jeudi 4 septembre 2025
Automnets et autres poèmes sonnettisés
La forme dite automnet, sur une idée de Gilles Esposito-Farèse, caractérise les sonnets en
4+4+4+3
4+4+4+3
4+4+3
4+4+3 syllabes,
d'après le rythme bancal de la Chanson d'automne de Paul Verlaine, ici à peine retouchée :
Quel glas résonne
Aux sanglots longs
Des violons
De l’automne ?
Cette onde tonne,
Blessant mon cœur
D’une langueur
Monotone...
Tout suffocant
Et blême quand
Sonne l’heure,
Je me souviens
Des jours anciens
Et je pleure.
Le spleen affleure,
Tout suffocant
Et blême quand
Sonne l’heure.
Sans fard ni leurre,
Les jours anciens
Je m’en souviens
Et je pleure.
Et je m’en vais
Au vent mauvais
Qui m’emporte
Deçà delà,
Pareil à la
Feuille morte.
Automnet à chanter comme il vous plaira :
— Au clair de lune
Ami Pierrot
Prête ta plume
Pour un mot
Plus de loupiote
Je suis sans feu
Ouvre ta porte
De par Dieu
— Au clair de lune
Ci point de plume
Dit Pierrot
Mais la voisine
Attise un spot
En cuisine
D'après L'invitation au voyage de Baudelaire :
J’aime à loisir
Songer aux charmes
De traîtres larmes
Puis mourir
Là-bas ensemble
Allons ma sœur
Où la douceur
Te ressemble
L’astre mouillé
D’un ciel brouillé
Mêle d’ambre
La rare odeur
Dont notre chambre
Soit la fleur
Ordre et beauté
Là tout est calme
Nommons la palme
Volupté
Orientale
L’onde en secret
Nous parlerait
Vox natale
Riches plafonds
Miroirs profonds
Tout abonde
Par ces vaisseaux
Du bout du monde
Aux canaux
Pour assouvir
La ville entière
Toute lumière
Vaut désir
Sang d’Hyacinthe
L’or des couchants
Revêt les champs
Et l’enceinte
Le bois des ans
À fils luisants
S’ensoleille
Mystérieux
Tant le vermeil
De tes yeux
D'après Hugo, À un poète aveugle in Les Contemplations :
Merci Poète
Lare pieux
Qu’un radieux
Vers projette
Notre seuil luit
Cerclé d’étoiles
Tu le dévoiles
Dans la nuit
La triste brume
Lors se rallume
Par ton œil
Tu perces l’ombre
Delà l’écueil
Nul ne sombre
"Boileautomnet", titre combinant la forme automnet à l'injonction de Boileau in L'Art poétique, qui réfute "qu'un mot déjà mis osât s'y remontrer". Or donc, aucune répétition ci-après :
La cantilène
Boileautomnet
Porte signet
De Verlaine.
Vers précédents
Tétrasyllabes,
Puis voix finales
Sur trois temps,
On n’y répète
Avant perpète
Aucun mot.
Ainsi s’étoffe
— Rire ou sanglot —
Chaque strophe.
Sur la même idée de transformer en sonnet un poème qui ne l'était pas, réduction de L’Albatros de Baudelaire, où disparaît un couple de vers des deux quatrains finals :
Souvent pour s’amuser les hommes d’équipage
Prennent des albatros, vastes oiseaux des mers
Qui suivent indolents compagnons de voyage
Le navire glissant sur les gouffres amers
À peine les ont-ils déposés sur les planches
Que ces rois de l’azur maladroits et honteux
Laissent piteusement leurs grandes ailes blanches
Comme des avirons traîner à côté d’eux
Ce voyageur ailé comme il est gauche et veule
L’un agace son bec avec un brûle-gueule
L’autre mime en boitant l’infirme qui volait
Le Poëte est semblable au prince des nuées
Exilé sur le sol au milieu des huées
Lui naguère si beau qu’il est comique et laid
Même transformation appliquée à Demain dès l'aube de Hugo :
Demain, dès l’aube, à l’heure où blanchit la campagne,
Je partirai. Vois-tu, je sais que tu m’attends.
J’irai par la forêt, j’irai par la montagne.
Je ne puis demeurer loin de toi plus longtemps.
Je marcherai les yeux fixés sur mes pensées,
Sans rien voir au dehors, sans entendre aucun bruit,
Seul, inconnu, le dos courbé, les mains croisées,
Triste, et le jour pour moi sera comme la nuit.
Et quand j’arriverai m’incliner sur ta tombe,
Je ne regarderai ni l’or du soir qui tombe,
Ni les voiles au loin descendant vers Harfleur.
Je verrai, retenu par l’ombre au bord du vase,
Un bouquet de houx vert et de bruyère en fleur
Où vole un papillon arrêté dans l’extase.
Lubin sonnettisé :
— Au clair de la Lune,
Mon ami Pierrot,
Prête-moi ta plume
Pour écrire un mot !
Ma chandelle est morte,
Je n'ai plus de feu,
Ouvre-moi ta porte
Pour l'amour de Dieu...
— Au clair de la Lune,
Je n'ai pas de plume,
Répondit Pierrot.
Va chez la voisine :
Elle tient bistrot
Dedans sa cuisine.
D'après Clément Marot :
Lorsque Maillard, juge d’Enfer
Menait Semblançay l’âme rendre
À Montfaucon, gibet où pendre
Croquant, malandrin, brise-fer,
À votre avis, lequel en somme
Des deux tenait meilleur maintien ?
Pour le vous faire entendre bien,
Maillard semblait piètre bonhomme :
Qui mort va prendre, est-ce Maillard
Ou Semblançay, ferme vieillard ?
Confuse apparaît la sentence,
Et pour vrai l’on croirait sensé
Que fût mené sous la potence
Maillard en lieu de Semblançay.
Robert Rapilly,
jeudi 4 septembre 2025
[In Vrac] Aucun commentaire
- aucun trackback