Le blogue de Robert Rapilly

Tripoteuse de style

1 - V.O.

La tripoteuse de tête est rentrée de vacances. On se revoit donc, dans le moelleux de son cabinet. Tout est doux chez elle, les tapis, le fauteuil, son sourire, ses yeux. Pas sa voix. Elle a le phrasé râpeux. Toujours au bord de la quinte de toux.

2 - Contrepèteries

La tripe t'ose de traite enterrée : que d'avances ! On veut ce roi donc, dans le loué meuh de son bac inné. Tout est chou des ailes : l’œuf, ta pile et Auteuil, Cicéron, roues essieux, vape à soie... Et là l’heureux Zappa frais. Tout court, aux torts de la junte debout.

3 - Assonances

La tricoteuse de crêtes est ancrée de latences. On se reboit donc, dans le milieu de son satiné. Tout est flou chez elle, les tamis, l’écureuil, son soupir, ses vieux. Pas sa noix. Elle l’a écrasée : affreux. Toujours au port de la pinte, debout.

La transporteuse de bêtes est enflée des bacchantes. On se reploie donc, dans le moyeu de son barillet. Tout est mou chez elle, les taxis, le faux deuil, son sabir, l’essieu. Pas sa poix. Elle a le français aphteux. Toujours au fort de l’absinthe de boue.

L’asticoteuse de prêtres fait en vrai des avances. On se reçoit donc, dans le soyeux de son praliné. Tout est goût chez elle, les papys, le bourgueil, son saphir, ses dieux. Pas sa foi. Elle a les Ave baveux. Toujours au chlore, de la crainte de poux.

4 - Mots mélangés

La tripoteuse de toux est rentrée de tapis. On est donc dans le moelleux de son phrasé. Tout se revoit râpeux chez elle, les vacances, le bord, sa quinte, ses yeux. Pas son sourire. Elle a le cabinet doux. Toujours au fauteuil de la voix de tête.

5 - En vers & contre toux

Tripoteuse de tête, interromps tes vacances !
Trop j’aspire au moelleux de ton cabinet doux.
La laine des tapis, le fauteuil, les fragrances,
ton sourire et tes yeux envoûtent mes dégoûts.

De l’Eden en enfers me charrieront des transes...
Que tantôt m’épouvante un éclair dont les coups
résonnent dans ta voix ! Qu’hoquètent tes séquences
grumeleuses au bord de la quinte de toux !

Lipogrammes

Oups, ça fait bizarre, non ? Avant, il me parlait de mon succès assuré en amour, de mon impatience coupable au travail, de mes relations sociales asymétriques et là, une citation sur les gens qui se croyaient indispensables.

Hep, ce semble excentré, yes ? Elle me révèle ce précédent : règne de tendresse, je régente les sens ; certes, elle répète mes empressements délétères & dépense d’ergs, mes entregents de jet-set en S.D.F.… et me jette brève sentence : tels mecs se rêvent l’essence et le sel de cette Terre.

Glups, ça fait original, oui ? Avant, il m’octroyait un sûr profit d’amours, un prurit fautif au turbin, plus un aplomb social impair... puis, là, il cita un dicton d'un public s’y croyant primordial.

7 coups de blues

Lundi, je fus pris d’un grand coup de blues. Alors je suis allé faire un tour du côté de mes balades adolescentes.

Mardi, je fus touché d’un grave accès de bourdon. Après quoi je me suis absenté, en excursion non loin de mes flâneries juvéniles.

Mercredi, je fus gagné d’une éminente attaque de cafard. Subséquemment, je suis parti en pèlerinage dans le coin de mes promenades originelles.

Jeudi, je fus saisi d’une ample bouffée d’hypocondrie. Ensuite, je me suis esquivé pour une marche suivant mes périples d'antan.

Vendredi, je fus frappé d’une haute crise de mélancolie. Or donc, j'ai filé en tournée après mes randonnées enfantines.

Samedi, je fus troublé d’un sérieux souffle de nostalgie. Par conséquent, je me suis éclipsé en virée dans le sillon de mes courses initiales.

Dimanche, je fus envahi d’une tragique vapeur de spleen. Aussi ai-je disparu dans la trace de mes fugues primitives.



Anagrammes successives (sauf accents) de « lundi je fus pris d’un grand coup de blues », de « alors je suis allé faire un tour » et de « du côté de mes balades adolescentes » :

Jubé, fucus, pudding nullard... dépression !
Son fléau joueur tressaillira
dédoublement : soldat cassé, aède clos.



« Lundi, je fus pris d’un grand coup de blues. Alors je suis allé faire un tour du côté de mes balades adolescentes ». Les mêmes mots rangés en vers hexasyllabes :

Allé fus-je d’un coup ?
Pris-je un tour de côté ?
Suis mes adolescentes
balades de lundi !
Faire alors du grand blues...

Des cheveux tombent des balcons

Et si - je me disais l’autre jour après avoir entendu une programmation musicale appropriée - et si la femme des yeux revolver (Marc Lavoine) et la femme libérée (Cookie Dinger) étaient une seule et même personne ? Je me rends compte que ça coïnciderait avec la Jardinière.

Libérée oui, revolver braqué sur les canons de la prosodie, et qui chante sans façons :

Jardin des Plantes souffle rap
petits oiseaux aux graminées
coup de patte de gros minet
le vent les arrache par grappes

À l’aune de la Jardinière, la poésie se vit, se sent, se voit, se compare, se dit très bien dans le mot générique. Zéro fioriture, une rafale et n'en parlons plus. Posons la sensation d’éponge qu’on presse dans la gorge lorsque l’enfant s’embarque pour Québec :

ce transport en commun
d’elle et moi souvenir
quelque jour revienne un
tramway nommé désir

Dès le lendemain, son vivace entendement - qui ne pleurniche jamais - emploiera bouger et non frémir, vaciller, osciller, tanguer ou frissonner quand, filtrant l’aube fenêtre entr’ouverte, bougera le rideau de la chambre, rythme inégal d’une respiration fantomatique. Et qu'elle lise « filtrant l’aube fenêtre entr’ouverte, bougera le rideau de la chambre, rythme inégal d’une respiration fantomatique », elle m'en flinguera aussitôt le style :
- Il n'y a pas de fantôme après le rideau qui bouge. Tu écris ampoulé, Bbt.
- Pas ampoulé, sous la contrainte.
- Voilà le mot : contraint !

L'œil vise juste. À deux pas de là, elle fera tomber et non pleuvoir, onduler, planer ou choir le fer forgé de la rue des Écoles à Paris, ligne de mire avec « comme des cheveux qui tombent des balcons ».

Allez-y voir vous-même, si vous ne voulez pas me croire.

Sablier belge

« Je ne sais pas où il est (1), je ne sais pas qui a eu cette brillante idée ni qui a pris la photo, mais si je savais où le trouver, j’y courrais derechef.
- Derechef ? Vous l’avez donc déjà longé, ce canal ! Essayez s’il vous plaît de le décrire.
- Eh bien, d’une phrase, il dort lourd et noir entre deux berges fleuries de renoncules sous un soleil pâle presque toujours voilé de brouillard, et tout autour c’est la monotone et plantureuse campagne.
- Mais le canal perdu, est-ce d'un ciel si bas ou par humilité ? On devine à vous entendre qu’un charme passe là-dessus ; une atmosphère de mélancolie propre à certaine plaine, ce genre de plaine avec...
- Oui, c’est ça ! avec ses champs de terre jaune parsemés de toits rouges et que rayent de longues processions de vieux saules, avec un tel élan que de chacun des murs saccagés et branlants nous baiserions la pierre éclatée et meurtrie, avec sa végétation épaisse et pâle et comme gorgée d’eau, avec la mer tout près pour en apprendre à résister sous les tempêtes - et pour dernier terrain vague -, avec ses flots d’ombre et de moire et de vagues rochers que les marées dépassent et qui ont à jamais le cœur à marée basse, avec le vent de l'est, avec mon cœur fervent et fou dans l’air qui luit et dans le vent qui passe, et de noirs clochers comme mâts de cocagne où des diables en pierre décrochent les nuages, avec sa foi armée, avec le fil des jours pour unique voyage, avec le vent d'ouest, avec ses bras vermeils de l’un à l’autre bout des horizons, avec leurs paumes d’or, avec leurs poings de glace, avec un ciel si gris, avec son deuil et son effroi et sa bise sournoise et son gel volontaire et qu'il faut lui pardonner, avec en son cœur morne une vie qui cesse de bondir au-delà de la vie, avec ses lèvres d’or frôlant le sol des plaines, avec le vent, avec folie le vent du nord qui vient s'écarteler, avec un peuple de sirènes à bord, avec ma main qui longtemps s’abandonne à la douceur de se sentir sur tes genoux, avec mon être entier, avec...
- Ça devrait suffire à orienter notre barque. Revenons un peu à la « brillante idée » que vous évoquiez tantôt : d’où a-t-elle jailli ?
- Évidemment d’un paysage hollandais presque mystique, que la photo est impuissante à rendre.
- Diable ! et à quelle époque situez-vous ça ? Était-ce quand...
- Quand les fils de novembre nous reviennent en mai, quand la plaine est fumante et tremble sous juillet, quand elle paraît sur les plaines désertes, quand le vent est au rire, quand le vent est au blé, quand le vent est au sud…
- Votre voix porte, dites donc ! Ah oui, j’allais oublier : je l’ai retrouvée, la photo. Voyez, c'est Frida la Blonde. Vous souvenez-vous de la chanson d’alors ?
- Je peux essayer…

Cette exquise mine est-ce
L'éclat de ta jeunesse
Vois les clichés jaunis
D'autant tu rajeunis

Comment ne vieillit-on
Pas en photomaton
À rebours une image
Revisite ton âge

Avant à nouveau n'être
L'apparition c'est naître
Suspension cernée en t'
Arrachant du néant

Là dort un sel captif
Des grains de négatif
Ta moue instantanée
Mille encore une année...

- Nous y voilà ! Entre mille, l'obturateur fut déclenché à la seconde où on vous a pris en défaut...
- En défaut ? !
- Oui, l'instant révélateur d’un espoir secret : que Frida la Blonde devînt Margot ! »

(1) Tassili in « La vie en rousse »

Sablier retourné à l'aide d'Émile Verhaeren, de Jacques Brel et de la signature illisible au bas d'une carte postale de 1900.

Sablier politique fiction

« Notez, je vous prie, que j’aurais résisté longtemps avant de finalement céder sur un malheureux coup de tête hier soir dimanche, aux alentours de minuit » (1). C’est le cri qu’a lancé à l’adresse des journalistes le président, menotté et embarqué en fourgon cellulaire depuis la cour de l’Élysée.

Le Monde, quotidien vespéral sorti des rotatives ce lundi et daté de mardi, se perd en conjectures : on décortique Machiavel, on glose d’après Dalloz, on invoque le Verbe (au nom duquel, rappelons-le, le prince déchu voulut disqualifier laïcité et loi de 1905). Combien de temps le supposé suprême garant des lois aurait-il résisté avant d’antidater ses documents administratifs d’électeur municipal, à supposer qu’il fût un honnête homme ? Quel profit ses avocats auraient-il à tirer d’une déclaration jouant de la confusion entre futur antérieur et conditionnel passé ? On l’aura cru… nous aurait-il menti ? On aura travaillé plus… gagnerait-on moins ? Mais l’imposture démasquée, une liesse populaire bon enfant se délecte à l'avance du joli mai prochain où auront triomphé le bien commun et la vertu républicaine.

Ultime inquiétude, si la résistance du président fut conditionnelle, il semblerait qu'une invective - à l'impératif cette fois - ait accompagné le coup de tête : « Casse-toi, etc. »... On n'ose imaginer qu'il s'agisse d'un coup de tête concret au collaborateur soupçonné d'avoir rancardé Le Canard enchaîné, hebdomadaire satirique paraissant le mercredi ? Affaire à suivre…

(1) Colin Ducasse

Sablier boulet

et puis un jour on ose relever la tête (1)
alors renaître
enfin pour moi cela s'est comme ça traduit
mûrit un fruit
j'ai d'abord arpenté en contemplant la vie
marche ravie
non plus au sol courbée et traînant mon boulet
encombrant laid
mais droite et regardant droit dans les yeux les autres
nous argonautes
la ligne d'horizon de fuite et de salut
libre me plut

(1) libre adaptation d'un billet de Traou

Sablier à table

L'humanité se scinde en deux camps bien distincts.
Irrémédiablement d’un baroud lamentable,
la ligne de fracture aux brasiers mal éteints
passe, fronce précise, au milieu de la table
de la salle à manger. On dit : « Ça va chauffer ! »
Réponse tac au tac : « Ce soir le torchon brûle,
prends garde à la géhenne où t’attend Lucifer ! »
Chacun guigne qu’autrui rampe sous sa férule,
et nul ne diluera d’une goutte son vin :
« Buvez jusqu’à la lie une amère rasade ;
que coûte à qui me toise un châtiment divin ! »
La lutte se rehausse en sublime Croisade :
un trébuchet à pain investit un château
et sa douve soupière où joutent, saignant havre,
la carafe de pif contre le pichet d’eau,
la salière jumelle et son moulin à poivre,
le pâté végétal du soixante-huitard
contre le vol-au-vent des cuisines bourgeoises,
horaire des repas et saveur du retard,
la sage économie et laisser des ardoises.
Ô spéculations couteau contre cuiller,
domestique frontière au mitan du porridge !
Entendons du festin sourdre l’écho d’hier
des grains du sablier, hissés jusqu’au vertige
là-haut dans la montagne et l’azur et le ciel...
Cet écho soit maudit de la croûte à la mie :
depuis mère Lucy, parler prend goût de fiel
à juste proportion que s’accroît la famille !

Outre l’amorce - et le titre d'un précédent billet de Kozlika -, ce sablier de printemps d'après Monolecte s’est écrit en intégrant au fur et à mesure de leur parution, le 30 mars 2008 de 20h44 à 23h21, des bribes puisées aux contributions de Brol, Otir, Gilsoub, Dom, Caco, Anita, Samantdi, Élisabeth et Saperli. Merci à eux !

Sablier d'éphémère gnomon

Ça y est enfin.
Je pressens l’événement.
L’occasion a surgi.

Cela fait des semaines que je pense à ce moment.
Semestre refermé, le temps de déclencher se présente.
Trois mois qu’à tout instant, il m’occupa qu’advînt aujourd’hui.

Comme le dit le dicton coréen, « le meilleur moment quand on fait l'amour, c'est quand on monte les escaliers ».
En Extrême-Est, se répète cette sentence : « les degrés de l’échelle, c'est crème des sens de s’en délecter ».
Dicton au Pays du Matin Frais : « gratin du gratin quand on fait l’amour, nul n’a joui autant qu’à gravir un colimaçon ».

Un bordel monstre règne dans et sur mon bureau.
S'emmêlent, enflent, émergent, déferlent - hébergés en mes crédences - des Everest de (j'en recense des cents) textes, news, décrets, référés, dettes, recettes, règlements, lettres de Verne, sélénets de Gef, exégèses de Perec, légendes et serments célèbres... recelés entre crécelle belge, encre d'ébène, règle et mètre, cendres de sèches, denrées - pêches blettes, cèpes, fèves, menthe en gerbe, verres de népenthès et de xérès, chester fermenté, crêpes de Cérès, sel gemme, entremets et desserts -, déesse Déméter en mélèze, Cerbère en grès, flèches de tek et fléchettes en fer, têtes de cerf, renne et fennec, dents de belette, vertèbres de serpent, mèche rebelle, emplettes tels les encens & essences Hermès, vêtements de gentlemen, béret de berger, semelles de crêpe, excédents de semences (des germes de blé, de nèfles et de pensées) et même kleenex et détergent. Bref...
Un boxon sans nom s’accroît sur mon comptoir.

Rien à battre.
Je m’en berne.
J’y suis froid.

(à suivre...)
(next week the end ?)
(la fin nous fait faux bond !)

Chondre
et Bébert :
Ciao boulot !

Sablier piège à filles

Certains soirs, pour faire mon intéressant, il m'est arrivé de monter sur une chaise, de me draper dans un torchon à carreaux et de déclamer une poignée de vers avec des accès de lyrisme proportionnels à mon taux d'alcoolémie (1). Il s'agissait, à condition que les parents fussent partis en week-end, de l'extrait suivant :
« Mon âme est une chimère
Et le lion son papa
Il suit la chèvre sa mère
Je suis roi de la pampa » ;

ou bien, après basket-ball à Denain Voltaire :
« Sisyphe la soulève et range
Opiniâtre on ne peut nier
Mais vain puisque la sphère orange
Toujours retombe du panier » ;

ou encore, ivre de jerk au bal du 14 juillet à Jeumont :
« Tout un art le lancer du disque
Main mise sur palet cerclé
Le show-biz confine au ménisque
Ça tourne pour Eddy Barclay » ;

ou plutôt, à la buvette du Grand Prix de Spa Francorchamps :
« Mon cœur est patiente mule
Sobre et de caractère entier
Quand tournent en rond les Formule
1, mon cœur trace son sentier » ;

et surtout, lundi presque petit matin de Braderie à Wazemmes :
« La marquise Zeugma sortit
À cinq heures et quatre pattes
Allait-elle dans les Carpates
Ou maculer son bel habit ? »

J’escomptais qu’une candidate fiancée écoutât, appâtée par la poésie et, dans l’élan, qu'elle s'éprît et se prît :
- de ma physiognomonie,
- au piège à filles perpétuel de Jacques Dutronc, sablier toujours retourné par une suivante conquête, qui peut attraper seul des mies indéfiniment, et fonctionner même caché sous un torchon à carreaux.

Au bout du compte j’aurai pas mal déclamé ; déchanté aussi.


(1) Le Chieur dixit.

Sablier aux quatrains

L'amorce de Krazy Kitti commune aux sabliers de printemps est ici agencée en quatrain, d'abord l'original puis des variantes dans l'esprit des « Exercices de style » de Queneau :

Vous savez pas la dernière ?
Il paraît que j'ai un blog,
oui, oui, un de ces machins
sur Internet où je raconte ma vie !

Chaque vers anagramme du vers correspondant de l'original :

Va Zouave ! Resplendisse Râ !
Gin jubilatoire plaqua
insouciances où humide
joute victorieuse n’erre, Manant !

Palindrome de syllabes :

Vit matheux, qu’on rage ! Tout naît terrain sûr ?
Un haché meut saindoux, y ouït :
« Au gain blé ! Que geai pare île ! »
Hernie d’air, la Pavée s’avoue.

Lipogramme en a, i, o, u (y est ici considéré comme consonne) :

Entendez l’événement récent :
le Net recèle mes pensées et rêves.
Yes, yes, et ce genre de recette
révèle mes éphémères légendes et exégèses !

Lipogramme en e :

Voudrais-tu un scoop tout frais ?
Paraît-il, j’ai un blog,
oui, oui, un journal à moi
sur microcircuits communiquant au loin !

Ch'ti (pas vu le film, mais je connais la musique) :

Teu sais quôi ?
Paraîtrot qu'j'auros min bleugue.
Ouaille, un d'ches bazers
où qu'te causes ed' tout qu'est-ce qui t'arrife !

Rimbaldien :

Le vent chargé de bruits colporte la dernière
Rumeur : moi l’autre hiver sourd et lourd pis que plots,
J’entends la mer allée, et danse sur les flots
De l’onde électronique, et baigne en sa lumière !

Dialogue (les mêmes mots dans un autre ordre) :

Blog de machins ? J’ai !
Un ? Que oui, un !
Savez-vous ma dernière vie ? Oui, je ! (il la raconte)
Internet paraît où ? Sur ces pas...

Haïku (quatrain quand même, dont un vers vide) :

Clavier aux dents plates
L’écran rumine ma vie

Ça mugit chez vous

Graziella revisitée

Il est trois heures du matin, je n'arrive pas à dormir. J'entends le bruit de la mer, des vagues qui s'écrasent contre la falaise en soupirant, en rongeant de leurs larmes les pierres insensibles (1). Les paupières de Graziella s'entrouvrent et j'y devine une promesse.

Cette nuit est une des rares où l’ennui aura épargné l’humble cabane depuis que le pêcheur l’a ancrée au rocher, et sans doute jusqu’au jour où elle menacera ruine. Nous nous accordons aux coups de vent dans les oliviers, râles et bruit des lames sur la côte, pubescences nacrées aux lueurs rasantes de la lune sur la terrasse. Tout à l’écart que je me tienne d’une croyance en des forces occultes aux mains de Priape, je me félicite de la concordance entre les éléments déchaînés et les appétits sensuels de Graziella. Me lasserai-je jamais d'adorer ses yeux mi-clos comme un cristal trouble, sa peau foncée et tigrée d'écume comme si la cadence partagée des vagues et de nos baisers la forçait à transpirer de vitesse et d’épuisement ?

Furieux, le vent et la mer mugissent toujours. J’y observe une correspondance à l’échelle du lit défait : un mascaret d’étreintes accumulées à la lisière du drap s'étale, encore plus tourmenté qu’au crépuscule. Bientôt, de l’horizon à notre couche, toute la côte de Cumes se noiera dans un flux et un reflux de brume flasque et lumineuse.

À la lune pleine, on n'aperçoit aucune voile sur le golfe de Gaète ni sur celui de Baia. Demain encore, les hirondelles de mer fouetteront l'écume de leurs ailes blanches. Mauvais signe selon les pêcheurs. Se répandra au village une rumeur maudite d’oiseaux qui crient de joie au-dessus des naufrages, présage d’une tempête sans fin au seul profit d’habitants maudits de la Baie des Trépassés qui attendent leur proie des navires en perdition.

Indifférent à la légende, je n’éprouve que la joie sans fard d'être tenu emprisonné par le gros temps dans la maison, dans la vigne du batelier et - je me plais à penser des zeugmes inavouables - dans les recoins où Graziella s’applique à m’accueillir. Tombe sur nous le ciel, pourvu que nous jouissions ! Du moins cela me donne-t-il tout loisir de savourer la seule richesse de cette pauvre famille : Graziella, à laquelle je m’agrippe comme le fauve à la gazelle.

Que le vent et la grosse mer nous retiennent ici ! Nous désirons, moi surtout, que la tempête ne finisse jamais et qu'une nécessité involontaire et fatale nous fasse passer des années où nous nous trouverions si captifs et si heureux. Rien d’uniforme en nos journées à quêter les sensations. Rien qui ne prouve mieux combien peu de chose suffit au bonheur quand les corps sont jeunes et jouissent de tout. C’est ainsi que les aliments les plus simples soutiennent et renouvellent la vie quand l’appétit les assaisonne et les organes sont neufs et sains...


(1) amorce de Zoridae

Sablier tibétain & sibyllin

1 mot sur 2 provient de l'amorce de Matoo au sablier de printemps chez Kozlika.
« Il faut que je vous raconte (...) » se transforme en « S'il le faut, plus que jamais je parlerai. Vous demandez : raconte-moi (...) »


S'il le faut, plus que jamais je parlerai.

Vous demandez : raconte-moi ? C’en est impérieux ? Une entomologie drôle réduirait d’emblée histoire naturelle en brouillon fait fissa. Une autre histoire - rapportée de Charles Brosses - attribue à Buffon « dents de dingue moustique en dégénérescence » ! Fait avéré, tout jardin a mal commencé, poussé alors hybride...

Que contrariée j’évoluerai ! Étais-je chez J-B Poquelin ? Toute Elvire, la même semaine pleurant dernière humiliation (Nous vous avions aimé, bien que senti turpide / Que vienne quelque oubli, chose qui se décide !) tramait aussitôt dans Palerme la revanche. Salle funéraire de Commandeur, bain brumeux et caveau, puis spectre… il lui fallait éclore, se battre, rendre pied à pied l’injure.

« Évidence, fit-il, boycottons-y ! » Diogène avait esquissé des diatribes, signes subversifs avant ces coureurs olympiques qui, mercantiles, ne nous trompent plus. Pas vrai ?


"Palindrome" du précédent : 1 mot sur 2 provient de l'amorce originale, l'ordre d'apparition se faisant cette fois depuis la fin.
Exemple : « (...) signes avant-coureurs qui ne trompent pas » devient « Leurs pas ne trompent personne : ne suivons, qui tonitruent, coureurs en avant-guerre ! Signes annonciateurs (...) »


Leurs pas ne trompent personne : ne suivons, qui tonitruent, coureurs en avant-guerre ! Signes annonciateurs, Des Périers avait satirisé. Y devrait-il réitérer ?

Évidence, Smith l’imiterait : « À Pékin, rendre justice se vendange. Fallait résister, il faudra, puis encore et toujours ! » Bain suffoquant de police, salle insonorisée, la torture dans Lhassa tramait tranquille, se rationalisait.

Chose intarissable : quelque mantra que - ayant senti le Bien - nous avions détecté… Nous psalmodiâmes : « Dernière méditation ! Semaine incantatoire ! La formule toute faite B. Goode chez Berry ! Étais, haubans !… » J’espérais que protester alors aurait commencé. On a crié, tout à fait désarmés : « En joue, Dingue ! Tes dents brillent à minuit ! Brosses-tu de même histoire et une journalistique ? »

Fait divers en cette histoire sempiternelle d’une drôle amertume. Une espérance est annoncée, c’en raconte mille. Vous ai-je dit que nous faut s’il pleut ?

Sablier & clepsydre

Maintenant que l'affaire est médiatisée, que non seulement les sites internet, mais aussi la radio et la télé parlent de l'Affaire, je me sens plus libre d'en parler moi aussi : histoire enfouie hier encore (les blogues amis auraient suffi, à quoi bon les hauts parleurs hertziens ou les tubes cathodiques ?), mais rompons un silence ressassé durant 4 années, couvercle mal vissé sur un moment post-opératoire précis, 5 heures 05 du matin, lorsque j’ai identifié l’évidente et infime ressource qui faisait défaut, bras et jambes ligotés sur un lit de réanimation et cordes vocales comprimées autour d’un tube respiratoire : rien me fallait-il, que ce stylo que j’implorais en mimant l’écriture du bout des doigts, pendant qu’yeux muets et infirmes tentaient quand même de crier et d’agripper quiconque s’était approché : en l’espèce, deux têtes penchées sur le lit, la première coiffée et masquée de toile verte - une jeune femme d’après la voix - qui m’avait mis en garde : « Vous allez voir, si vous continuez de taper sur la barrière du lit ! non mais dites donc où vous croyez-vous ? », la seconde, élève infirmière ou aide-soignante en tenue blanche et à visage découvert, qui avait fini par comprendre : « Il veut un stylo ; (joie ! elle a deviné ; faire oui des paupières…) mais si c’est pour écrire les mêmes insanités que l'autre type tout à l’heure, faut pas compter sur nous », fin des monologues et trotteuse de l’horloge dans le champ de vision et plafond carrelé blanc et toutes choses d'hôpital à quoi j’ajouterai, n’ayant pu m’en défendre sur place, que ma résolution ne fut jamais à proférer des injures, juste noter : « Il y a de l’eau dans mes poumons, j’étouffe », conséquence ordinaire de la condensation et des sécrétions pharyngées, puisque par routine un peu plus tard - 5h20, l'oubli n'effacera pas ça - on est revenu, cette fois actionner le siphon salvateur, clepsydre qui glougloutait, sablier létal interrompu non sans m’avoir livré un plein quart d'heure à l’absolu loisir d'abandonner adieu la lutte.

(1) amorce de Tar Valanion

Sabliers

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