Pour Stéphane
Photo de 1967, l’année où les Beatles chantaient "When I’m sixty four". Stéphane Baron est mort samedi 16 septembre 2017, il avait 64 ans. Ci-dessous notes à quoi je me suis accroché, jeudi 21, en parlant à l’assemblée autour du cercueil. Syntaxe elliptique, il me fallait sous les yeux une ligne intelligible qui ne cède pas au sanglot ; ç’a tenu à peu près — sauf la toute fin, formulée confusément. Quelques récents billets oulipiens sur ce blogue alternent des passages "oxygénés" et "asphyxiés" : inspirés en direct de l’ami à bout de souffle.
Stéphane là au cœur catégorie sans précédent de synthèse poétique dégaine rugueuse à la Verlaine mais le prénom de Mallarmé ours céleste ange incarné les deux pour qui le monde doit aboutir à un beau livre Boulevard Carnot Lille septembre 71 escalier de l’école d’architecture d’emblée je distingue Baron non pas qu’il se poste devant au contraire un jeune homme en retrait à la marge du groupe d’étudiants coutumier de la contre-allée morale belle À creuser l’énigme je vais découvrir une âme hantée de poésie ainsi quelques mois plus tard chez Mouné à Lambersart les 33 tours de Léo Ferré Rimbaud À sept ans il faisait des romans sur la vie du grand désert Verlaine L’espoir luit comme un brin de paille dans l’étable Pensez donc juste débarqué de la campagne je me découvre un jumeau sauf que lui l’air de la ville l’a émancipé vite lui ressembler ! Il me présente Lautréamont selon qui — maxime fondatrice — La poésie doit avoir pour but la vérité pratique Les mots auront vertu à prendre chair s’ensuit une pleine histoire … époustouflante humanité générosité complète autant que secrète modestie pathologique — défaut qu’il ne corrigera jamais Revenir au verbe we happy few qui avons partagé de ses nuits à converser Stéphane parle alors le don se produit qu’il amoncelle des bribes de beauté radieuse avec des mots ceux de vérité simple infiniment sur la terre On l’a vu heureux Pirouésie lumineux derniers étés Stéphane amoureux de Stéphanie amoureuse de Stéphane 2016 d’un coup d’œil il embrasse l’océan — Allez Travailleurs de la mer tous à bord on largue les amarres… de Pirou il nous embarque à Guernesey Hauteville House chez l’autre qui disait Ceux qui vivent ce sont ceux qui luttent… bon sang mon vieux Stéphane in situ (sic) la trempe d’un personnage hugolien Pirou encore souffle bientôt épuisé il y reviendra parce que hein finalement c’est quoi la poésie ? voici qu’il s’émerveille de la réponse d’un écolier du bocage un cancre façon Prévert footballeur à la récréation qui médite fort entre deux tiens ! un Stéphane potentiel qui débat qui remue de sa place enfin qui propose : — La poésie ça serait l’art où on met plus de sens dans les mots. — Il a tout compris le gamin. Et nous ici ce matin heureuses gens nous avons connu tel qu’en lui-même l’ours l’ange parti / partout Stéphane ? Il est caché parmi l’herbe, Stéphane.
PS — C'est lui à Bethléem le ténor tout au fond à droite dont la tête balance latéralement quand il chante.
Robert Rapilly [in Épitaphes],
mardi 26 septembre 2017 à 12:56
Lien permanent #391. Fil rss des commentaires
Commentaires
1. Le mardi 26 septembre 2017 à 21:43, par La Taulière
2. Le jeudi 28 septembre 2017 à 00:05, par La Taulière bis
3. Le jeudi 28 septembre 2017 à 00:57, par Robert Rapilly
4. Le lundi 10 février 2020 à 09:42, par Christine Duhoo