Le blogue de Robert Rapilly

Les cracks

.


Peinture : Caballo Azul par Pierrot Labryl (huile sur carton) -

De quel dada quel cœur se pique
Selon ce que nous connaissons
L'un d'Isou qui n'a rien d'hippique
L'autre entiché de canassons

1 - Les cracks

Nous, amoureux fervents d'alezans étalons,
Aimons également, où nous nous étalons,
Le crin luisant et doux d'orgueilleux percherons,
Palefrois pas frileux sur quoi nous percherons.

D'Éros en Thanatos vont nos jeux polissons :
Eux endossent la selle, et nous la polissons ;
Puis l'Érèbe leur passe - ô sanglots sans oignons ! -
Le mors de l'attelage aux morts que nous oignons.

Steeple-chase en songeant à Pégase ou pigeons,
La raison du Centaure, hélas nous la pigeons :
Sauf à nous endormir, voler nous ne savons...

Mais qu'écument naseaux, étincelants savons
Sur ganache et garrot ! Et qu'ondulent pompons,
Étoiles sous la bride où, jockeys, nous pompons !


Sonnet à bouts-rimés d'Alphonse Allais :

étalons
étalons
percherons
percherons

polissons
polissons
oignons
oignons

pigeons
pigeons
savons

savons
pompons
pompons

2 - Cheval de retour (morale élémentaire)

âge de raison       raison d'état     état de choc
                    choc des photos

photos de famille   famille de mots   mots d'amour
                    amour du métier

métier de la guerre guerre d'usure    usure du temps
                    temps d'accès

                    dans cette morale
                    élémentaire
                    le second nom
                    est le premier
                    du couple suivant
                    tous divisés par
                    "de" préposition

accès de fièvre     fièvre de cheval  cheval de retour
                    retour de l'âge

3 - Retour de cheval (morale élémentaire)

cheval de bât       cheval de labour   cheval de somme
                    cheval de cirque

cheval de bataille  cheval de retour   cheval fiscal
                    cheval-vapeur

cheval de course    cheval gagnant     cheval placé
                    cheval de selle

                    attention
                    n’oubliez pas
                    si vous récrivez
                    tout ça au pluriel
                    que quand il y a
                    plusieurs chevals
                    on dit un chevau

cheval d’arçons     cheval de bois     cheval de frise
                    cheval de Troie

Isovocalyxore

Remplacer les consonnes en conservant dans l'ordre les voyelles et les mots rimes (procédé des bouts-rimés de Dulot) du sonnet en ix(e)-or(e), comme Queneau récrivant dans Bizarre n°32-33 en 1964
Le vierge, le vivace et le bel aujourd'hui (...)
en :
Le liège, le titane et le sel aujourd'hui (...)
Ainsi,
Ses purs ongles très haut dédiant leur onyx (...)
devient-il :

Des murs d’ombre, préaux excitant feux d’onyx,
La voile est l’immun pli d’où vient, lampadophore,
L'aile d’elfe géant, pure flamme Phénix
Que l'émeu veillera vertige, abîme, amphore...

Bulles sélènes, hauts ballons glissez, un ptyx
Amortit in petto l’Icarien sonore.
Chant de l’aigle entravé : fuis et ne meurs au Styx,
Pars ! Envers deux sonnets, l’onde d’éclats honore

Maint sommet d’angoisse et, auroral ange, un or ;
N'harmoniser le ton eût fêlé le décor,
Demi cloche hurlant bluës du montreur de nixe.

Belle, l’épure vue entre tiroirs, encor
Vue à l'outil cerclé sans écart, elle fixe
En imitation l’icône Septuor.

Lune noire

Pierrots et Cendrillons, porte-plumes et vairs
Se diffusent nimbés d'un prisme sans mélange ;
L’épitaphe au linceul arrache un vierge lange
Que le pur Rien déligne, ombre d’écume au vers.

La domesticité sourd d’intimes hivers,
Convoquée en des mots sombres sous la phalange.
Piété, scission agnostique, nul Ange
N’éclairera chaos ou plan à l’univers.

De l’émulsive enfant, l’or abyssal se joue ;
Ajourée, une éclisse estampilla la joue :
Un torrent tamisé gouverne le compas.

L’extinguible chandelle infirme la venue
D’un autre oubli, mais non la Balance et son pas
À sept clignotements qui sidèrent la nue.

Exercice oulipien en négatif : écrire un sonnet symboliste sans contrainte, sinon la mécanique de prosodie classique - oulipienne quand même, si on y regarde de près.
Rimes consonantiques des quatrains, vocaliques des tercets.
Le sujet est un peu sélénite, un peu inspiré du sonnet en ix(e)-or(e) du parfaitement potentiel Maître allé puiser des pleurs au Styx.

Sélényxore - Sélénorixe - Monnet - Araxe - Exergue - Lyrics - Aurochs - Luxure

2 sélénets puisés à la première version (1868) du sonnet allégorique de lui-même ; un mot ajouté ("prolixe"), d’autres réduits (par ex. "obscurcissement" devient "obscur"). Comme dans les quatrains de Stéphane Mallarmé, les rimes de Sélényxore englobent la consonne d'appui (Nore - Tyx - PHore - Ny/ix) ; pas celles des tercets ni de Sélénorixe.

Sélényxore

Noir Salon sonore,
Vaisseau de nul ptyx,
Le rêve s’honore
Avec l’eau du Styx.

Cinéraire amphore,
S’allume l’onyx :
Nuit lampadophore,
Vespéral Phœnix.
_
Sélénorixe

Néfaste, prolixe
Pour son cadre, un or
Incite une rixe
En l’obscur Décor.

Scintille et se fixe
L’absent septuor
Qu’emporte une nixe
Sur la glace encor.

_
Un monnet :

Pnyx
dore
ptyx,
flore.

Styx
fore,
Bix
score.

Or,
l’or
fixe

saur,
mixe
cor.

Traduction désinvolte du monnet en vers libres :

Sous les hauteurs d’Athènes,                Pnyx
qui colorent                                dore
hapax                                       ptyx,
et végétation,                              flore.

le Fleuve des Enfers                        Styx
s’infiltre                                  fore,
et le cornettiste Léon Bismarck Beiderbecke Bix
marque des points.                          score.

Présentement,                               Or,
des pépites                                 l’or
qui retiennent                              fixe

le hareng de Diogène                        saur,
y mélangent                                 mixe
le chorus du jazzman.                       cor.

_
5 réécritures du sonnet de 1887, successivement en a, e, i, o, u.
Pas les tercets, mais chaque quatrain fait rimer ses consonnes d'appui :
oNyx / PhéNix
lampadoPHore / amPHore
pTyx / STyx
soNore / hoNore
Une version combinatoire tourne grâce à Gilles Esposito-Farèse en cliquant ici.

Araxe

Ses purs ongles très haut sacrant l’opoponax,
L'Angoisse, ce minuit, soutient, lucifuge are,
Maint rêve vespéral brûlé d’Astyanax
Que ne recueille pas de cinéraire jarre

Sur les crédences, au salon vide : l’hapax,
Aboli bibelot de muette fanfare,
(Car le Maître est allé puiser des pleurs à Sfax
Avec ce seul objet dont le Néant s’effare.)

Mais proche la croisée au nord vague, l’anar
Agonise selon peut-être l’hospodar
Des licornes ruant l'impétueuse Araxe.

Nymphe défunte nue en le miroir, en star
Que, dans l'oubli fermé par le cadre, se faxe
De scintillations sitôt le samovar.

*

Exergue

Ses purs ongles très haut dédiant leur pyrex,
L'Angoisse, ce minuit, soutient, thuriféraire
Maint rêve vespéral rougi par le murex
Que ne recueille pas d’amphore cinéraire

Sur les crédences, au salon vide : nul sphex,
Aboli bibelot d'inaudible tonnerre,
(Car le Maître est allé puiser des tubifex
Avec l’objet par quoi le Néant se vénère.)

Mais proche la croisée au nord vacante, un air
Agonise selon peut-être quelque épair
De licornes ruant une flamme convexe,

Elle, défunte nue en le miroir, si clair
Que, dans l'oubli fermé par le cadre, s’annexe
De scintillations sitôt le vierge hier.

*

Lyrics

Ses purs ongles très haut dédiant leur onyx,
L'Angoisse, ce minuit, soulève, lamprophyre,
Maint rêve vespéral brûlé par le Phénix
Que ne recueille aucun funèbre vaudevire

Sur les crédences, au salon vide : nul ptyx,
Aboli bibelot d'une insonore lyre,
(Car le Maître est allé puiser des pleurs au Styx
Avec ce seul objet que le Néant put lire.)

Mais proche la croisée au nord vacante, Ophir
Agonise selon peut-être l’elzévir
Des licornes ruant du feu contre une nixe,

Elle, défunte nue en le miroir, en cuir
Dessous l'oubli fermé par le cadre, se fixe
De scintillations sitôt le septemvir.

*

Aurochs

Ses purs ongles très haut dédiant leur inox,
L'Angoisse, ce minuit, soutient, lampadophore,
Maint rêve phosphorant sous l’Oceano Nox
Que ne recueille pas de cinéraire amphore

Sur les crédences, au salon vide : nul phlox,
Aboli bibelot d'inanité sonore,
(Car le Maître est allé prier chez Palafox
Avec ce seul objet dont le Néant s'honore.)

Mais proche la croisée au nord vacante, un or
Agonise selon peut-être le décor
Des licornes ruant la foudre contre Eudoxe,

Elle, défunte nue en le miroir, encor
Que, dans l'oubli fermé par le cadre, se boxe
De scintillations sitôt le septuor.

*

Luxure

Ses purs ongles très haut dédiant leur Fiat Lux,
L'Angoisse, ce minuit, tient, appogiature,
Maint rêve vespéral consumé par Pollux
Qu’une amphore à jamais cinéraire n’obture

Sur les crédences, au salon vide : nul flux,
Aboli bibelot d'inaudible murmure,
(Car le Maître en garnit les tombeaux mamelucks
Avec ce seul objet que le Néant n'emmure.)

Mais proche la croisée au nord vacante, une Ur
Agonise selon, peut-être ça l'obscur,
Des licornes ruant du feu contre le luxe,

Elle, défunte nue en le miroir, azur
Que, dans l'oubli fermé par le cadre, se luxe
De scintillations sitôt le glaive sûr.

*


_
Le sonnet allégorique de lui-même selon manuscrit premier de Mallarmé en 1868 :

La nuit approbatrice allume les onyx
De ses ongles au pur Crime lampadophore,
Du Soir aboli par le vespéral Phoenix
De qui la cendre n'a de cinéraire amphore

Sur des consoles, en le noir Salon : nul ptyx,
Insolite vaisseau d'inanité sonore,
Car le Maître est allé puiser de l'eau du Styx
Avec tous ses objets dont le rêve s'honore.

Et selon la croisée au nord vacante, un or
Néfaste incite pour son beau cadre une rixe
Faite d'un dieu que croit emporter une nixe

En l'obscurcissement de la glace, Décor
De l'absence, sinon que sur la glace encor
De scintillations le septuor se fixe.

... sans titre en 1887 :

Ses purs ongles très haut dédiant leur onyx,
L'Angoisse, ce minuit, soutient, lampadophore,
Maint rêve vespéral brûlé par le Phénix
Que ne recueille pas de cinéraire amphore

Sur les crédences, au salon vide : nul ptyx,
Aboli bibelot d'inanité sonore,
(Car le Maître est allé puiser des pleurs au Styx
Avec ce seul objet dont le Néant s'honore).

Mais proche la croisée au nord vacante, un or
Agonise selon peut-être le décor
Des licornes ruant du feu contre une nixe,

Elle, défunte nue en le miroir, encor
Que, dans l'oubli fermé par le cadre, se fixe
De scintillations sitôt le septuor.

Sonnérailleur

2 sonnets A & B okapis (*) en alexandrins, aux accents près, acceptent qu'on les dispose en une suite d'octosyllabes. Lors, réduisant d'un tiers la taille des vers (12 -> 8), on augmente de moitié le nombre de poèmes (2 -> 3) : sonnets a, b et c. Cela fonctionne comme un dérailleur de vélo.
Les rimes sont masculines, alternées vocaliques et consonantiques.

(*) okapi désigne l'alternance de voyelles et consonnes


A + B = a + b + c

A-
Orage d’aboli désir à ce ruban
Obère-t’en ici, gitane d'avenir
En épave mura le banal à gémir
À l’Aga d’Irazú relevé d’origan

Opère députés ab irato Médor
En alezan ave César, Ésope, Râ
Si la muse râla Midas à caméra
Mutile nez égal à délires en or

Édile décoré venez ôter Odin
En Agénor idem avivez Aladin
Utile virago l’école dit Éden

Il a - malin Éros - épilé parasol
Étiré le joli marin à mi bémol
Étalé boléro d’ému silex. Amen

a-
Ô rage d’aboli désir
À ce ruban obère-t’en
Ici gitane d'avenir
En épave mura le ban

À l’âge mira l’Agadir
Azur élevé d’origan
Ô père député sabir
Atome d’or en alezan

Ave César, Ésope ras
Il amusera là Midas

À caméra mutile nez
Égal à délire señor
Édile décoré venez
Ôter Odin en Agénor

b-
Idem avivez Aladin
Utile virago le col
Édite de Nil à Malin
Éros épilé parasol

Étiré le joli marin
Amibe moleta le bol
Érode Musil, examen
Écot à paracétamol

Alite kilim itéré
Rat ocarina mode ré
L'étalon étagé viril

On a foré l’abîme là
Mine d’oxyde de béryl
Ô vin à Cana, Dalila

c-
Sénile misère du lis
Érésipèle d'opiné
Lune mirage si biné
Le car a mêlé mur à vis

Apéro sera paru bis
Épuré, déçu, résiné
Galère bus il a zoné
De vin à fécule d’anis

Or adulé décida-t-on 
À ravir usure de ton
Atonal ite de la Mer

Il a mal écopé féru
D’origami si le dahu
Jeta bibelot à l’amer

B-
Éco tapa racé ta molalité kil
Imiter Érato ? Carin a modéré
L’étalon étagé viril on a foré
L’abîme laminé d’oxyde de béryl

Ovin à Canada, lilas en île mis
Ère du liseré si pelé d’opinel
Un émir a gési, biné le caramel
Ému ravi sapé, rosé rap à rubis

Épure de curés, inégal Erebus
Il a zoné devin à fécule d’anis
Or adulé de Cid à ton ara Virus

Ure détona-t-on alité de l’amer ?
Il a mal écopé féru d’origamis
Île, Dahu jeta bibelot à la mer

L'Hyène (gestomètre du sonnérailleur)

Choisir un sonnet en alexandrins, à "préparer" comme John Cage un piano
Poser les 2 premiers vers, ici ceux du Ténébreux de Nerval :

Je suis le Ténébreux, - le Veuf, - l'Inconsolé,
Le Prince d’Aquitaine à la Tour abolie (...)

Découper et recoller les 2 alexandrins en 3 octosyllabes
12 + 12 = 24 syllabes = 3 x 8

Je suis le Ténébreux, le Veuf
l'Inconso, Le Prince d'A-
-quitaine à la Tour abolie

Ne pas toucher aux rimes initiales (Inconso & abolie)
Arrondir les octosyllabes de sorte qu'aucun mot ne soit coupé et qu'un second système de rime s'ébauche

Je suis le Ténébreux qui plie
Inconsolé sous l’Aquitaine
Ou Prince à la Tour abolie (...)

Répéter 6 fois l'opération avec les distiques successifs d'alexandrins ; ça donne :

Je suis le Ténébreux qui plie, inconsolé
Sous l’Aquitaine, ou Prince à la Tour abolie.
Seule une Étoile morte y mène et, constellé,
Je porte et traîne un luth signé Mélancolie.

Dans la nuit du Tombeau, ta peine eût consolé
De ma folie encor Virgile et l'Italie.
La fleur, qui plaisait tant au chêne, a désolé
La treille pleine en Pampre arrosé de saillie.

Suis-je Amour que Phébus déchaîne où va Biron ?
Pauvre coolie, on rêve au baiser de la Reine,
Le front rosi d’une ancolie à l’Achéron !

Chez la Syrène on nage où fors pieux oublié
Jouant sur une lyre hellène, ai-je crié
Comme on supplie : ô Fée, ô sainte Cantilène !

Recopier au fur et à mesure les octosyllabes correspondants
Augmenter à proportion du raccourcissement des vers le nombre de strophes : 3 quatrains & 3 tercets
Lire l'un & l'autre poèmes

Je suis le Ténébreux qui plie                 A
Inconsolé sous l’Aquitaine                    B
Ou Prince à la Tour abolie                    A
Seule une Étoile morte y mène                 B

Et constellé je porte et traîne               B
Un luth signé Mélancolie                      A
Dans la nuit du Tombeau ta peine              B
Eût consolé de ma folie                       A

Encor Virgile et l’Italie                     A
La fleur qui plaisait tant au chêne           B
A désolé la treille pleine                    B
En Pampre arrosé de saillie                   A

Suis-je Amour que Phébus déchaîne             B
Où va Biron pauvre coolie                     A
On rêve au baiser de la Reine                 B

Le front rosi d’une ancolie                   A
À l’Achéron chez la Syrène                    B
On nage où fors pieux oublie (*)              A

Jouant sur une lyre hellène                   B
Ai-je crié comme on supplie                   A
Ô Fée ô sainte Cantilène                      B

S'être amusé à diverses dispositions des nouvelles rimes (-ie / -ène) : croisées dans un sens, dans l'autre, embrassées
Les avoir examinées de près jusqu'à se souvenir de quelque chose comme de l'hyène de la Rubrique-à-brac
Chaque fois que j’ai lu Gotlib, il m’a semblé que je déchiquète la cervelle d’une hyène
Donner le titre
Dédicacer

(à Marcel Gotlib)

(*) diérèse : pi-eux

Ébauche de sonnérailleur

Hisse-toi Zeppelin farci d’ardus rayons
Ça te balise antique et cinglé sous l'église
Du Corbeau (jamais plus ici Laïos ne puise
(…)

3 alexandrins convertibles en 4 octosyllabes :

Hisse-toi Zeppelin farci
D’ardus rayons ça te balise
Antique et cinglé sous l’église
Du corbeau jamais plus ici

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