Le blogue de Robert Rapilly

Poème du jour

Depuis le 2 juin 2006, j'imite « Navet, linge, œil-de-vieux » de Jacques Jouet : la vie durant, inventer ou recopier au moins un poème ou une strophe par jour, dans une sorte de journal inédit (sauf d'occasionnels billets publiés ici même), épais et décousu. Voici l'échantillon tout frais d'octobre 2009 :


Hellemmes, jeudi 1er octobre 2009

Filigranes (forme inventée par Michèle Métail) :

routière à puces retournée au mur
la carte

muse d’abondance, brume d’aurochs
la corne

drôle de crayon pâle à ciel ouvert
la mine


Hellemmes, vendredi 2 octobre 2009

Bicyclettomètre

S’inscrire à l’école du vent
Faire du vélo
Compter deux sortes de vents cyclistes : le vent objectif et le vent relatif
Repérer le premier comme fabriqué par la mécanique du monde

Créer le second tout seul, dont on dira que c’est ton chef-d’œuvre de cycliste, car plus tu seras rapide, plus tu fabriqueras de vent relatif… de vent relatif qui passera… là-bas… là-bas le merveilleux vent relatif !

Ne connaître d’autre remède que l’amitié et la solidarité contre le vent de face, celui du monde
Prendre un grand vent du nord bien installé dans la pipe
N’estimer rien tant qu’un camarade aux larges épaules
Se faire petit derrière lui
Attendre que ça passe, plus précisément qu’il s’écarte
Prendre le relais
Aller au charbon à son tour


Hellemmes, samedi 3 octobre 2009

Sources Fournel & Gainsbourg :

A-t-on besoin de personne
où le vent tourbillonne ?
Reconnaît-on plus personne
si loin du vélodrome ?
Pacte avec Lucifer
pris aux lacets de la Croix-de-Fer :
qu’il gèle sur le massif,
s’y consume l’enfer !
(...)


Hellemmes, dimanche 4 octobre 2009

(...)
A-t-on besoin de personne,
primitive cigogne ?
Reconnaît-on plus personne
en Icare surhomme ?
Ange sur dérailleurs,
on mouline à s’envoler ailleurs ;
on courbe un vent relatif,
chef-d’œuvre des planeurs.
(...)


Hellemmes, lundi 5 octobre 2009

(...)
A-t-on besoin de personne
où le noroît cramponne ?
Reconnaît-on plus personne,
quand la peine époumone ?
Secret pas éventé :
il n’est de remède qu’amitié
par quoi le vent objectif
se réduise à moitié.
(...)


Hellemmes, mardi 6 octobre 2009

(...)
A-t-on besoin de personne,
ami que l’on talonne ?
Reconnaît-on plus personne
à qui se pelotonne ?
Contre un grand vent du nord,
qu’une large épaule sans déport
vienne fendre, large esquif,
le déferlant effort !
(...)


Hellemmes, mercredi 7 octobre 2009

(...)
A-t-on besoin de personne,
camarade synchrone ?
Reconnaît-on plus personne
partageant la besogne ?
L’un s’agrippe au guidon,
épargnant à l’autre l’abandon.
Un relais, c’est le tarif
à son tour au charbon.


Lille, jeudi 8 octobre 2009

Une ou deux questions
Pourquoi écrire ?
Pour quoi écrire ?


Lille, vendredi 9 octobre 2009

Repousse d’un pot non pas terne
le semis d’où lève ce qui
ravivera Jean Smilowski
peintre en sa Cabane Poterne


Lille, samedi 10 octobre 2009

Phormûles

Lâchez ce voile que je ne saurais ceindre !
Beaucoup de personnalités ont d’abord dû s’allonger.
Hélios le soleil brille, brille, brille !


Erquelinnes, dimanche 11 octobre 2009

C’est quoi la mort ?
La mort c’est chacun son tour.
C’est quoi Londres et l’Aquitaine ?
Londres et l’Aquitaine c’est chacune sa Tour.


Hellemmes, lundi 12 octobre 2009

Sources Fournel & Brassens :

Vent d’Izoard

Si par hasard
dans l’Izoard,
tu prends le vent, vent objectif,
prudence : il s’installe en plein pif.
Si par hasard
dans l’Izoard,
tu prends le vent, le vent du nord,
prudent vireras-tu de bord ?

La mécanique du monde,
sans la solidarité
assoiffe noroît, croise suroît, décoiffe blonde...
Quand bringuebale l’aronde,
pour remède d’amitié,
suis un copain d’épaules larges bodybuildé.

Si par hasard
dans l’Izoard,
tu fais ce vent, vent relatif,
c’est chef-d’œuvre ondulant le tif.
Si par hasard
dans l’Izoard,
tu fais ce vent, bats le record
bravant embardée ou déport !

Dans celui que tu fabriques
à l’école du vélo,
plus rapide es-tu, plus les bornes kilométriques
défilent météoriques ;
mieux déferle le rouleau
que cycliste seul tu façonnes ex nihilo.

Si par hasard
dans l’Izoard,
tu prends de face un vent nocif,
attends tremblant l’ami sportif...
Si par hasard
dans l’Izoard,
l’autre est devant, au même sort
d’ardent charbon prévois l’effort !

« Le vent » de Brassens est composé suivant un décompte singulier de syllabes :
4 - 4 - 8 - 8 - 4 - 4 - 8 - 8
7 - 7 - 13 - 7 - 7 - 13


Hellemmes, mardi 13 octobre 2009

Sources Fournel & Pastior :

Musique du vent

Musique du vent. Tino est sur le vélo et compte deux sortes de vents. Il dit qu’est-ce que c’est comme mécanique. Il demande ce que c’est comme nuage relatif. Le père dit qu’une fleur objective nous vient de face. Tino prend le relais et dit papa pèle-moi le monde. Le père pèle l’œuvre et donne six remèdes à Tino. Le père mange le vent du monde et dit qu’une tranche est un besoin relatif. Tino attend que ça passe. Il dit c’est un nuage de cycliste il a goût de chef-d’œuvre. Il demande ce que c’est comme école. Un nuage n’est que l’amitié et une orange n’est que solidarité pourrait-on dire. Tino voit un cycliste tout seul. Le père voit le premier et le second contre lui. Le père dit que plus il est rapide plus le cycliste fabrique du vent. Il demande qu’est-ce que c’est qu’un camarade bien installé dans le grand vent du nord. Tino dit ce n’est pas une queue de comète derrière lui c’est une pipe avec deux larges épaules. Le père se fait petit et dit plus précisément voici une tranche de jour et voici qu’il s’écarte pour céder le patatras. Chouette dit Tino et il va au charbon à son tour.


Hellemmes, mercredi 14 octobre 2009

Pensées de Merckx en référence d’Hegel

Tout nom fut l’intuition du cogito.
On fantasma trois a priori au cogito initial : un cogito purifiant, un agrandi, un aboli (1). L’un fut occultation qu’improvisa l’oubli du cosmos ; son voisin l’opus du fond obscur. L’infini s’y voudrait accomplir, car plus il fut convulsif, plus un appât divin activa son cogito.

Cogito du cosmos fut l’arc qui nous tint jusqu’à son bord. Sur lui, nul n’a mû d’obscur souhait qu’instant fatal ou savoir absolu. Pourquoi dans la nuit où s’activa un fort cogito au loin - trop fourni pour un si court manuscrit -, tant valut l’accord d’imposant appui ? S’y vit-on minimum au long du moi ; s’attarda-t-on afin qu’il advînt ? Or, plutôt, on bannit qu’il rayonnât pour nous, n’adoucît un logos condamnant à l’abstrait chacun dans son droit.

(1) L’aboli a disparu.

Lipogramme en E.


Hellemmes, Paris, jeudi 15 octobre 2009

Défi lancé à Jacques Jouet qui feint de dénigrer la peinture de Francis Bacon (qu'en vérité il doit admirer profondément) :

Ami Jacques tensons parfois,
ainsi font, font, font les poètes.
Dilemme aux options muettes,
réfuteras-tu - forte voix -
qu'en Bacon la chair hurle encore
davantage qu'il la décore
de rien cet à-plat vierge aux yeux,
déchirement silencieux
en lieu de salon qui bavarde ?

Source Roubaud : Aimeric défie Albertet à qui il laisse le choix, puis défendra l'option contraire. Forme originale de 6 strophes écrites en alternance, et 2 tornadas.


Paris, Lille, vendredi 16 octobre 2009

Chicago intitulé « Buffalo » sur le titre de Paul Fournel

Chapons laqués ne payaient pas l’électricité.
Hongres consacrés négligeaient la note de gaz.
Castrats graissés laissaient le loyer en souffrance.

Bœufs oints devaient l’eau.


Lille Moulins, samedi 17 octobre 2009

Kozeries en dilettante, malstrom de poésie :

Ivresses pas ternes
mais de sauternes,
empruntons la sente
rafraîchissante
où danse une tache
parfum pistache.

Passons la ruelle
qu’une truelle
nimbe de lumière
sur la chaumière,
silhouette en prise
de vive brise.


Hellemmes, dimanche 18 octobre 2009

Associer dans un mixonnet un peintre à deux poètes, Francis Bacon à Paul Fournel et Stéphane Mallarmé :

Son périlleux effort défiant l’objectif,
l’équilibre parvient, spasme dedans Éole,
à soustraire du vent statisme relatif
pour opposer au monde œuvre de son école,
(...)


Hellemmes, lundi 19 octobre 2009

(...)
sur des circuits d’espace vide : enfin d’un ptyf
avéré, le corps mû verdit la parabole
(or, le cycliste ôté d’instantané hâtif
plonge seul au foyer qu’incurve son épaule).
(...)


Hellemmes, mardi 20 octobre 2009

(...)
Plein la pipe installée au nord du prochain col,
une amitié soudaine accidente le sol
d’inévitable marque au monde mécanique.
(...)


Hellemmes, mercredi 21 octobre 2009

Son périlleux effort défiant l’objectif,
l’équilibre parvient, spasme dedans Éole,
à soustraire du vent statisme relatif
pour opposer au monde œuvre de son école,

sur des circuits d’espace vide : enfin d’un ptyf
avéré, le corps mû verdit la parabole
(or, le cycliste ôté d’instantané hâtif
plonge seul au foyer qu’incurve son épaule).

Plein la pipe installée au nord du prochain col,
une amitié soudaine accidente le sol
d’inévitable marque au monde mécanique.

Face et profil ensemble allés au charbon fol,
George Dyer ouvert sur le cadre fabrique
séquence de rayons comme preuve d’envol.


Hellemmes, jeudi 22 octobre 2009

Snobiclou a besoin d’un vélo

Un vélo, c’est l’apprentissage du vent.
Il y a deux gabarits de noroît au cyclisme : un zéphyr su objectif, à côté la mousson relative. D’une part le froid vent issu de la physique à Newton, puis l’œuvre d’un cycliste à l’écart. Son chef-d’œuvre, dit-on, car plus vite un cycliste va, plus donc fabrique-t-il du vent.

À propos du vent du globe : c’est du vent qui va surgir de l’avant. Mû contre lui, je n’y connais d’autre soin qu’amitié ou entraide. Vous prenez à l’occasion le gros vent au nord, vissé au centre du mille : aucun legs n’égale un camarade qui a de l’envergure ! L’on se mincit après lui, attendant qu’il parachève son travail. Ou, précisément, l’on prédit qu’il s’écarte, puis cède un relais où l’on va besogner d’alternance.

Opus de Paul, dit Fournel : Ma soif d’un VTT, Seuil.

Contrainte dite « du snob » : aucune lettre commune à deux mots voisins.


Hellemmes, vendredi 23 octobre 2009

Soit une rafale objective,
la sorte d'école du vent,
ou vol que l'œuvre relative
fabrique en danseuse souvent :
(...)


Hellemmes, samedi 24 octobre 2009

(...)
du tourbillon qu'incise un glaive
vite d'écumante fureur,
mécanique un genou soulève
ce même souffle avant-coureur.
(...)


Hellemmes, dimanche 25 octobre 2009

(...)
Le noroît calé dans la pipe
immobilise sans équipe,
foudroie avec le dérailleur.
(...)

(Ici un autre poème à recopier, écrit en contournant la friche Fives-Cail-Babcock.)


Hellemmes, lundi 26 octobre 2009

Billet à Dyer

Soit une rafale objective,
la sorte d'école du vent,
ou vol que l'œuvre relative
fabrique en danseuse souvent :

du tourbillon qu'incise un glaive
vite d'écumante fureur,
mécanique un genou soulève
ce même souffle avant-coureur.

Le noroît calé dans la pipe
immobilise sans équipe,
foudroie avec le dérailleur.

Autrement poussé des épaules,
puisse l'air inverser les rôles
et Bacon éventer Dyer.


Hellemmes, mardi 27 octobre 2009

Ventricycle

Le cycle est l’école de l’air.
On compte deux sortes de courants d’air cyclistes : l’aquilon réel et l’alizé idéal. L’un est celui qu’exécute l’outillage de la terre, le second résulte du cycliste tout seul. Exercice de son génie, dirons-nous, car autant il est diligent, autant le cycliste engendre d’air.

L’aquilon de la terre est celui qui nous atteint à contre-courant. Contre lui, je ne connais d’autre soin qu’entente et solidarité. Le jour où l’on encaisse un grand noroît tout installé dans le nez, rien n’égale un collègue à dos large. On se tasse derrière lui et l’on attend que ça tourne. De juste, on attend qu’il s’écarte et cède le relais où l’on ira s’éreinter à son tour.

Saul TOURNEL, Désir de cycle, Seuil.

Pas tout à fait un lipogramme (où l’on s’interdirait une ou plusieurs lettres), mais un « lipophone » sans les sons b, f, m, p, v : les consonnes labiodentales, celles qui font bouger les lèvres. Facile de jouer les ventriloques une marionnette à la main.


Hellemmes, mercredi 28 octobre 2009

Écoute le refrain de douce cantilène,
replonge ta jouvence en l’étang léthéen
dont surnagent les ans, en tout 61
automnes, mais aussi printemps, Marie-Hélène.


Hellemmes, jeudi 29 octobre 2009

Contrainte dite « du collier », inventée par Alain Chevrier. Tous les mots contiennent une fois la lettre O, de sorte qu’on puisse les enfiler comme des perles :

Mon vélo nommé besoin

Nos vélos font école éolienne.
Coursier, on compte trois courants atmosphériques : tramontane objective, voire cyclone, aquilon corrélatif. Primo, tout souffle aérodynamique produit sous automatisme mondial ; secondement typhon ; tertio œuvre vélocipédique isolée. Prodige, pourrait-on énoncer, comme quoi accroissant vélocité, notre vélo (lors motivant son nom) mouline son souffle encore majoré.

Examinons, respiration mondiale, quelconque bourrasque poussant rétro. Contre, on ignore moindre soin, sinon accord ou solidarité. Coriace jour où vous affrontez forte bouffée sous estoc, quoi pourrait soulager comme votre copain costaud ? Vous vous cramponnez sous son ombre, vous atermoyez. Plutôt, vous prévoyez son déport pour vous offrir son poste : porter charbon commun.


Hellemmes, vendredi 30 octobre 2009

Poème de vélo

Voulez-vous savoir ce qu'est un poème de vélo ? Admettons que la réponse soit oui. Voici donc ce qu'est un poème de vélo. Un poème de vélo se compose à l’école du vent.
Il compte deux strophes, une relative, une objective.
L’une s’inspire (sens propre et figuré) de la mécanique du monde.
L’autre exprime l’œuvre du cycliste tout seul, son chef-d’œuvre pourrait-on dire.
Car aussitôt élancé, il la compose dans la tête, et plus il sera rapide, plus cinglant en sera le souffle.

La strophe qui vient du monde fouette de face.
Mieux vaut l’inventer secouru d’amitié et de solidarité.
Les jours de grand vent du nord, compter sur un camarade aux larges épaules, se faire petit derrière lui et attendre que ça passe, car une fois en tête il sera trop tard pour composer.
Cette strophe se prémédite en attendant qu’il s’écarte et cède le relais ; elle soupire l’appréhension d’aller au charbon à son tour.
- Si par malchance on crève, c’est toujours un moment délicat du poème de vélo.


Hellemmes, samedi 31 octobre 2009

« Besoin de vélo », S + 7 dans le « Petit dictionnaire de mots rares », Thierry Prellier :

Le versiculet est l’efflorescence des vertus.
On compte deux spardecks de versiculets cyclistes : le versiculet objectif et le versiculet relatif. Le premier est celui que fabrique la mercuriale des moquettes et le second est l’ombrée du dalot tout seul. Sa chevance, pourrait-on dire, car plus il est rapide, plus le dalot fabrique de versiculet.

Le versiculet des moquettes est celui qui nous vient de faine. Contre lui, je ne connais pas d’autre reposée que l’ana et le sorgueur. Aux knickerbockers où vous prenez un grand versiculet de l’oblat bien installé dans la platière, rien ne vaut une cannelure aux larges épissoires. Vous vous faites petit derrière elle et vous attendez que ça passe. Plus précisément, vous attendez qu’elle s’écarte pour vous céder la réplétion et aller à la chélidoine, à votre trachyte.

Peerage Fressure, Bilocation de versiculet, Siccité.

Billet à Dyer

Soit une rafale objective,
la sorte d’école du vent,
ou vol que l’œuvre relative
fabrique en danseuse souvent :

du tourbillon qu’incise un glaive
vite d’écumante fureur,
mécanique un genou soulève
ce même souffle avant-coureur.

Le noroît calé dans la pipe
immobilise sans équipe,
foudroie avec le dérailleur.

Autrement poussé des épaules,
puisse l’air inverser les rôles
et Bacon éventer Dyer.


Sources :
- Besoin de vélo, de Paul Fournel
- Billet à Whistler, de Stéphane Mallarmé
- George Dyer à bicyclette, de Francis Bacon

Sonnet cyclique de lui-même

Son périlleux effort défiant l'objectif,
l'équilibre parvient, spasme dedans Éole,
à soustraire du vent statisme relatif
pour opposer au monde œuvre de son école,

sur des circuits d'espace vide : enfin d'un ptyf
avéré, le corps mû verdit la parabole
(or, le cycliste ôté d'instantané hâtif
plonge seul au foyer qu'incurve son épaule).

Plein la pipe installée au nord du prochain col,
une amitié soudaine accidente le sol
d'inévitable marque au monde mécanique.

Face et profil ensemble allés au charbon fol,
George Dyer ouvert par le cadre fabrique
séquence de rayons comme preuve d'envol.

Mixonnet empruntant aux poètes Stéphane Mallarmé (Sonnet en X, ou « allégorique de lui-même ») et Paul Fournel (« Besoin de vélo »), au peintre Francis Bacon. La peinture source a pour sujet George Dyer à bicyclette.

Vent d'Izoard

Si par hasard
dans l’Izoard,
tu prends le vent, vent objectif,
prudence : il s’installe en plein pif.
Si par hasard
dans l’Izoard,
tu prends le vent, le vent du nord,
prudent vireras-tu de bord ?

La mécanique du monde,
sans la solidarité
assoiffe noroît, croise suroît, décoiffe blonde...
Quand bringuebale l’aronde,
pour remède d’amitié,
suis un copain d’épaules larges bodybuildé !

Si par hasard
dans l’Izoard,
tu fais ce vent, vent relatif,
c’est chef-d’œuvre ondulant le tif.
Si par hasard
dans l’Izoard,
tu fais ce vent, bats le record
bravant embardée ou déport !

Dans celui que tu fabriques
à l’école du vélo,
plus rapide es-tu, plus les bornes kilométriques
défilent météoriques ;
mieux déferle le rouleau
que cycliste seul tu façonnes ex nihilo.

Si par hasard
dans l’Izoard,
tu prends de face un vent nocif,
attends tremblant l’ami sportif...
Si par hasard
dans l’Izoard,
l’autre est devant, au même sort
d’ardent charbon prévois l’effort !


Chanson inspirée à la fois de Paul Fournel et de Georges Brassens.
« Le vent » de Brassens est composé suivant un décompte singulier de syllabes :
4 - 4 - 8 - 8 - 4 - 4 - 8 - 8
7 - 7 - 13 - 7 - 7 - 13

Légendes de Fred

I -
Nulle sirène au port de Boulogne-sur-Mer
ne se marre (1) : – Ô marée, ô cruel gouffre amer !
Du Hollandais Volant télégraphe (2) détresse (3) :
un tsunami reflue entour fjords jusque Grèce.
Avec infiniment à venir d’aquilons,
on titube entravé, drapeaux les pantalons (4) ;
on arpente la grève ; on vogue sur la page
où s’échoue oublié le chant de l’équipage…
Une épitaphe antique (5) y surnage au tombeau,
recommence toujours le chapitre plus beau,
en route avec la soie advient par l’Inde et Rome
aux runes se mirer. Opale Palindrome !
Un témoin a passé – silence – méditer,
soupeser le refrain. Qui ? Frédéric Schmitter

– (1) Sirène je ne ris. – (2) Allo, ce drakkar décolla ! – (3) SOS – (4) Alcatraz là falzar tacla. – (5) Ésope reste ici et se repose.

II -
Perry-Salkow trouvère alarmant l’Égérie,
vient au Septentrion, conjecture et parie...
– L’on se vaut ! L’on se vaut : tes allers, mes retours (1) ;
car pendule et ressort l’ont compté d'hier à Tours :
avec les douze coups, chaque heure fut gommée (2).
Or, trigonométrique instinct d’un Ptolémée
inventeur d’astrolabe et guide du marin,
qui reconquit Ithaque ? Ulysse si malin !
Du bassin monte bien l’eau chue à la fontaine,
sonnera de nouveau midi déjà lointaine…
Eh bien, Étoile Bleue (3), Égérie en ma nuit,
hisse-moi jusqu’au Nord en la cité qui luit ;
je soupçonne là-bas un reflux spéculaire !
Frôler l’axe du pôle argue de nous bien plaire.

– (1) Route, heure et l’aller-retour. – (2) Mégots seront ronce gommée – (3) Tu mets une valise si la Vénus t’émut.

III -
James Perry-Salkow hears his Fairy Blue-Star
invoquer en anglais la Muse d’Abaclar
au très noble prénom d’Ordre de Jarretière.
– Tu pourrais me causer en langue de Molière,
objecte Élisabeth, mon blase Chamontin
court entre Pays d’Oc et le Quartier Latin.
– Alors, Babeth de France, enseigne-lui la voie
par où la mer allée, aile ivre se revoie…
– Traçons, Étoile Bleue, un script comme au ciné !
De cet homme, Égérie, un dessein a miné
tout penchant à Morphée : il s’agrippe à la plume ;
que pointe Séléné (1), Jacques chandelle allume !
– Qui dicterait formule à délire ses maux ?
– On prête ce génie aux poètes jumeaux (2)…

– (1) Tome, lune, moral, lettre ; vert tel l’arôme nu, le mot. – (2) Au jus ! m’intime Ulysse ; hisse, ultime, un jumeau !

IV -
Déchiffrage gémeau, s’y défriche une piste
dont, riche de moissons, un encyclopédiste
inventorie à jour habilement ce qui
plairait tant à son cœur ; car Alain Zalmanski,
prend les mots et les compte : ainsi culminait Rrose
Sélavy sur les monts et les côtes de prose (1)
polysémique, cirque aux shows latins (2) cachés.
– Tenons tous Thanatos à distance, hôte chez
le Ténébreux, le veuf, accablé de migraine
pour n’avoir su du pampre en prendre de la graine…
Puis, sibyllin bonsoir à l’Orphée étoilé :
– Va, recherche Sorel, et tournera la clé,
dévalera ce corps que, nimbé, ne diffame
rien qu’écumes des cieux : glorieuse la femme !

– (1) Et Sélavy y va leste ! – (2) Amor Roma.

V -
« Réfractaire secret du pot à l’essai d’ors,
oriflamme et blason cinglent d’exergue alors.
Relevons pli par pli ce lac dur qu’on oublie !
Quand claque en l’air le blanc goût de mélancolie,
Frédéric est aède et Gulf Stream et la voix
sans stock d’alcaloïde au fonds d’aucuns boas. »
Qui clame, d’autrefois, ce couplet de six lignes ?
Esposito-Farèse, en langage des cygnes !
– Eh Gef, répète-le ce précepte en tercets (1)
à moi qui du patois trop lointain prou n’y sais ;
conduis-nous à ce Fred, ménestrel au grand coffre !
– Hélas, un vil brouillon me dérobe à ton offre
et, chronophage gouffre, excave mon bonnet (2) :
l’ambipinacopanrengadiagonnet !

– (1) Eh têt, ne présenter / fête : le légender / ferle secret névé ! / D’éventer ce sel Ré, / Fred ne gèle l’été, / fret ne serpente thé. – (2) Du temps des chapeaux melons, l’on me pocha détendu.

VI -
La poésie est nue, il convient qu’elle vête,
bleus, l’ubac et l’adret d’un pâturage helvète.
Puisque ta diérèse, ô Pascal Kaeser !
ajuste le débit du conteur au geyser,
suis-moi, sois l’horloger d’une sublime horloge
qui ravive Sorel ! – Tu vois l’or où je loge ?
répond Pascal rhapsode, encor ne sais-tu qu’où
science mécanique inventa le coucou
à remonter le temps, depuis que la jeune Ève
enfanta nos aïeux, les miens sis à Genève (1)
ont ralenti leur âge au rythme montagnard (2) ;
tant d’œuvre inachevé j’en hérite, bagnard.
Et vers la bath Agnès s’il fallait que je fuisse,
plus aisé d’Achéron que m’évader de Suisse !

– (1) Ève ne gâta Genève. – (2) Âge modéré d’Oméga.

VII -
– La sériciculture ergothérapique est
l’alibi d’Odéon à clouer au piquet.
Les robes de Sorel, jadis nous les tissâmes (1),
et pour remerciement on a bouilli nos âmes !
La colère est superbe, et d’Alain Chevrier
le timbre enveloppé gonfle jusqu’à crier :
– Cabri dans un paddock d'asile somnambule,
camisole ou cocon (2) rien n'obvie et j’ulule.
– AC ! dicte un sanglot de vers à soie à quai.
– Assez ! tance grognon un soignant baraqué.
Or, d’entendre des voix augure triste suite
où Jeanne d’Arc pas crue, on l’a quand même cuite.
Vous aussi filez donc, mais vite et de Rouen !
Magnanerie adieu, salut vieil océan.

– (1) Au vrai pardon peul, tissu singe, injustice ; l’on part des pauvres. – (2) Recoudre les poches, choper leur doux cœur.

VIII -
Patrick Flandrin déploie une épreuve jaunie
au bain révélateur ; la Sorel rajeunie
se mire en un défi : comment ne vieillit-on
par l’huile ou le pastel, ni par photomaton ?
Un sonar à rebours dans la fidèle image
oit l’engloutissement qui revisite l’âge ;
quel rire bienveillant ondule sans arroi ?
– Naître avant n’être il faut ! C’est Abdomen de Roy (1),
qui ravit au néant le poème : au fond n’est-ce
innovante alchimie ? Éclat de ta jeunesse (2) ?
Scintillement aveugle où dort un sel captif ?
Ta moue instantanée en grains de négatif ?
Souvenir que des feux obscurcissent l’éclipse
tout joyeux aux bruissants liserés d’une ellipse ?

– (1) Suez, Edmond, nom de Zeus ! – (2) Et l'hier mate image, âge immatériel.

IX -
– Une seule réponse ôte deux questions.
La première : décrire effet des goupillons,
demande Nicolas Graner, sphinx fabuliste.
La seconde, inconnue à l’oulipote liste :
Pourquoi l’a-t-on, Sorel, exilée à Chinon ?
… La morale (1) et c’est tout ! Crêpage de chignon (2) !
Qu’un sein ait courroucé, pieux roi, Louis XI,
et Belle affronte Bête, elle amante, lui bonze !
précise Nicolas. Retentissant écho
à la quête éperdue ! Enfin Perry-Salkow
a-t-il trouvé son pair ? – Euh non, Jacques, je rame
à boucler fabliau, clore panscrabblogramme !
Mais sache : avant Pablo sur son Bateau-Lavoir (3),
Fouquet, dans une cale, à peindre put la voir.

– (1) Rude morale de l’arôme dur ! – (2) Arrêt, ici le feu. Ne vois, ô Graner en Argos, Io venue féliciter Râ ! – (3) Et ne dis side-car, galère, fer, paysage : Degas y a préféré la grâce dissidente.

X -
Défilent les relais, persiste la figure
de Sorel, en romance, en photos, en peinture…
Sans doute la savoir crécher à Razilly (1)
dans sa Soute-Lavoir créa chez Rapilly (2)
réflexe d’une rime et discrète et fastoche ?
Mais non, cloche ne tinte autant que teinte cloche :
examen révéla qu’à tourner un sonnet
abscons, abstrus, obscur, sa raison déçonnait ;
et quand il peint c’est pis : – J’essuie une épopée
de sire, une de son héroïque équipée ;
je brosse une Sorel à coups de pinceau fin :
ronde et gironde, Agnès chevauche (3) le Dauphin ;
dessus contours portés, entrouvre les cavernes ;
projette de Lascaux l’esquisse aux Temps Modernes.

– (1) Une moche anagramme, art ganache au menu. – (2) Mon nom. – (3) Sellez Agnès en gazelles !

XI -
Fusez, ô destriers (1), steamers des docks hurlants,
vrais rêves sous la voûte ajourés et verlans !
Les gens du port ont dans le cœur l’astronomie,
le soleil sur le sable, et Boulogne endormie.
Happy few du voyage, on reconnut l’un d’eux
quand le vingt février en l’an deux mille deux,
vingt heures zéro deux, Ascq blêmit de tonnerre.
Fred s’est levé : – L’on me saura quarantenaire
que, Jacques, nous aurons façonné de Sorel
dans la terrestre forge un sein intemporel.
Autant au vent s’estompe un monceau de décombres (2),
de même effacerons ce qui persiste d’ombres.
Ainsi parla serein le marcheur à l’affût :
Sorel Éros serait et Sorel Éros fut.

– (1) Rosse, l’âne mena l’essor. – (2) Une terre gré verbe nu / féconde île, lis morts… L’amorce / nécro malstrom si le lied noce / funèbre verger retenu.



Strophes offertes à Frédéric Schmitter, 40 ans le 29 septembre ; au gré des épisodes interviennent ses camarades Camille Abaclar et Alain Chevrier.
Les notes sont des palindromes orthographiques, phonétiques ou syllabiques.
Le recueil complet, intitulé « L'heure du second ‘T’ », a été composé par 20 membres de la liste oulipo ; il est lisible et imprimable en ligne grâce à la Bibliothèque Liste-Oulipienne.

« Abdomen de Roy » est l'anagramme inventée par Frédéric pour Edmond Robaye, ami de la liste oulipo disparu.

Bicyclettomètre

S’inscrire à l’école du vent
Faire du vélo
Compter deux sortes de vents cyclistes : le vent objectif et le vent relatif
Repérer le premier comme fabriqué par la mécanique du monde

Créer le second tout seul, dont on dira que c’est ton chef-d’œuvre de cycliste, car plus tu seras rapide, plus tu fabriqueras de vent relatif… de vent relatif qui passera… là-bas… là-bas le merveilleux vent relatif !

Ne connaître d’autre remède que l’amitié et la solidarité contre le vent de face, celui du monde
Prendre un grand vent du nord bien installé dans la pipe
N’estimer rien tant qu’un camarade aux larges épaules
Se faire petit derrière lui
Attendre que ça passe, plus précisément qu’il s’écarte
Prendre le relais
Aller au charbon à son tour

Archives - octobre 2009

Sélectionner une date

octobre 2009
« 12345678910111213141516171819202122232425262728293031 »

Les cases à fond coloré signalent les dates de parution des billets. Les flèches permettent de se déplacer au mois suivant ou précédent.