Navets 2

1 –
À supposer que vous me demandiez à quelle contrainte obéissait hier le premier de mes 3 poèmes, je répondrais qu’il s’agissait d’un À supposer (nom qu’a donné notre ami commun, Jacques Jouet, à cette forme d’une seule phrase de la taille d’un paragraphe) et qu’il n’existe à mes yeux rien si fidèle au désordre de notre pensée : vagues rattrapées chacune avant terme par l’élan de la suivante, suite enchaînée de mots que viennent recouvrir d’autres mots, jusqu’au point final que nous assimilerons à une marée haute mûrement accomplie ; ou bien à la citadelle autour d’une ville grouillante ; ou encore au mantra, que l’étymologie sanskrite décompose en manas (l’esprit qui bouillonne) et suffixe –tra qui désigne l’enveloppe… toutes images où jouent réconciliées poésie et syntaxe, liberté déferlante et contrainte.


2 –
Sélénet à Léna

Ô nature morte
à l’équerre, au té !
Une feuille forte
s’appelle du thé

Léna par la feuille
guérira nos maux :
suffit qu’elle veuille
écrire trois mots

(un sélénet compte 2 quatrains de pentasyllabes à rimes alternées, chantables sur l'air d'« Au clair de la lune »)

Petit air à Marie

Marie elle a fait la cuisine
et rajouté son ingrédient
ch’sais pas comment ch’sais pas comment
Marie elle a cuit la terine
exprès mêlé soupe et torchon
mais c’était bon mais c’était bon

(ce petit air est inspiré d'une malicieuse terine composée par Marie, forme poétique inspirée de la sextine qu'inventa le troubadour Arnaut Daniel au XIIIe siècle)


3 – Fatrasisocèle (suite d'hier)
Essayez voir une fatrasie d'après vos natures mortes, pièce de vers médiévale qui s’interdit d’avoir du sens, comme les comptines de la petite enfance ; celle-ci est soumise à d’autres contraintes, plus ou moins visibles... lesquelles ?

Ô baudet Buridan n’as-tu rebu mes fourches
Le chat de Carabas n’en tousse aux envieux
Avant l’élan salé sinon des Grandes Ourses
Le médecin létal du kiosque atterrit mieux