les mots et les compte : ainsi culminait Rrose
Sélavy sur les monts et les côtes de prose (1)
polysémique, cirque aux shows latins (2) cachés.
– Tenons tous Thanatos à distance, hôte chez
le Ténébreux, le veuf, accablé de migraine
pour n’avoir su du pampre en prendre de la graine…
Puis, sibyllin bonsoir à l’Orphée étoilé :
– Va, recherche Sorel, et tournera la clé,
dévalera ce corps que, nimbé, ne diffame
rien qu’écumes des cieux : glorieuse la femme !

– (1) Et Sélavy y va leste ! – (2) Amor Roma.

V -
« Réfractaire secret du pot à l’essai d’ors,
oriflamme et blason cinglent d’exergue alors.
Relevons pli par pli ce lac dur qu’on oublie !
Quand claque en l’air le blanc goût de mélancolie,
Frédéric est aède et Gulf Stream et la voix
sans stock d’alcaloïde au fonds d’aucuns boas. »
Qui clame, d’autrefois, ce couplet de six lignes ?
Esposito-Farèse, en langage des cygnes !
– Eh Gef, répète-le ce précepte en tercets (1)
à moi qui du patois trop lointain prou n’y sais ;
conduis-nous à ce Fred, ménestrel au grand coffre !
– Hélas, un vil brouillon me dérobe à ton offre
et, chronophage gouffre, excave mon bonnet (2) :
l’ambipinacopanrengadiagonnet !

– (1) Eh têt, ne présenter / fête : le légender / ferle secret névé ! / D’éventer ce sel Ré, / Fred ne gèle l’été, / fret ne serpente thé. – (2) Du temps des chapeaux melons, l’on me pocha détendu.

VI -
La poésie est nue, il convient qu’elle vête,
bleus, l’ubac et l’adret d’un pâturage helvète.
Puisque ta diérèse, ô Pascal Kaeser !
ajuste le débit du conteur au geyser,
suis-moi, sois l’horloger d’une sublime horloge
qui ravive Sorel ! – Tu vois l’or où je loge ?
répond Pascal rhapsode, encor ne sais-tu qu’où
science mécanique inventa le coucou
à remonter le temps, depuis que la jeune Ève
enfanta nos aïeux, les miens sis à Genève (1)
ont ralenti leur âge au rythme montagnard (2) ;
tant d’œuvre inachevé j’en hérite, bagnard.
Et vers la bath Agnès s’il fallait que je fuisse,
plus aisé d’Achéron que m’évader de Suisse !

– (1) Ève ne gâta Genève. – (2) Âge modéré d’Oméga.

VII -
– La sériciculture ergothérapique est
l’alibi d’Odéon à clouer au piquet.
Les robes de Sorel, jadis nous les tissâmes (1),
et pour remerciement on a bouilli nos âmes !
La colère est superbe, et d’Alain Chevrier
le timbre enveloppé gonfle jusqu’à crier :
– Cabri dans un paddock d'asile somnambule,
camisole ou cocon (2) rien n'obvie et j’ulule.
– AC ! dicte un sanglot de vers à soie à quai.
– Assez ! tance grognon un soignant baraqué.
Or, d’entendre des voix augure triste suite
où Jeanne d’Arc pas crue, on l’a quand même cuite.
Vous aussi filez donc, mais vite et de Rouen !
Magnanerie adieu, salut vieil océan.

– (1) Au vrai pardon peul, tissu singe, injustice ; l’on part des pauvres. – (2) Recoudre les poches, choper leur doux cœur.

VIII -
Patrick Flandrin déploie une épreuve jaunie
au bain révélateur ; la Sorel rajeunie
se mire en un défi : comment ne vieillit-on
par l’huile ou le pastel, ni par photomaton ?
Un sonar à rebours dans la fidèle image
oit l’engloutissement qui revisite l’âge ;
quel rire bienveillant ondule sans arroi ?
– Naître avant n’être il faut ! C’est Abdomen de Roy (1),
qui ravit au néant le poème : au fond n’est-ce
innovante alchimie ? Éclat de ta jeunesse (2) ?
Scintillement aveugle où dort un sel captif ?
Ta moue instantanée en grains de négatif ?
Souvenir que des feux obscurcissent l’éclipse
tout joyeux aux bruissants liserés d’une ellipse ?

– (1) Suez, Edmond, nom de Zeus ! – (2) Et l'hier mate image, âge immatériel.

IX -
– Une seule réponse ôte deux questions.
La première : décrire effet des goupillons,
demande Nicolas Graner, sphinx fabuliste.
La seconde, inconnue à l’oulipote liste :
Pourquoi l’a-t-on, Sorel, exilée à Chinon ?
… La morale (1) et c’est tout ! Crêpage de chignon (2) !
Qu’un sein ait courroucé, pieux roi, Louis XI,
et Belle affronte Bête, elle amante, lui bonze !
précise Nicolas. Retentissant écho
à la quête éperdue ! Enfin Perry-Salkow
a-t-il trouvé son pair ? – Euh non, Jacques, je rame
à boucler fabliau, clore panscrabblogramme !
Mais sache : avant Pablo sur son Bateau-Lavoir (3),
Fouquet, dans une cale, à peindre put la voir.

– (1) Rude morale de l’arôme dur ! – (2) Arrêt, ici le feu. Ne vois, ô Graner en Argos, Io venue féliciter Râ ! – (3) Et ne dis side-car, galère, fer, paysage : Degas y a préféré la grâce dissidente.

X -
Défilent les relais, persiste la figure
de Sorel, en romance, en photos, en peinture…
Sans doute la savoir crécher à Razilly (1)
dans sa Soute-Lavoir créa chez Rapilly (2)
réflexe d’une rime et discrète et fastoche ?
Mais non, cloche ne tinte autant que teinte cloche :
examen révéla qu’à tourner un sonnet
abscons, abstrus, obscur, sa raison déçonnait ;
et quand il peint c’est pis : – J’essuie une épopée
de sire, une de son héroïque équipée ;
je brosse une Sorel à coups de pinceau fin :
ronde et gironde, Agnès chevauche (3) le Dauphin ;
dessus contours portés, entrouvre les cavernes ;
projette de Lascaux l’esquisse aux Temps Modernes.

– (1) Une moche anagramme, art ganache au menu. – (2) Mon nom. – (3) Sellez Agnès en gazelles !

XI -
Fusez, ô destriers (1), steamers des docks hurlants,
vrais rêves sous la voûte ajourés et verlans !
Les gens du port ont dans le cœur l’astronomie,
le soleil sur le sable, et Boulogne endormie.
Happy few du voyage, on reconnut l’un d’eux
quand le vingt février en l’an deux mille deux,
vingt heures zéro deux, Ascq blêmit de tonnerre.
Fred s’est levé : – L’on me saura quarantenaire
que, Jacques, nous aurons façonné de Sorel
dans la terrestre forge un sein intemporel.
Autant au vent s’estompe un monceau de décombres (2),
de même effacerons ce qui persiste d’ombres.
Ainsi parla serein le marcheur à l’affût :
Sorel Éros serait et Sorel Éros fut.

– (1) Rosse, l’âne mena l’essor. – (2) Une terre gré verbe nu / féconde île, lis morts… L’amorce / nécro malstrom si le lied noce / funèbre verger retenu.



Strophes offertes à Frédéric Schmitter, 40 ans le 29 septembre ; au gré des épisodes interviennent ses camarades Camille Abaclar et Alain Chevrier.
Les notes sont des palindromes orthographiques, phonétiques ou syllabiques.
Le recueil complet, intitulé « L'heure du second ‘T’ », a été composé par 20 membres de la liste oulipo ; il est lisible et imprimable en ligne grâce à la Bibliothèque Liste-Oulipienne.

« Abdomen de Roy » est l'anagramme inventée par Frédéric pour Edmond Robaye, ami de la liste oulipo disparu.