Le blogue de Robert Rapilly

Récréation 3 (quatrains express)

Jamais bovidé du Bénin
contre le serpent ne s’emporte
non plus - dépourvu de venin -
reptile ne mord antilope.

Les gnous et les couleuvres ça ne se dispute pas.

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Jack Nicholson, Easy Rider...
pour mon héros de road movie
décatît-il jusqu'à rider
j'en ai pincé toute la vie.

Vieux motard que j'aimais.

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Ébéniste un geste à la fois
ce que papier de verre ronge
j'en extrais la poudre de bois
d'un consécutif coup d'éponge.

Je ponce donc j'essuie.

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S'il faut lacer une basket
onques n'appelez la police,
l'entortillement est abject
le lien se tord le cordon glisse.

L'agent ne fait pas le beau nœud.

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Delphes si proche du sommet
la prêtresse est dans la froidure,
ses mains d’oracle elle les met
sous un cylindre de fourrure.

La Pythie vient en manchon.

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Guillaume chausse son cheval
dans une forge d’Helvétie ;
rien mieux ne trempe le métal
que l'arroser de sa vessie.

Tell ferre, Tell pisse.

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Heure d’affluence dans l’S,
un méchant ecclésiastique
pour virer Méphistophélès
agrippe son col élastique.

Exorciste hostile.

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Le Maréchal de Mac Mahon
que l'essor de Garonne navre
craint pareille inondation
où la Seine noierait Le Havre.

Queneau ! Queneau !

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Jour de grève loin de Dora
pas d’R-A-T-P... en voiture
François Le Lionnais se sera
sous gestapiste filature.

Nazi dans le rétro.

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Sauce d’antarctique repas
poisson à pointe avec des ailes
Paul-Émile Victor n’a pas
peur de le saupoudrer d’airelles.

Raie aux mûres c’est bath au pôle.

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Criblé par immonde pilum
au banc d’essai d’infect stigmate
le vénérable Bibendum
radieux radial éclate.

Martyre c’est pourrir un pneu.

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Où les restaurants sont complets
la mémère avec un yorkshire
avale force flageolets.
À Syracuse on craint le pire.

Les pets de la dame au clebs.

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Hiroshima Nagasaki
toute humanité s'y consume,
pas le planteur d’en bas à qui
les pieds dans l’eau causent un rhume.

Le Nippon de la rizière caille.

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=> Variante en vers isocèles au format twoosh (tweet maximum = 140 frappes sur le clavier) :

S’enflamme au ciel Nagasaki
Lors l’humanité s’y consume
sinon planteur en bas à qui
l’eau glacée avive le rhume

Nippon de la rizière caille

=> Autre twoosh isocèle, vers 5 soufflé par Gef :

Le dénouement en fut-il cru
De vouloir retenir la femme
au foyer qu’a risqué Landru
Essuyer un retour de flamme

Qui trop embrase mal éteint

Nota bene - Cette forme au fil des jours a pris le nom de "qtrnxprss" ; son origine était un quatrain express rigolothérapeutique et spoudogélosique que j'avais prescrit à la Tenancière de l'Appentis Saucier, victime d'une entorse du genou :

Liquidateur chez Camorra
fût-il Satan qui sent le soufre
aux rotules ne visera
ni les stigmates dont on souffre.

Les genoux et les douleurs ça ne se dessoude pas.

Plupart du temps

La plupart du temps j'écris, sinon je pense à ce que je pourrais écrire. Des projets oulipiens sourdent, sans prévenir. Par exemple la nuit passée, un quatrain palindrome de mots homophones :

Amende sur tas, filtre, auteurs, boulot et mante...
aux deux maîtres Seth dit : tenons-les sans héraut.
Héros, cent laids tenons ? Dix-sept mètres de haut,
menthe est bouleau hauteur, philtre ta sure amande.

Une fois l'idée formulée, ça prévaut sur des contingences secondaires comme dormir, retourner un dossier de retraite complémentaire, etc. Ne pas lâcher jusqu'à tenir l'objet parachevé. Cadence soutenue. Ainsi la veille d'après l'isonnetwoosh de Gilles Esposito-Farèse, j'appellerai sonnéquestwooshiso un sonnet à vers isocèles et strophes en statue équestre (acrostiche de 6 + 8 lettres délimitant un double tercet & un double quatrain) qui tienne dans le format d’un twoosh = 140 frappes sur le clavier. Quelques heures plus tard ç'a pris forme :

Sonnéquestwooshiso 1 -

Sauteur à
tête bise
autan t’a
tiré crin
une brise
en airain

Équitable
que métal
un cheval
en balade
statuaire
trotte du
roc au ru
et s’aère

Sonnéquestwooshiso 2 -

Sonnet on
te divise
Alors ton
tercet en
une crise
eut mitan

Égale ode
quel écho
ulule eau
et décode
statuaire
Topique a
ri Buddha
en prière

La ponctuation manque, par exemple :
1) Sauteur à tête bise, autan t’a tiré crin ; une brise en airain. Équitable que, métal, un cheval en balade statuaire trotte du roc au ru, et s’aère.
2) Sonnet on te divise. Alors ton tercet, en une crise, eut mitan. Égale ode, quel écho ulule eau et décode statuaire ? Topique, a ri Buddha en prière.

Etc. ad libitum. Au bout du compte, quel intérêt à combiner des contraintes si arides ? Eh bien, jamais tout seul je n'aurais su écrire "une brise en airain" pour désigner la crinière d'une statue équestre. Intarissable poésie jaillie du potentiel.

Post-scriptum -
Contrainte plus douce le surlendemain, sonnet style IIIe République pour un tract. Il s'agit à Lille de sauver la Pouponnière aux Meuniers, paisible bâtiment de 1955 menacé par la spéculation foncière...

Monsieur le Président de Lille Métropole,
un doute nous étreint, brouillon parmi nos vœux :
selon l’Académie, irréfutable école,
dit-on trois yeux-de-bœuf, sinon des œils-de-bœufs ?

Mais avant le verdict d'une docte parole,
examinez de près la mimique des yeux :
bienveillance convexe, il suffit d’un symbole
pour enchanter un mur de démons merveilleux.

Nous vous entretenons ici d’une masure
que Wazemmes nomma Pouponnière à Meuniers,
d’angulaire rondeur signant la quadrature.

Havre de brique jaune, architecte Ghesquiers...
quant aux trois œils-de-bœuf, qu’importe l’orthographe,
c'est démolir ce lieu qui serait faute grave.

Récréation 2

La Taulière de l'Appentis Saucier a passé commande d'une fable illustrant un dicton du genre "plus doux fut le petit mouton, plus méchant sera le lion", comme quoi un redoux en février précède parfois un lendemain sibérien. Réponse ci-dessous, les rimes sont appuyées.

Maudit soit février !
Saint-Ex qui plane est l’As
damné qu’a fait vriller
l’hélice en panne hélas.

Mirage et folie on
y confondra Petit
Prince et Griffon-Lion,
fauve à grand appétit.

Chimère & Sahara
dont nul ne saura rien,
leur crinière sera
d’intact blond saharien.

L’ogre lorgne un dessert :
« Rogaton cuisiné ! »
Mais Antoine au désert
oit « Mouton dessiné ».

PS - Ayant lu la page ci-dessus, la Taulière m'a précisé le dicton d'origine, collecté d'un paysan dauphinois par Micou - celle qui a signé une année durant le "Billetin", chronique quotidienne de météoésie : « Méfie-toi du petit février qui commence comme un mouton et finit comme un lion ! »

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