Le blogue de Robert Rapilly

Avion soit un haut village

Poème pour Amelia Earhart, source Baudelaire.
Les couples de vers sont anaphones sévères : sans répétition, y compris des mots outils.
Me semble, souvent, que la contrainte dure ouvre à une mallarmisation villonéenne du vers.
On a ci-dessous conservé les mots rimes originaux.
Parmi les précédents anaphonèmes, après les « contrepèteries de salon » de Robert Desnos et Marcel Duchamp :
- de Gilles Esposito-Farèse, Contrepoint (2002) et L'âne, ô le crédule (2007) ;
- ici même, ceci, cela et le tout précédent billet.

Ô double, ma sœur
à mots bleus, douceur,
allons vivre haut ensemble !
Amour vaut loisir,
l’oiseau va mourir,
en vol l’avion ressemble.
Ses Rembrandt mouillés
dans ces rangs brouillés,
la stance étincelle en charmes ;
lieu mystérieux,
y restent mille yeux ;
cet instant-là chance et larmes.

Qu’outre à saveur plût beauté,
s’arc-boutera volupté !

Ronds buffets luisants,
fuiront bus les ans,
fins rameaux drapant la chambre ;
l’Indus aux deux fleurs
l’insuffle d’odeurs
mâchant parfum hors lacs d’ambre…
En proches plafonds,
lâches pans profonds,
Albe – annexe orientale –
sans mal parlerait
par l’âme en secret
orale ïambe ex natale.

Qu’outre à saveur plût beauté,
s’arc-boutera volupté !

Je vis ces canaux
qui nagent vaisseaux ;
dur fer, muse est vagabonde !
J’osai d’assouvir,
sauvage ou désir,
azurs brefs gavés du monde.
Ondes leurs couchants
ont couleurs de champs ;
l’humanité sait qu’entière,
là scintillant d’or,
l’hyacinthe endort
quantité saine à lumière.

Qu’outre à saveur plût beauté,
s’arc-boutera volupté !

Anaphonnet

Appelons « anaphonnet » un sonnet dont les vers, en plus de rimer, répètent dans un autre ordre les mêmes phonèmes - soit des contrepèteries, mais trop généralisées pour qu'on les déchiffre à l'oreille. Il n'empêche que ça puisse générer une singulière musicalité, non ?

À récit que blonde
hisse black et ronde,
Athéna l’oint, poire
pointée à la noire.

Bâtir où sa planche ?
soupira ta blanche.
Hop ! modale croche
commode l’approche.

Modèle où biaise
bémol ou dièse,
pâliraient bécarre,
béret, palikare...

La chance si lente,
chante-la silence.

L’assignation nulle part

« L'assignation nulle part » esquisse un poème symétrique, assimilable à une sorte de négatif photographique de L'invitation au voyage. Le premier jet ci-dessous gagnera sans doute à prospecter finement le lexique, en quête de mots sombres familiers de Baudelaire...

Toi fictif aïeul,
ne ravive au deuil
d’ici périr sans réponse
sauf morne bourdon :
morne d’abandon,
d’exil sur la lande absconse !
L’informe huis clos
de bas-fonds pâlots
m’enceint, contingence mièvre
dont secret ni fard
au neutre regard
n’ont humecté ta paupière.

Là rien, mais hideux chaos,
pauvre nausée et fléaux.

Périmètre nu,
l’à peine advenu
corromprait, rêche, le vide
du plus vague champ
fané s’asséchant
en quelque effluve insipide ;
dans l’opacité
pavant la cité
de laideur occidentale,
une sourde voix
graverait des lois
d’expiation létale.

Là rien, mais hideux chaos,
pauvre nausée et fléaux.

Détourne les yeux
des torrents boueux
farouches contre l’épave,
vigie alarmant
d’infini tourment
le sans lieu Volant Batave.
– Saturne dressé
creuse le fossé,
son caniveau s’en épure
la lie au chiendent ;
l’ombre haut s’étend,
ubac d'aveugle froidure.

Là rien, mais hideux chaos,
pauvre nausée et fléaux.

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