Le blogue de Robert Rapilly

El Holorimo

Après les récents El Oulipico de Ponto-Combo & El Norteñorgullo...

C’est toi l’assombri Kay luttant d’opacité,
comte aquitain sot, laid, défait sur sa folie.
S’étoila son briquet, luth en do pas cité
qu’on t’acquitte insolé : d’effet sûr Sapho lie.

Par tombeau télépathe aurez-vous saboté,
langoureux Pausilippe, Oc ta vamp l’Italie ?
Partons botter l’épate au rêve où sa beauté,
langue ou repos, s’y lippe : Octave emplit ta lie.

L’Amour hantait Nerval, avide en jachère on
peut rougir ondoyant sensible merci, Reine,
peur ou gironde oyant sang si bleu, mer, Sirène...

Là mourante énerva la vidange Achéron,
mots du lent Faune et tic y récitant qu’Orphée
module en phonétique ire et Scythe encor Fée.

... voici un nouvel avatar de Nerval où l'on rencontre John Kay, Anglais exilé en Aquitaine, l'inventeur de la navette volante.
Les vers sont dits holorimes = rimes intégrales sur 12 syllabes.

Variante isocèle = largeur constante des vers :

El Isocelholorimo –

Je dis : ténèbres d’Ouille, étoile, mie, olé !
Tôt noble à kakis teints parla : Tour abolie ?
Jeudi t’es né bredouille ; eh ! toi le miaulé,
tonneau black aquitain par latte ou rabot lie.

Tombeau, fleurs, tristement barricadés au lai,
malheureux Pausilippe outre est vamp l’Italie.
Ton beau flirt Rijks te ment, Barry cas désolé
mâle repos s’y lippe où trêve emplit ta lie...

Qui ? Phébus ô vainqueur défit bronzer Barons,
car maintenant on naît sensible ! Merci, Reine
carmin tenant ton nez sans cible, mer, sirène.

Kiffer bus au vain cœur : défibrons et barrons
mots du lent Faune et tic y récitant qu’Orphée
module en phonétique ire et Scythe encor Fée !

Sentimenteel gesprek voor Coraline en Bart

Coraline Soulier et Bart Van Loo se sont mariés à Moorsele, Flandre, samedi 16 juillet 2016.
Exercice de style, comment transmuter l'extrême tristesse du Colloque sentimental de Paul Verlaine en épithalame joyeux ? Car heureuses, très, furent les épousailles.
On conservera le découpage épique des décasyllabes = 4 + 6, de même la syntaxe des distiques originaux.
L'anecdote est authentique : j'ai vu Coraline et Bart se croiser la première fois, en juin 2008 sur le Sentier des Jacinthes au Mont-Noir.
Photo Hans Donckers -

Sur le Mont-Noir, premier soleil d’été,
deux êtres ont tout à l’heure monté.

Leurs yeux sont vifs et leurs bouches loquaces,
pays de jeux, kermesses et ducasses.

Chez Yourcenar, premier soleil d’été,
ils s’aimeront : le sort en est jeté.

— La pressens-tu, notre extase future ?
— J’y cours, j’y vole, envoûtante aventure…

— Ton cœur bat-il déjà d’élire Anvers ?
— Idem le tien que bercera Nevers !

— Sais-tu comment, cette exquise romance,
la couronner ? — La nommerons Clémence.

— Ah ! qu’il est bleu le ciel, et grand l’espoir !
— L’espoir vainqueur survole le Mont-Noir.

Tels ils dansaient, ivres tant leurs étreintes
les chaviraient au Sentier des Jacinthes.

.

... d'après Verlaine, les Fêtes galantes :

.

Dans le vieux parc solitaire et glacé
Deux formes ont tout à l’heure passé.

Leurs yeux sont morts et leurs lèvres sont molles,
Et l’on entend à peine leurs paroles.

Dans le vieux parc solitaire et glacé
Deux spectres ont évoqué le passé.

— Te souvient-il de notre extase ancienne ?
— Pourquoi voulez-vous donc qu’il m’en souvienne ?

— Ton cœur bat-il toujours à mon seul nom ?
Toujours vois-tu mon âme en rêve ? — Non.

— Ah ! les beaux jours de bonheur indicible
Où nous joignions nos bouches ! — C’est possible.

Qu’il était bleu, le ciel, et grand l’espoir !
— L’espoir a fui, vaincu, vers le ciel noir.

Tels ils marchaient dans les avoines folles,
Et la nuit seule entendit leurs paroles.

El Norteñorgullo

Encore un Avatar de Nerval, cette fois avec des antonymes. Et puis le sonnet méridional de Gérard de Nerval s’est déplacé au septentrion. Les quatrains riment correctement, les tercets se satisfont d’assonances. Majuscules et ponctuation sont à la mode de l’original. Arnoul puis Godefroy ont été seigneurs de Condé-sur-l’Escaut. L’écluse des Repenties figure sur une carte du fleuve en 1731.

El Norteñorgullo -

Je suis le Lumineux, – l’Époux rasséréné –,
le Valet d’une mine active en Picardie :
mes vivaces Trous Noirs hors étouffoir cerné
laissent rouler la Lune albe et ragaillardie.

Au matin du berceau, Toi qui m’avais peiné,
prends-moi l’Escaut captif d’écluse Repentie
et ce froid qu’abhorrait, insensible et fané,
une orge sans Houblon pour fade Eucharistie.

Suis-je Faune ou Satyre ?... Arnoul ou Godefroy ?
Ma nuque n’a bleui d’une servile beigne ;
je veille où, dans l’Azur, plane l’Hydre de Lerne.

Resté deux fois à quai, j’ai renoncé d’effroi
faire taire en accord Hamelin et la flûte,
la pécheresse apnée et le Silence occulte.

El Oulipico de Ponto-Combo

Samedi 9 juillet 2016, dans le grand jardin de la maison familiale, Nicolas Graner a organisé les premiers Jeux Oulipiques. C'était à Grandvillé dans la Brie, non loin de Mormant et de Pontault-Combault. Une trentaine de gens composions ensemble de la poésie, quand un phénomène s'est produit tel que Walter Benjamin l'entendait (cf. Alex Dutilh sur France Musique / avancer à 44:00 ; le commentaire dure 2 minutes), quelque chose aussi improbable que l'hallucinant dernier chapitre d'Anquetil tout seul de Paul Fournel.

Nous nous souviendrons d'une journée d'impeccable, d'exemplaire, d'extrême civilité.

Je suis – Éden heureux – l’hôte de Grandvillé :
province d’une plaine alentour ample Brie,
familiale porte et clos ensoleillé
qu’orne l’accort fermoir d’un bouquet de prairie.

Mormant suivant Combault, Nicolas travaillé
d’émoi très oulipique espère non tarie
la source emprès l’étang sous l’arbre tortillé,
où l’oreille se chante une prose euphorie.

Suis-je Syagrius l’évasé de Soissons ?
Mon français bouge encore, assez se rassérène
pour changer une faute en hapax clinamène...

Et j'ai vingt fois veinard l’adresse de maisons
hébergeant tout un jour près la rive dallée
ce qu’inspire sans crainte une exquise assemblée.

À ranger sous l'ombre tutélaire des Avatars de Nerval, chaque vers ici visant à sonner en rappelant l'original.

Notes –
1) Il y a bien un petit étang, un arbre tortillé, etc. dans le jardin Graner.
2) Syagrius est le dernier "roi romain" maître de la Brie, avant que Clovis ne le vainque à Soissons.
3) Au lieu de "clinamen", "clinamène" est en effet un hapax, du moins une cheville.

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