Le blogue de Robert Rapilly

Jeanne est née

Mon ami poète et magicien Patrice Besnard et Nathalie Poaty sont les parents de Jeanne, née le 17 avril 2008.
Le n°11 de la BLO (bibliothèque liste-oulipienne) leur est consacré ; extraits ci-dessous de ma contribution.


Imitation de l'Imitation du Cavalier Marin de Claude Malleville

Que Jeanne déjà belle, à qui tant reste à vivre,
soit le plus digne objet, sous la brise et le grain,
dont l’éclatant reflet couronne mon refrain
d’or et d’ambre cédés à sa gloire en ce livre.

Quelle plus pâle écume, ou d'albâtre ou de givre,
d’un si ténu cordage eût effacé l’embrun ;
quelle clarté sélène, ô Cavalier Marin,
ne revêt sous son ombre obscurité de guivre ?

Qui sur l’onde jamais vit poupe qui valût
mieux paraître, debout, l’ivresse d’un salut ;
qui vit si blanche foudre armer une voilure ?

Les suprêmes adieux qu’effacent les mouchoirs
partagent en retour, à rien cette encablure
exotique, avec Jeanne un baptême d’espoirs.


Ode à la mode de Théophile de Viau

Un écran devant moi clignote
Une mire offusque mes yeux
La foi cathodique pour cieux
Fore ma tête de linotte
Faut syllabe à mes virelais
Et faillent pieds aux gobelets
J'entends caqueter une cane
J’ois présent un esprit en art
Il me dit s'appeler Besnard
Je vois l’ombre d’un feu tzigane

La source boit et tarit Seine
Un œuf se ravit sur le flanc
Un chant soûl serti de fer blanc
Sort d’une boîte la Sirène
De la Tour que l’on abolit
Un cordon recoudra son lit
La nuit éblouit diaphane
Solaires chants pizzicati
Lunaire andante Poaty
Duquel astre jaillira Jeanne

Max

Je me souviens de Max Domon

Max Domon trait & lettre
marqua d’un clair esprit
sage tant que pût l’être
un temps qui s’assombrit

Portrait du Jardingue


DÉDICACE JOYEUSE, QUATRE ANS APRÈS AVOIR « PEINT » CE PAYSAGE :
AUX ÉLÈVES DE QUATRIÈME 3, COLLÈGE PAUL VERLAINE !

Je vois le jaune d’or des pissenlits, merveilleux pissenlits maudits des jardiniers.

Je sais comment s’appellent les pissenlits, c’est déjà ça.

Je remarque qu’il sont pétris de qualités durables : immédiate splendeur de la fleur jaune d’or, prochaine danse d’aigrettes escamotées au vent, comestibilité de salade ce midi, de miel à l’automne (il y a une ruche au bout du Jardingue), de racine tôt ou tard.

Je souligne qu’à tous ces titres, les pissenlits méritent considération, réhabilitation.

J’ignore au Jardingue le nom de la plupart des autres plantes.

Je pense aux pissenlits au point d’oublier qu’un portrait de jardin devrait s’occuper de ce qu’il y a entre les pissenlits : la mare, les arbres, la butte, le potager.

Je suis sûr que des savants et poètes comme Alphonse Allais (inventeur du café lyophilisé) ou Charles Cros (de la photo couleur) auraient très sérieusement su mettre au point une formule de fromage à base de lait fermenté de pissenlit, ou alors le procédé d’impression pissenlitrichromique à partir du jaune de pétale, du bleu de tige et du rouge de racine.

Je me demande, relevant la tête du tapis de pissenlits (s’il fallait inventer le mot tapissenlit, ça se ferait ici), ce que deviendra le Jardingue dans 10, 20 30 ans, ce qu’il en restera dans 100, 200, 300 années, siècles, millénaires… car il devra en subsister quelque chose infime.

Je parie les pires calamités à quoi cependant survivront quelques graines et insectes, bouts d’ADN végétal et animal, mémoire de pissenlits et d'abeilles, riens de vie avant de nouvelles ères de sauvagerie et de sagesse.

Je refuse la disparition des musiques du vent, de la grive, de la cloche lointaine, du volet roulant, du bourdon intitulé rumeur de la ville, au cœur de quoi des pissenlits jaune d'or.

Je vois ça.

                   

L'Ange Gardin



Au matin, j'a descindu dins min gardin



Y'avot un ange tout blanc, l'Ange Gardin

Glose

Traduction symboliste en alexandrins de quelques-uns parmi 10 millions de sonnets palindromes.
Voir aussi Gilles Esposito-Farèse.


Glose n°1

Hisse-toi Zeppelin à l’ascendant rayon
Qui te balance antique et cinglé sous l'ellipse
Qu'un Corbeau (jamais plus puisque Laïos éclipse
Sa cinéraire amphore) élude en papillon

Et l’exacte lionne en lacère un défi
La Chevelure Vol choit colonne du temple
C’est volcan sous la neige et la vache en exemple
Toutes grâces par quoi la peur aura suffi

Pyramide foulée où le Penseur trépigne
La Dune du Pilat déjà gomme ton pas
L'Odalisque est au vent qui bercera la vigne

Un souffle a dispersé l'ivraie et le repas
D'ivoirine pâleur et manne de mémoire
L'aile fond où la plage en turquoise se moire

Sonnet original :

Être venu damer Icare
Sur apside gaga berça
N’être Pœ l’Œdipe l’égare
Ni vase ni vide vissa

Pure féline banco grêle
Ni mur ni d’or s’abat Samson
Noté-je d’Io l’Etna gèle
Élégante loi de jeton

Nos mastabas Rodin rumine
L’erg Oc n’a béni le féru
Passive divine s’avine

Rage l’épi d’Éole ô perte
Nacré bagage disparu
Sera cire ma dune verte


Glose n°2

Un rire formidable a retenti d’Orion
Il entonne fidèle une ennuyeuse esquisse
Or l’eau fraîche au riz sec (pourquoi faut-il qu’on cuise
La sensitive épine) invite à l’éclosion

Fends ce sari sanskrit Campeador Sidi
Nikê mère Victoire y darde un croc-en-jambe
Étendre du mortier t’enrhume jusque tempe
L’accord sumérien se compresse en jazz free

Ne soigne sans espoir sous le givre le Cygne
Le tamis du torrent gouverne son compas
Un danseur à deux temps mordit la ballerine

L’astre roi contredit déficits et sambas
Et l’atoll dépensier chiquenaude à la poire
Ô martagons pressés au-delà de la Loire

... traduction de :

Être sidéral s’il se marre
Sûr aperçu le lied rasa
Net repas nourrit nem avare
N’inactive le mimosa

Purâna vêt Cid écartèle
Nice démâte du rayon
Nos sinus nases sa truelle
Telle Ur tasse sans unisson

Noya rude ta médecine
Le tracé dicte van à ru
Paso mimé le vit canine

Râ va mentir ruons à perte
Nasarde île lucre paru
Serra mes lis la Ré diserte


Glose n°3

L’habitacle et la roue amochent le garçon
C’est la robuste pompe où s’ajoura l’éclisse
Qu’Harpagon (allouant au cortex du Lettriste
L’outil nommé Désir) n’avait pas vu griffon

En presse immaculée y gronde un rififi
Du sillon cul-de-sac au sein qui lui ressemble
Comme un pulsar austral sans martinet ni sangle
Quand du pain crevassé seule la mousse a fui

Viso sur l’émulsive enfant que l’eau consigne
S’ourdit un lycaon au courant des sabbats
Liberté sur parole au Lac sombre ta ligne

Pureté des amants qu’acquitte le trépas
Nous nous vîmes le tiers dans la boucle illusoire
L’empreinte se frictionne à l’esquisse oratoire

... traduction de :

Être side-car te dépare
Sûr appareil limé perça
Ne trépane Isou de l’Avare
Ni tram à l’us ni la Mirza

Pur l’étau qu’orage martèle
N’ira gramophone téton
Nova Sud ne fessa cruelle
Tel leur cassé fendu savon

N’ôte-t’en oh Pô margarine
Le tramé garou qu’a tel ru
Paz rima l’insu Lamartine

Ravalé duo sien à perte
N’a crêpé millier apparu
Se râpe de trace diserte


Glose n°4

Le doulos augura géhenne au goupillon
Dont l’ombre de la terre a planqué la motrice
Ainsi le Ténébreux (y sourd de paralipse
Un souterrain absent) gomma sans la sanction

Abolis le hasard Héritier de Séthi
Car du cercopithèque il faut aplanir l’angle
Sans éclat soprano sur la biche on s’étrangle
Quel yearling ne se cabre au vieux brancard bouffi

Fuis la strophe homme en trop qu’empoissonne Oniéguine
Arès touche en cadence au satin que tu bats
Ô céleste moisson sans aura de résine

Joplin et la rythmique aspirent aux dégâts
D’un carcan exhibé dont on masque la gloire
Pour la philosophie au cœur déclamatoire

... traduction de :

Être si damné de ma tiare
Sur appareil l’ocre mussa
N’être pas à voir t’émit gare
Ni tube ni vide visa

Pur cas Ramsès s’il sut cisèle
Nivela l’amène guenon
Non gorgé cria de gazelle
Sellez âgé d’air ce grognon

Non Eugène mal alevine
Les ictus lisses Mars a cru
Pas ive divine butine

Ragtime trio va sa perte
N’assumer collier apparu
Serait âme d’en ma diserte

Cheyenne de vie

Annexe épurée des épisodes 1 à 15 de la Ballade à Montcalm. La prosodie en jeu dévie ces hexasyllabes de la pure tradition des vers dits « de mirliton » ; il y a un contrepoids à la désinvolture affichée. La motivation initiale était : observer ce que produit la collision entre esprit potache et les sévères prescriptions de Théodore de Banville ; comment calembours, rimes trop riches ou contrepèteries s'accommodent des règles d'alternance et de liaison supposée, de métrique stricte sans e caduc, de prohibition d'hiatus.


1 - Hurons de fumée

Ma tante étant hippie
sa hutte est un tepee
au milieu d'un gazon
bleu jusqu'à l'horizon

Son chef fiché de plumes
suspendu dans les brumes
ondule en vol plané
où passe son poney

L’amazone épatante
et néanmoins ma tante
a cueilli du nectar d’
onirique pétard

Elle rentre en son antre
Un bon feu flambe au centre
Les murs de la maison
sont en peau de bison

Cet habitat tipique
tient aux pieux que l’on pique
sans hauban et sans lest
sous le vent du Far-West

Elle embrase sa pipe
près la potée à tripe
C’est ainsi qu’allumait
Sitting le calumet

— T’es telle que nous fûmes
Face aux soucis tu fumes
fronçant force sourcils
souffle Taureau-Assis

Ma tante étant hippie
sa hutte est un tepee
Elle y fume des joints
songeant — J’hume des foins



2 - Qui vivra verrat

Ma tante étant hippie
sa hutte est un tepee
Elle a des mocassins
en peau de marcassins

Que clean et qu’éclatante
et que nette est sa tente !
L'hôtesse des tipis
sait taper ses tapis

Un jour qu'elle balaie
le sanglier, la laie
la hèlent — Nous cherchons
qui cache nos cochons

qu’à droite ou gauche on aille...
— Bingo la cochonnaille
aux gorets égarés
z’êtes guère gourés !

Lors qui donc assassine
ceux de la gent porcine
les étalant d’un choc
de létal tomahawk ?

Se peut-il qu’on tronçonne
et cochon et cochonne
corps équarris sur un
étal par son surin ?

Et qu’en plus qu'on devienne
maroquinière indienne
l’on remplisse aussi son
saloir de saucisson !

Ma tante étant hippie
sa hutte est un tepee
Damned les beaux souliers
en poils de sangliers

Jazz à Antibes en 1975

Automne 75, insistants appels téléphoniques à Philippe Carles, rédacteur en chef de Jazz Magazine. Sans doute de guerre lasse, rendez-vous m'est accordé enfin. On s’assoit, il regarde ces photographies et d'autres, en silence. Ça dure assez longtemps pour que je déprécie mentalement mon travail ; dis donc, t'es pas un peu gonflé de soumettre ça à un type qui a tout connu, tout entendu, tout vu des ambiances du jazz : Newport, le Five Spot, l'Apollo, le Cotton Club va savoir...
Vite dire quelque chose : « Banal, non ? »
Il n'aura pas le temps de répondre. À la hâte, je me lève, je lui serre la main, je m'échappe du bureau en ramassant le paquet tout mélangé. Je ne serai jamais photographe de presse.


Dollar Brand



Anthony Braxton


Eddie Gomez avec Bill Evans


Billy Harper


Dave Holland


Oscar Peterson


Don Pullen

Blogue à Tolbiac

À supposer qu’il me faille, dans les limites d’une phrase paragraphe, formuler ce que j’entends par chance ou fortune, je rapporterais que je ne mets presque jamais de chapeau, à moins qu’il m’en tombe un sous la main et qu’il pleuve dru (concordance advenue tout près du Pont de Tolbiac, où je fis la connaissance de Kozlika), que l’exceptionnelle circonstance valut à mon pseudonyme d’internaute Bbt (abréviation sans âge de Bébert) de muter en Bibi-Ti par sortilège de l’Interlocutrice, et qu’à quelques semaines de là, la soudaineté de notre amitié neuve conduisit la Fée à parer de grâce princière, pli selon pli, chance et fortune, mon vilain petit canard de blogue.

Trois trompes

Entendre Jaques Jouet présenter son livre Trois pontes : « Il faut prendre au mot les coquilles typographiques, par exemple celle-ci, lue un jour dans un journal : « Les Trois contes de Gustave Flaubert sont l’un des sonnets de la littérature universelle » ».
Intituler un recueil Trois trompes. Écrire 3 sonnets idoines.


1 - De fil blanc

Trois tontes sont un des bonnets
de filature universelle.
Vous les tenez
par la ficelle.

Bonnets de laine il va de soi,
bonnet de soie à mailles pleines,
mon front sua
d’ardus problèmes.

Bonneté que déduit-on du
mouton blanc ? Blanc mouton tondu
fut donc son frère.

Et du troisième il fallut qu’on
- n'allez pas braire -
tirât le blanc fil du cocon.


2 - Trop de fruit nous alourdit

Trois fontes sont un des sorbets
de la glaçure universelle ;
dès qu’absorbés,
elle ruisselle.

Sorbet de haricots aux noix,
sorbet du fruit à la peau mate
que les Nahuas
nomment tomate.

La sorbetière a tout glacé
mais Pachacamac courroucé
- Médée en pire -

fondit le sorbet d’avocats
pris au vampire,
exsangue dessert des Incas.


3 - Coquille de Triton

Trois pompes sont un des chromés
de tubulure universelle.
Allegro mets-
-y la vaisselle.

Trois conques sont un des cornets
d’une embouchure de crécelle,
conduits bornés
à Compostelle.

Si l’un draine par les tuyaux,
l’écho ne parle mais mouille aux
cône et cylindre.

Pompe ou conque, l’autre ouït-on
rire ou s’y plaindre
depuis la bouche du Triton.

Sablier belge

« Je ne sais pas où il est (1), je ne sais pas qui a eu cette brillante idée ni qui a pris la photo, mais si je savais où le trouver, j’y courrais derechef.
- Derechef ? Vous l’avez donc déjà longé, ce canal ! Essayez s’il vous plaît de le décrire.
- Eh bien, d’une phrase, il dort lourd et noir entre deux berges fleuries de renoncules sous un soleil pâle presque toujours voilé de brouillard, et tout autour c’est la monotone et plantureuse campagne.
- Mais le canal perdu, est-ce d'un ciel si bas ou par humilité ? On devine à vous entendre qu’un charme passe là-dessus ; une atmosphère de mélancolie propre à certaine plaine, ce genre de plaine avec...
- Oui, c’est ça ! avec ses champs de terre jaune parsemés de toits rouges et que rayent de longues processions de vieux saules, avec un tel élan que de chacun des murs saccagés et branlants nous baiserions la pierre éclatée et meurtrie, avec sa végétation épaisse et pâle et comme gorgée d’eau, avec la mer tout près pour en apprendre à résister sous les tempêtes - et pour dernier terrain vague -, avec ses flots d’ombre et de moire et de vagues rochers que les marées dépassent et qui ont à jamais le cœur à marée basse, avec le vent de l'est, avec mon cœur fervent et fou dans l’air qui luit et dans le vent qui passe, et de noirs clochers comme mâts de cocagne où des diables en pierre décrochent les nuages, avec sa foi armée, avec le fil des jours pour unique voyage, avec le vent d'ouest, avec ses bras vermeils de l’un à l’autre bout des horizons, avec leurs paumes d’or, avec leurs poings de glace, avec un ciel si gris, avec son deuil et son effroi et sa bise sournoise et son gel volontaire et qu'il faut lui pardonner, avec en son cœur morne une vie qui cesse de bondir au-delà de la vie, avec ses lèvres d’or frôlant le sol des plaines, avec le vent, avec folie le vent du nord qui vient s'écarteler, avec un peuple de sirènes à bord, avec ma main qui longtemps s’abandonne à la douceur de se sentir sur tes genoux, avec mon être entier, avec...
- Ça devrait suffire à orienter notre barque. Revenons un peu à la « brillante idée » que vous évoquiez tantôt : d’où a-t-elle jailli ?
- Évidemment d’un paysage hollandais presque mystique, que la photo est impuissante à rendre.
- Diable ! et à quelle époque situez-vous ça ? Était-ce quand...
- Quand les fils de novembre nous reviennent en mai, quand la plaine est fumante et tremble sous juillet, quand elle paraît sur les plaines désertes, quand le vent est au rire, quand le vent est au blé, quand le vent est au sud…
- Votre voix porte, dites donc ! Ah oui, j’allais oublier : je l’ai retrouvée, la photo. Voyez, c'est Frida la Blonde. Vous souvenez-vous de la chanson d’alors ?
- Je peux essayer…

Cette exquise mine est-ce
L'éclat de ta jeunesse
Vois les clichés jaunis
D'autant tu rajeunis

Comment ne vieillit-on
Pas en photomaton
À rebours une image
Revisite ton âge

Avant à nouveau n'être
L'apparition c'est naître
Suspension cernée en t'
Arrachant du néant

Là dort un sel captif
Des grains de négatif
Ta moue instantanée
Mille encore une année...

- Nous y voilà ! Entre mille, l'obturateur fut déclenché à la seconde où on vous a pris en défaut...
- En défaut ? !
- Oui, l'instant révélateur d’un espoir secret : que Frida la Blonde devînt Margot ! »

(1) Tassili in « La vie en rousse »

Sablier retourné à l'aide d'Émile Verhaeren, de Jacques Brel et de la signature illisible au bas d'une carte postale de 1900.

Sablier politique fiction

« Notez, je vous prie, que j’aurais résisté longtemps avant de finalement céder sur un malheureux coup de tête hier soir dimanche, aux alentours de minuit » (1). C’est le cri qu’a lancé à l’adresse des journalistes le président, menotté et embarqué en fourgon cellulaire depuis la cour de l’Élysée.

Le Monde, quotidien vespéral sorti des rotatives ce lundi et daté de mardi, se perd en conjectures : on décortique Machiavel, on glose d’après Dalloz, on invoque le Verbe (au nom duquel, rappelons-le, le prince déchu voulut disqualifier laïcité et loi de 1905). Combien de temps le supposé suprême garant des lois aurait-il résisté avant d’antidater ses documents administratifs d’électeur municipal, à supposer qu’il fût un honnête homme ? Quel profit ses avocats auraient-il à tirer d’une déclaration jouant de la confusion entre futur antérieur et conditionnel passé ? On l’aura cru… nous aurait-il menti ? On aura travaillé plus… gagnerait-on moins ? Mais l’imposture démasquée, une liesse populaire bon enfant se délecte à l'avance du joli mai prochain où auront triomphé le bien commun et la vertu républicaine.

Ultime inquiétude, si la résistance du président fut conditionnelle, il semblerait qu'une invective - à l'impératif cette fois - ait accompagné le coup de tête : « Casse-toi, etc. »... On n'ose imaginer qu'il s'agisse d'un coup de tête concret au collaborateur soupçonné d'avoir rancardé Le Canard enchaîné, hebdomadaire satirique paraissant le mercredi ? Affaire à suivre…

(1) Colin Ducasse

Sablier boulet

et puis un jour on ose relever la tête (1)
alors renaître
enfin pour moi cela s'est comme ça traduit
mûrit un fruit
j'ai d'abord arpenté en contemplant la vie
marche ravie
non plus au sol courbée et traînant mon boulet
encombrant laid
mais droite et regardant droit dans les yeux les autres
nous argonautes
la ligne d'horizon de fuite et de salut
libre me plut

(1) libre adaptation d'un billet de Traou

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