DÉDICACE JOYEUSE, QUATRE ANS APRÈS AVOIR « PEINT » CE PAYSAGE :
AUX ÉLÈVES DE QUATRIÈME 3, COLLÈGE PAUL VERLAINE !

Je vois le jaune d’or des pissenlits, merveilleux pissenlits maudits des jardiniers.

Je sais comment s’appellent les pissenlits, c’est déjà ça.

Je remarque qu’il sont pétris de qualités durables : immédiate splendeur de la fleur jaune d’or, prochaine danse d’aigrettes escamotées au vent, comestibilité de salade ce midi, de miel à l’automne (il y a une ruche au bout du Jardingue), de racine tôt ou tard.

Je souligne qu’à tous ces titres, les pissenlits méritent considération, réhabilitation.

J’ignore au Jardingue le nom de la plupart des autres plantes.

Je pense aux pissenlits au point d’oublier qu’un portrait de jardin devrait s’occuper de ce qu’il y a entre les pissenlits : la mare, les arbres, la butte, le potager.

Je suis sûr que des savants et poètes comme Alphonse Allais (inventeur du café lyophilisé) ou Charles Cros (de la photo couleur) auraient très sérieusement su mettre au point une formule de fromage à base de lait fermenté de pissenlit, ou alors le procédé d’impression pissenlitrichromique à partir du jaune de pétale, du bleu de tige et du rouge de racine.

Je me demande, relevant la tête du tapis de pissenlits (s’il fallait inventer le mot tapissenlit, ça se ferait ici), ce que deviendra le Jardingue dans 10, 20 30 ans, ce qu’il en restera dans 100, 200, 300 années, siècles, millénaires… car il devra en subsister quelque chose infime.

Je parie les pires calamités à quoi cependant survivront quelques graines et insectes, bouts d’ADN végétal et animal, mémoire de pissenlits et d'abeilles, riens de vie avant de nouvelles ères de sauvagerie et de sagesse.

Je refuse la disparition des musiques du vent, de la grive, de la cloche lointaine, du volet roulant, du bourdon intitulé rumeur de la ville, au cœur de quoi des pissenlits jaune d'or.

Je vois ça.