Lipogramme en E, rimes consonantiques & vocaliques alternées
Texte relu et corrigé le 10 décembre 2009 (il restera hélas quelques imperfections dans la version à paraître, numéro 53 des Nouvelles d'Archimède)

Par l’azur infini, clair, un narquois transport
Accabla, nonchalant à la façon d’un brin,
L’impuissant troubadour maudit d’un don trop fort
Parmi son hamada d’improductif Chagrin.

Fuyant, l’iris forclos, j’y flairai son miroir
Qui dardait un rayon tant contrit qu'affolant,
Sur moi du blanc. Où fuir ? Vint-il pantois un soir
Honnir, haillons, honnir un abandon navrant ?

Brouillards ! Il faut là-haut vomir vos charbons lourds
Sous un stratus d’accrocs : un crachin flou suivit
Qui noya son marais blafard aux jours plus courts.
Allons bâtir un grand plafond qui soit sans bruit !

Toi, sors du marigot omis non sans saisir,
T’avançant, un limon aux typhas opalins,
D’un poing qui jamais las m’obstruât, ô Soupir !
Tant d’indigos s’ouvrant aux albatros malins.

Plus ! Il faudrait sans fin qu’un puits sombrant dans l’air
Fumât, afin qu’un smog rabattît sa prison
Soufflant un noir crachat, horrifiant impair
Sur l’insolation mourant à l’horizon !

- Paradis mort. - À toi, j’accours ! fouis, ô soc,
L’oubli d’un Absolu brutal ou d’un Tabou
Pour ton martyr qui vint s’accroupir au paddock
D’animaux satisfaits : humains pris au licou,

Car j’y voulus, vu mon vacuum cortical
Apparu pot au fard au bas d'un mur gisant,
Sans plus l'art du sanglot parant l’Instant fatal,
Ouvrir du thanatos l’obscur coin grimaçant…

Mais l’Azur triompha, dont j’ouïs l’ambitus
Au carillon. Ma foi, clama-t-il nos frissons :
Craintifs acquis au joug puisqu’il nous a vaincus ;
Sort du cobalt vivant d'un saphir d’oraisons !

Il roula d’un stratus, jadis y visitant
Ta Disparition ainsi qu’un surin sûr ;
Où fuir dans l’insoumis poison vain tout autant ?
- J’y suis contraint - l’Azur ! l’Azur ! l’Azur ! l’Azur !


... selon L’Azur de Mallarmé

De l'éternel azur la sereine ironie
Accable, belle indolemment comme les fleurs,
Le poëte impuissant qui maudit son génie
À travers un désert stérile de Douleurs.

Fuyant, les yeux fermés, je le sens qui regarde
Avec l'intensité d'un remords atterrant,
Mon âme vide. Où fuir ? Et quelle nuit hagarde
Jeter, lambeaux, jeter sur ce mépris navrant ?

Brouillards, montez ! Versez vos cendres monotones
Avec de longs haillons de brume dans les cieux
Qui noiera le marais livide des automnes
Et bâtissez un grand plafond silencieux !

Et toi, sors des étangs léthéens et ramasse
En t'en venant la vase et les pâles roseaux,
Cher Ennui, pour boucher d'une main jamais lasse
Les grands trous bleus que font méchamment les oiseaux.

Encor ! que sans répit les tristes cheminées
Fument, et que de suie une errante prison
Éteigne dans l'horreur de ses noires traînées
Le soleil se mourant jaunâtre à l'horizon !

- Le Ciel est mort. - Vers toi, j'accours ! donne, ô matière,
L'oubli de l'Idéal cruel et du Péché
À ce martyr qui vient partager la litière
Où le bétail heureux des hommes est couché,

Car j'y veux, puisque enfin ma cervelle, vidée
Comme le pot de fard gisant au pied d'un mur,
N'a plus l'art d'attifer la sanglotante idée,
Lugubrement bâiller vers un trépas obscur…

En vain ! l'Azur triomphe, et je l'entends qui chante
Dans les cloches. Mon âme, il se fait voix pour plus
Nous faire peur avec sa victoire méchante,
Et du métal vivant sort en bleus angelus !

Il roule par la brume, ancien et traverse
Ta native agonie ainsi qu'un glaive sûr ;
Où fuir dans la révolte inutile et perverse ?
Je suis hanté. L'Azur ! l'Azur ! l'Azur ! l'Azur !