Assiette d'écume
C'est une façon d'
Esquisser la brume
Et l'astre tout rond

Demain pleine lune
Trois petits pois sont
Du conte légume
La forme et le fond

C'est demain, lundi 2 avril 2007, pleine lune : occasion d'évoquer le sélénet, forme fixe favorite de Gilbert Farelly.

Non le poisson-lune
Ou mola-mola
N’a d’aile ni plume
Mais il s’envola

Un tramail l’emporte
D’étoiles en feu
C’est chance qu’il sorte
Formons vite un vœu

Le sélénet est une forme fixe, un couplet de 2 quatrains au format de la chanson "Au clair de la lune". Le Traité de Prosodie de Gilbert Farelly (Éd. Ichthusson - 1960) y reconnaît « une taille idéale pour s'exprimer de façon concise, intermédiaire entre le sonnet (souvent pompeux) et le haïku (trop minimal en français) ». À première vue on compte 5 syllabes par vers, rimes croisées féminines et masculines. Mais, sans rien toucher au texte, la diction alterne vers de 6 et 5 syllabes puisque, surnuméraire, le -e des rimes féminines est prononcé :

Au-clair-de-la-Lu-NE (6)
Mon-a-mi-Pier-rot    (5)
Prête-moi-ta-plu-ME  (6)
Pour-é-crire-un-mot  (5)

De son enfance et des présentoirs de la librairie familiale, Farelly a conservé la vie durant un recueil de Marceline Desbordes-Valmore, pionnière du vers impair avant Verlaine. Ma chambre, poème lunaire de 1843, se décompose en 3 sélénets :

_
Ma demeure est haute,
Donnant sur les cieux ;
La lune en est l’hôte
Pâle et sérieux.

En bas que l’on sonne,
Qu’importe aujourd’hui ?
Ce n’est plus personne,
Quand ce n’est pas lui !

_
Aux autres cachée,
Je brode mes fleurs ;
Sans être fâchée,
Mon âme est en pleurs ;

Le ciel bleu sans voiles,
Je le vois d’ici ;
Je vois les étoiles,
Mais l’orage aussi !

_
Vis-à-vis la mienne
Une chaise attend :
Elle fut la sienne,
La nôtre un instant ;

D’un ruban signée,
Cette chaise est là,
Toute résignée,
Comme me voilà !

À l'instar de Farelly père, qu'il croise chez Théodore de Banville de mars à mai 1871, Rimbaud imitera un an plus tard le triple sélénet de Marceline Desbordes-Valmore ; nouveauté rimbaldienne, la rime facultative :

_
Elle est retrouvée.
Quoi ? - L'Éternité.
C'est la mer allée
Avec le soleil.

Âme sentinelle,
Murmurons l'aveu
De la nuit si nulle
Et du jour en feu.

_
Des humains suffrages,
Des communs élans,
Là tu te dégages
Et voles selon.

Puisque de vous seules,
Braises de satin,
Le Devoir s'exhale
Sans qu'on dise : enfin.

_
Là pas d'espérance,
Nul orietur.
Science avec patience,
Le supplice est sûr.

Elle est retrouvée.
Quoi ? - L'Éternité.
C'est la mer allée
Avec le soleil.

Les symbolistes aussi s'essaieront au sélénet. Alain Chevrier nous signale un poème de circonstance que Paul Valéry adressa au Dr Edmond Bonniot, gendre de Mallarmé (cf. Chronique des ventes et catalogues, JP Goujon dans Histoires littéraires n°29, janv. fev. mars 2007, p. 217) :

Au clair de la Lune
Mon cher Bonniot
J'ai perdu mon rhume
Qui t'a pris au mot

Ma bronchite est morte
Je n'ai plus de toux
Ouvre-moi ta porte
Pour courir chez vous
(...)

Gilles Esposito-Farèse m'a signalé (note ajoutée en mai 2020) parmi les Quasi-Cristaux de Jacques Roubaud une œuvre contemporaine de Marceline Desbordes-Valmore ci-dessus, un sonnet du comte Ferdinand de Gramont (pré-oulipien expert en sextine, né à Jersey l'île face à Pirou) dont les quatrains font sélénet :

J’ai trouvé ta piste,
Petit réséda,
Mais Lise résiste:
Elle te garda.

D’or ni d’améthyste
Flore ne broda
La fleur grêle et triste
Qu’elle t’accorda.

Vivre à la ceinture
D’une beauté pure
Est un beau destin:

Parfum qu’on adore,
Il vaut mieux encore
Mourir sur ton sein.

Flash-back. Poussé par la tempête à l'automne 1588, un vaisseau de l'Invincible Armada échoue au nord de Pirou, Cotentin. Les hommes d'équipage, dont Gil Farella l'ancêtre de Farelly, y fondent une colonie sur la lande maritime, moyennant créance à verser aux autochtones : credenciales, aujourd'hui commune de Créances, berceau d'une descendance hispano-normande.

Né en 1848, Georges Farelly quitte à 18 ans son bocage natal créançais, s'engage sur les routes et devient colporteur. Tournées orientées vers Paris, le nord, parfois la Belgique, clients attitrés de marchandises comme le café, le poisson fumé, la petite épicerie, la mercerie, la quincaillerie. Au début, ni voiture, ni âne. Mais peu à peu, des signes de prospérité. Farelly ajoute à sa marchandise habituelle quelques livres et des estampes. Succès de l'entreprise, il devient "marchand libraire", se risque à importer des textes prohibés, certains rapportés de Bruxelles, d'autres des îles anglo-normandes les nuits sans lune. Il se fait une spécialité des écrits de Victor Hugo hostiles à Napoléon III, qu'il passe en contrebande par la plage de la Bergerie à Pirou. Et le risque paye ! Ayant trouvé clientèle stable à Paris, il finira par s'y établir non loin de la Seine, Quai Voltaire.

C'est là qu'il rencontre le cousin d'Hugo Vernier, Valéry du même nom, poète languedocien à l'origine des Félibres de Sceaux, traducteur des Poésies complètes de Giacomo Leopardi (l'exemplaire de 1867 à l'inventaire Hugo de Hauteville House y avait été exporté par Georges Farelly), également connu comme auteur de nombreux pastiches, dont l'Ode à l'absinthe longtemps attribuée à Musset. Une étroite amitié s'ensuivra. Un jour de mai 1878, le libraire Farelly accompagne Valéry Vernier et Paul Arène, tous deux poètes méridionaux exilés à Paris, en promenade à Sceaux, par la voie ferrée créée en 1846 - l'actuelle ligne B du RER. Ils y découvrent la tombe de Florian (1755-1794), poète et fabuliste qui vivait à la cour du Duc de Penthièvre. Leur revient en mémoire que Florian était languedocien et qu'il a écrit un poème en langue d'Oc dans un de ses romans. Or, nos promeneurs sont membres du Félibrige, mouvement littéraire à l'initiative de Frédéric Mistral en 1854, pour la sauvegarde et la promotion des langues d'Oc et assimilées : auvergnat, béarnais, catalan, créançais, gascon, languedocien, limousin, périgourdin et provençal. Surpris et ravis, ils décident de revenir à Sceaux chaque année en pèlerinage. La tradition félibréenne est née, vivace puisque le centenaire en a été célébré en 1978.

Farelly élèvera son fils Gilbert dans le culte de la langue d'Oc, des troubadours, de Guillaume d'Aquitaine et de Florian, traits d'union méridionaux avec les racines ibériques de la famille. Précisément, le -e surnuméraire de la forme sélénet sonne chez Farelly fils comme une réminiscence enfantine de l'accent languedocien, déclamé dans le salon paternel lors des Vendredis du Quai Voltaire, qui réunissaient des habitués du tout proche café Procope, dont Vernier et Arène. À noter encore les séjours réguliers à Carcassonne avant 1914, aussitôt l'amitié indéfectible avec Jean-Baptiste Botul : c'est au fil de conversations adolescentes que vont s'esquisser les contours d'une poétique farello-botulienne. Deux quatrains à l'article "apocope" (Traité de Prosodie, p.112) ravivent cette époque :

Noire après la croche
Saccade binair(e)
La faute à Gavroche
De tomber par terr(e)

La faute à Voltaire
Qu'au café Procop(e)
L'e surnuméraire
Devînt apocop(e)

À la veille de mourir, en avril 1960, Gilbert Farelly avait confié le manuscrit de son Traité de Prosodie aux Éd. Ichthusson. Le pavé, œuvre d'une vie, restera inédit, Ichthusson ayant coulé peu avant la publication. De rares extraits, quelques cahiers épars dont une préface « À Jean-Baptiste Botul », ont surnagé au pilon. Le sommaire partiellement reconstitué indique qu'un chapitre traitait de LaProPo, Laboratoire de Procrastination Potentielle, autre projet inabouti de G. Farelly.

À lire ci-dessous :
- des extraits préservés du Traité de Prosodie de Gilbert Farelly, qui prônait « l'apprentissage de la poétique et de la rhétorique par l'exemple, exploitant les vertus mnémotechniques de la versification pour définir, l'espace d'un distique ou d'un quatrain, "accumulation", "acrostiche", "alexandrin", etc. » ; on constatera la place privilégiée du sélénet dans la didactique farellienne ;
- une note d'après archives du Fonds Farelly de Bruxelles.



Antiparastase (p. 106)
_
Sur la sombre Terre
Ennemi Lubin
Prends du plomb contraire
Et gomme un dessin

Vivante allumette
Qu’anime un volcan
Ferme la fenêtre
Et n’honnis Satan

_
Des masques mutiques
Il n'en parle qu'un
Ô ternes musiques
Oyez Arlequin

Crépite une flamme
D'éternel enfer
Sa langue qui clame
Je suis Lucifer


Aphasie (p. 111)
_
Au flair de la dune
Mon habit fiérot
Traite-moi d'agrume
Pour élire un pot

Ma rondelle est forte
Je n'ai plus de pieux
Couvre-moi l'aorte
Pour labour de bœufs


Bégaiement (p. 241)
_
Nonne au dos d'hostie
Stylo l'ode en dent
Pape alors l'orgie
Gifla flattant tant

Ma malle alla vite
Vit-on qu'oncle eut luth
Ouvre où vrac acquitte
Y touche où chute ut

_
Vois voilà la Lune
L'unique icône aune
Sans s'entêter d'une
Dune en gangue au môme

Si s'y bout bougie
J'hisse ce murmure
Barbare épais Pie
Hisse et cède Ur dure


Chimère (p. 425)
_
Mon cœur est une chimère
Et le lion son papa
Il suit la chèvre sa mère
Je suis roi de la pampa


Contrepèterie (p. 537)
_
Ô l’aphone outrage
Délicat motus
Affole où notre âge
A modèle Ichthus

Va sans morse livre
Sordide et moteur
Sens la mort se vivre
Morceau d’éditeur


Dyslexie (p. 810)
_
Au cialr de la lnue
Mon ami Preriot
Ptêre-moi ta plmue
Puor érirce un mot

Ma clehandle est motre
Je n'ai puls de feu
Ourve-moi ta potre
Puor l'aumor de Deiu


Épellation (p. 920)
_
GNLMSE		Géhenne, elle est messe
FEZUV		et feux et duvets,
MIZÉSE		émise et déesse,
LHXFÉ		aile à chics effets.

LMYHE		Elle émigre et cache
BZIRO		baiser d'hier haut.
LNMSHE		« Hélène, aime et sache...
GCORO		- J'essaie, ô héraut ! »


Farce (p. 1036)
_
Sans aile ni plume
Comment s’envola-
-t-il le poisson-lune
Ou mola-mola ?

Un filet l’emporte
D’étoiles au ciel
Remonté de sorte
Qu'il pleuve du miel


Holorime (p. 1272)
_ 
Par le sonar onde
Et comme art y naît
Parle son Aronde
Écho martinet

Salami rondelle
Son épais roquet
Sa lame hirondelle
Sonnait perroquet

Variante :
_
Sans voler ta ronde
Et comme art y naît
S’envolait Aronde
Écho martinet

Salami rondelle
Par l’épais roquet
Sa lame hirondelle
Parlait perroquet


Isocèle (p. 2761)
_
Courbures de lune
3 petits pois ont
Couleur de légume
Et votre façon d’

En dire de vertes
N’aura point mûri
Nos héros alertes
Le conte est fini

(vers de largeur fixe)


Litote (p. 1501)
_
Poucet ne hait point les litotes
Non plus le chat de Carabas
L’ogre est pour ces héros à bottes
va-nu-pied ou menu repas
_
Qui sans hâte fuit les litotes
dit qu’il n’ignore au lieu qu’il sait
que non chaussé de lentes bottes
flânait peu le point grand Poucet
_
Mon cœur ne hait point la litote
ni n’imite d’être imparfait
Tes cithare et flûte Aristote
ne taisent d’en faire l’effet


Palindrome (p. 1826)
_
Ta mer comédie
Ivresse de mât
Âme desservie
Idem ocre mat

Sulpice l’accorte
Trop pâle minus
Uni me l’apporte
Troc calé ci plus


 Pangramme (p. 1831)
_
Show du Kiosque-Lune
Fabuleux Pierrot
Voyez-ci : sans plume
Je griffonne un mot

La bougie est morte
Nul stock, watt ni feu
Ouvrez huis et porte
Joyaux qu'aime Dieu

(26 lettres de l'alphabet dans chaque strophe)


Plagiat (p. 1962)
 
Plagiat sélénite de Paul Verlaine
_
La chanson bien douce
Pleure pour vous plaire
Eau sur de la mousse
Discrète légère

Voix connue et chère
À présent voilée
Elle encore fière
Veuve désolée
_
Aux brises d'automne
Longs plis de son voile
Au cœur qui s'étonne
Vérité l'étoile

Parle aussi la gloire
Simple sans attendre
Bonheur sans victoire
Noces d'or du tendre
_ 
Rien meilleur à l'âme
La voix qui persiste
Son épithalame
Une âme moins triste

Elle est de passage
Souffre sans colère
La chanson bien sage
Sa morale est claire

 
Plagiat sélénite de Stéphane Mallarmé :
_
L’éternité change
De n’avoir connu
Quelque noir mélange
Sortilège bu

Cette voix étrange
Mots de la tribu
Oyant jadis l’ange
Avec glaive nu
_
J’ai lu tous les livres
Jardins par les yeux
Je sens que sont ivres
L’écume et les cieux

Ô nuits de ma lampe
La blancheur défend
Ce cœur qui se trempe
Allaitant l’enfant


_ 
Steamer ta mâture
Par cruels espoirs
Lève une nature
L’adieu des mouchoirs

Les mâts les orages
Fertiles îlots
Sont sur les naufrages
Chant des matelots



Sélénet (pp. 2398 et suivantes)
_
D’endodomorphine
Et de phéromone
Douce Colombine
Viens me faire aumône
 
Clos ton œil Cyclope
Amant que j’adore
Hume de ma clope
À la mandragore

_
Rideau sur la scène
Qui voile Lupin
Que dérobe Arsène
À l'ami Lubin ?

Un service à tarte
Serti diamant
Commedia dell'arte
Pour sélène amant

_ 
À la Lune claire
Pierrot mon ami
L'œil épistolaire
N'y voit qu'à demi

Morte est ma chandelle
De feu je n'ai plus
Que ton huis chancelle
Foyer non occlus

(vers à l'envers)

_
Pierrot de sa turne
Voit lentille aux yeux
L’anneau de Saturne
Monocle des cieux

Dans la Lune rousse
Un focal plongeon
A teint la Grande Ourse
Gorge-de-pigeon


Spoudogeloion (p. 2488)
_
L'éthérée enclume
qui chut a tinté
d'oxymore allume
grave hilarité

Botul clame ainsi que
Talmud ou Platon
spoudogélosique
sérieux rit-on


Stichomythie (p. 2491)
_

- Mon cœur cause en stichomythie
- Bouche pleine on ne parle pas
- Or en mangeant vient la Pythie
- Elle tait où mènent ses pas


Synédiérétique (p. 2595)
_

Rameaux que l'on moise
Si nous en avions
Ferions un moïse
Ou des avions

Mais pauvre Jehanne
De cœur si pieux
Brûle sainte Jeanne
Nouée à ses pieux


Ventriloque (p. 2752)
_

Gondole, lagune
Et courrier taquin
Au clair de la Lune
Écrit Arlequin

La chandelle éteinte
Naguère ou jadis
Scelle notre étreinte
Chère Cléanthis

(sans labiales ni labiodentales)


Zeugme (p. 2823)
_
Zeugmes - La marquise sortit
À cinq heures et quatre pattes.
Allait-elle dans les Carpates
Ou maculer son bel habit ?

_
Vit-on glaneuse de feldspath
Comment la marquise sortit
À cinq heures et quatre pattes
Se piquer de zeugme et d’orties

_
Des canards viennent d’atterrir
et du grand nord...
Vont-ils bien et parler anglais
ou du beau temps ?

Note de Patrice Debry depuis Bruxelles :

L’oncle fou de Georges, homonyme qui, aventurier sombre, troubadour obscur, se piqua de pondre quelques trobars clus, était déjà proche de tels interdits. On sait qu’il a même rencontré Karl Marx, alors à Bruxelles (où Marx habitait rue Jean d’Ardenne, n° 50), qu’il y eut bonne entente, qu’ils furent amis. Ainsi, d’Angleterre Marx lui écrivit, c’était la misère !, la lettre qui suit : « Ma femme est malade, la petite aussi. Et plus de panade… Éternel souci ! Pain, pommes de terre font le quotidien… Demain désespère : peut-être plus rien ! Ah mon ami Georges, le manque du peu nous prend à la gorge. Aide si tu peux ! » (Ladite missive, on peut la trouver, pour peu qu’on l’y cherche, au Fonds Farelly, rue Jean d’Ardenne, n° 50 – oui c’est à Bruxelles, où Karl Marx vécut ! (...) »

Notre correspondant bruxellois ajoute qu'en sondant le Fonds Farelly, il a encore pêché et recopié un brouillon de l'Internationale, sélénienne version initiale. C'est pendant la Commune, n'ayant trouvé musicien, que l'oncle Farelly céda ce manuscrit à Eugène Potier, charge à lui d'y joindre une partition. On connaît la suite : récrite et adaptée à l'air de la Marseillaise, l'Internationale ne trouvera sa partition définitive qu'en 1888 à Hellemmes, banlieue de Lille, sous la plume de l'orphéoniste et tourneur belge Pierre Degeyter (les métriciens noteront que le manuscrit de Potier comptait synérèse à Internati-onale, contredit aussitôt par la musique de Degeyter). Antérieure de 2 décennies, voici donc la toute 1ère Internationale :

Damnés de la terre,
Forçats de la faim,
La raison s'affaire
À dire la fin.
Faisons table rase,
Esclaves, debout !
Changeons donc de base :
De rien, soyons tout !

Refrain :
La lutte finale
Nous groupant demaIn- 
-ternati-onale
Sera genre humain.

Nul sauveur suprême,
Dieu, césar, tribun :
Produisons nous-mêmes
Le salut commun !
Qui nous prend la gorge,
Nous met au cachot ?
Soufflons notre forge,
Battons le fer chaud !

L'État, sa loi triche,
Saignant malheureux
Sans rien prendre au riche.
Le droit, quel mot creux !
Assez de tutelle,
L'égalité doit
Être devoir, elle
Doit donc être droit !

Leur apothéose,
À ces rois du rail,
Est-elle autre chose
Que vol du travail ?
Toute cette bande
En or l'a fondu.
Faudra qu'on le rende,
Au peuple, son dû.

Soûlés de fumées,
Nous étions tyrans.
Grève des armées,
Hop, rompons les rangs !
Ah ! ces cannibales
nous disent héros ?
Réservons nos balles
Pour les généraux.

Canuts, péons sommes
Tous des travailleurs.
La terre est aux hommes,
Riche loge ailleurs !
Combien se repaissent
Corbeaux et vautours !
Mais s'ils disparaissent,
Resteront les jours.