Un exercice de style circulait depuis 2010 sur l'internet, imité disait-on de « Napoléon le petit ». Plus exactement, ce texte anonyme s'inspirait d'une précédente imitation de Hugo ; ce qu'atteste un feuillet tout juste centenaire conservé au Fonds Farelly de Bruxelles. Lundi 6 mai 1912, deux jeunes gens se trouvent à Carcassonne, Jean-Baptiste Botul pensionnaire au lycée, Gilbert Farelly descendu de Paris en vacances. L'un deviendra philosophe, le second philologue ; pour l'instant, les camarades composent ensemble de la poésie. Le manuscrit est de Farelly, oralement guidé par son aîné Botul. Aucune ressemblance fortuite ci-dessous... À partir de la prose hugolienne, il s'agissait de versifier en raillant un archétype du pouvoir. Mais, approximatif lyrisme adolescent, on hésite à choisir quel président de la république serait brocardé : Louis-Napoléon Bonaparte ? Adolphe Thiers ? Félix Faure ?

Que put-il ? Tout. Qu’a-t-il fait ? Rien.
Avec cette pleine puissance,
en peu d’ans un homme de bien
eût comblé l’Europe et la France.
Pourtant, comment ce président
forcené faillit ! Lors trop vite,
timonier toujours trépidant,
il n’a su piloter ensuite,
se démenant, touchant à tout
dès qu’une frasque le démange !
Inapte à créer, l’être bout
que sa nullité donne change ;
c’est mouvement perpétuel,
à vide hélas : le moulin tourne
sans même un Quichotte au duel.
D’où sa suffisance séjourne :
sire du pouvoir, goûte aux jeux ;
riche, se fiance et convole ;
opportuniste avantageux,
prise pompon et gloriole,
les grands mots, ce qui sonne ou luit,
la verroterie et la Bourse,
l’agio, la banque et, qui s’ensuit,
le coffre-fort d’où l’on détrousse
chaque caprice satisfait...
Holà ! que l’on mesurât l’homme,
on s’étonnerait qu'un effet
si réduit aboutît énorme.
Car la France, il la foule au pied :
tant de cynisme l’a surprise,
d'espérance sur quoi s’assied.
Aux yeux que l’aigrette ne grise,
triste spectacle le galop
enfourchant, absurde, l’opprobre
du bonimenteur camelot !
L’homme s’échappe, médiocre.