vendredi 17 avril 2015
Plupart du temps
La plupart du temps j'écris, sinon je pense à ce que je pourrais écrire. Des projets oulipiens sourdent, sans prévenir. Par exemple la nuit passée, un quatrain palindrome de mots homophones :
Amende sur tas, filtre, auteurs, boulot et mante... aux deux maîtres Seth dit : tenons-les sans héraut. Héros, cent laids tenons ? Dix-sept mètres de haut, menthe est bouleau hauteur, philtre ta sure amande.
Une fois l'idée formulée, ça prévaut sur des contingences secondaires comme dormir, retourner un dossier de retraite complémentaire, etc. Ne pas lâcher jusqu'à tenir l'objet parachevé. Cadence soutenue. Ainsi la veille d'après l'isonnetwoosh de Gilles Esposito-Farèse, j'appellerai sonnéquestwooshiso un sonnet à vers isocèles et strophes en statue équestre (acrostiche de 6 + 8 lettres délimitant un double tercet & un double quatrain) qui tienne dans le format d’un twoosh = 140 frappes sur le clavier. Quelques heures plus tard ç'a pris forme :
Sonnéquestwooshiso 1 -
Sauteur à tête bise autan t’a tiré crin une brise en airain Équitable que métal un cheval en balade statuaire trotte du roc au ru et s’aère
Sonnéquestwooshiso 2 -
Sonnet on te divise Alors ton tercet en une crise eut mitan Égale ode quel écho ulule eau et décode statuaire Topique a ri Buddha en prière
La ponctuation manque, par exemple :
1) Sauteur à tête bise, autan t’a tiré crin ; une brise en airain. Équitable que, métal, un cheval en balade statuaire trotte du roc au ru, et s’aère.
2) Sonnet on te divise. Alors ton tercet, en une crise, eut mitan. Égale ode, quel écho ulule eau et décode statuaire ? Topique, a ri Buddha en prière.
Etc. ad libitum. Au bout du compte, quel intérêt à combiner des contraintes si arides ? Eh bien, jamais tout seul je n'aurais su écrire "une brise en airain" pour désigner la crinière d'une statue équestre. Intarissable poésie jaillie du potentiel.
Post-scriptum -
Contrainte plus douce le surlendemain, sonnet style IIIe République pour un tract. Il s'agit à Lille de sauver la Pouponnière aux Meuniers, paisible bâtiment de 1955 menacé par la spéculation foncière...
Monsieur le Président de Lille Métropole, un doute nous étreint, brouillon parmi nos vœux : selon l’Académie, irréfutable école, dit-on trois yeux-de-bœuf, sinon des œils-de-bœufs ? Mais avant le verdict d'une docte parole, examinez de près la mimique des yeux : bienveillance convexe, il suffit d’un symbole pour enchanter un mur de démons merveilleux. Nous vous entretenons ici d’une masure que Wazemmes nomma Pouponnière à Meuniers, d’angulaire rondeur signant la quadrature. Havre de brique jaune, architecte Ghesquiers... quant aux trois œils-de-bœuf, qu’importe l’orthographe, c'est démolir ce lieu qui serait faute grave.
Robert Rapilly,
vendredi 17 avril 2015
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