Sonnets générés par acrostiches d'hémistiches des vers successifs, forme explorée par Gilles Esposito-Farèse en 2020. Les chiffres ci-dessous indiquent l'ordre d'apparition des hémistiches. La densité répétitive croissante dote les poèmes d'un dénouement paroxystique.
1 - 2
3 - 4
5 - 6
7 - 8
9 - 10
11 - 12
13 - 14
1 - 3
5 - 7
9 - 11
13 - 1
5 - 9
13 - 5
13 - 13
D'après François Caradec —
La première est la bonne en sortant de chez soi
Ô ville disparue ô la belle sortie
Celle que l’on fredonne et qui vous remercie
On en fait des refrains merci Paris ma foi
Aucun effet de l’art à chanter dans la rue
Merci les riverains merci d’avoir chanté
Une rue au hasard cette rue a rimé
La première est la bonne ô ville disparue
Celle que l’on fredonne on en fait des refrains
Aucun effet de l’art merci les riverains
Une rue au hasard la première est la bonne
Celle que l’on fredonne aucun effet de l’art
Une rue au hasard celle que l’on fredonne
Une rue au hasard une rue au hasard
Premier sonnet auto-acrostiche d'après Le cimetière marin (dont une entorse prosodique = rimes non alternées entre les quatrains) —
La mer la mer la mer toujours recommencée
D’imperceptible écume y compose de feux
Idoles du soleil sur le calme des dieux
Le vrai rongeur le ver après une pensée
Sous un voile de flamme un seul soupir résume
Édifice de l’âme un dédain souverain
Au silence pareil de mon regard marin
La mer la mer la mer d’imperceptible écume
Idoles du soleil le vrai rongeur le ver
Sous un voile de flamme édifice de l'âme
Au silence pareil la mer la mer la mer
Idoles du soleil sous un voile de flamme
Au silence pareil idoles du soleil
Au silence pareil au silence pareil
Deuxième sonnet auto-acrostiche d'après Le cimetière marin —
En l’abîme un soleil après une pensée
Semble se concevoir dominé de flambeaux
Au silence pareil y dort sur mes tombeaux
Dans une absence épaisse ô puissance salée
Cette flèche qui vibre à son frêle mouvoir
A bu la blanche espèce et jusque sur ma couche
Et referme mon livre il veut il songe il touche
En l’abîme un soleil semble se concevoir
Au silence pareil dans une absence épaisse
Cette flèche qui vibre a bu la blanche espèce
Et referme mon livre en l’abîme un soleil
Au silence pareil cette flèche qui vibre
Et referme mon livre au silence pareil
Et referme mon livre et referme mon livre
Taratantara ta rate en tara —
Citant Marathon Tensing il a ri
Au pied d’Everest tirebouchonnés
Pic d’hilarités la babouche au nez
Tant se marra-t-on avec Hillary
Taratantara l’ampleur des vers est
Deux fois cinq hoquets comptons dix latex
Ta rate en tara quand on dilate ex-
-citant Marathon au pied d’Everest
Pic d’hilarités tant se marra-t-on
Taratantara deux fois cinq hoquets
Ta rate en tara citant Marathon
Pic d’hilarités taratantara
Ta rate en tara pic d’hilarités
Ta rate en tara ta rate en tara
Une pensée après une pensée —
Sans mouvement sous un voile de flamme
Les derniers dons peuvent pour contenir
Maint diamant rendre nu l’avenir
Et l’amertume y dort sonnant dans l’âme
Sa flèche ailée a pris sur les maisons
Et m’accoutume à ne tenter de vivre
Une pensée est douce absolue ivre
Sans mouvement avec les derniers dons
Maint diamant se meurt et l’amertume
Sa flèche ailée y pense et m’accoutume
Une pensée en soi sans mouvement
Maint diamant ombre sa flèche ailée
Une pensée après maint diamant
Une pensée après une pensée
À la différence du "taratantara" précédent (5 + 5 syllabes), les décasyllabes de Paul Valéry pour Le cimetière marin se scindent en 4 + 6 syllabes. Dans le sonnet ci-dessus, les 2 syllabes après césure (celles en positions 5 & 6) ont un statut de joker. Les mots en question viennent certes du poème source mais ils sont librement répartis au service de la syntaxe. Simultanément la forme générale est un acrostiche de tétrasyllabes.
D'après Mallarmé —
Candeur de plume aux souvenirs qui sont
dans la révolte : ils mangent de la cendre
parmi l’écume, un soir fier d’y descendre.
Bel aujourd’hui le solitaire bond.
Un glaive sûr se laisse sur l’eau morte
taire ébloui… — Voulez-vous, mon enfant,
un sens plus pur que la blancheur défend,
candeur de plume où fuir dans la révolte,
parmi l’écume et le bel aujourd’hui :
un glaive sûr, solitaire, ébloui,
un sens plus pur que sa candeur de plume ?
— Parmi l’écume ainsi qu’un glaive sûr,
un sens plus pur : être parmi l’écume ;
un sens plus pur : donner un sens plus pur !
El Variablogéométricacrostichémisticho —
Tour abolie et sirène, j’ai deux
cris, fée ou veuf au front encore rouge :
— Mélancolie ! a soupiré la rose,
— Desdichado ! le pampre ténébreux.
Tant à mon cœur qu’à la lyre d’Orphée,
nuit et tombeau rendent la grotte en fleur.
Le soleil noir, à toi plaisant vainqueur,
tourne aboli par les cris de la fée.
Mélancolie : ainsi Desdichado
tenta mon cœur dans la nuit du tombeau,
d’un soleil noir sur ma tour abolie…
Mélancolie où s’attenta mon cœur
d’un soleil noir : plus que mélancolie,
ce soleil noir porte tout soleil noir.
Décasyllabes 4+6 répétant ces mots ou sons au sein d’un sonnet acrostiche d’hémistiches à géométrie variable (chiffres entre parenthèses = ordre des apparitions et répétitions) :
- tour abolie (1 - 15 - 22)
- cris fée (3 - 16)
- mélancolie (5 - 17 - 23 - 26)
- Desdichado (7 - 18)
- tant mon cœur (9 - 19 - 24)
- nuit tombeau (11 - 20)
- soleil noir (13 - 21 - 25 - 27 - 28)