Le blogue de Robert Rapilly

Les cracks

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Peinture : Caballo Azul par Pierrot Labryl (huile sur carton) -

De quel dada quel cœur se pique
Selon ce que nous connaissons
L'un d'Isou qui n'a rien d'hippique
L'autre entiché de canassons

1 - Les cracks

Nous, amoureux fervents d'alezans étalons,
Aimons également, où nous nous étalons,
Le crin luisant et doux d'orgueilleux percherons,
Palefrois pas frileux sur quoi nous percherons.

D'Éros en Thanatos vont nos jeux polissons :
Eux endossent la selle, et nous la polissons ;
Puis l'Érèbe leur passe - ô sanglots sans oignons ! -
Le mors de l'attelage aux morts que nous oignons.

Steeple-chase en songeant à Pégase ou pigeons,
La raison du Centaure, hélas nous la pigeons :
Sauf à nous endormir, voler nous ne savons...

Mais qu'écument naseaux, étincelants savons
Sur ganache et garrot ! Et qu'ondulent pompons,
Étoiles sous la bride où, jockeys, nous pompons !


Sonnet à bouts-rimés d'Alphonse Allais :

étalons
étalons
percherons
percherons

polissons
polissons
oignons
oignons

pigeons
pigeons
savons

savons
pompons
pompons

2 - Cheval de retour (morale élémentaire)

âge de raison       raison d'état     état de choc
                    choc des photos

photos de famille   famille de mots   mots d'amour
                    amour du métier

métier de la guerre guerre d'usure    usure du temps
                    temps d'accès

                    dans cette morale
                    élémentaire
                    le second nom
                    est le premier
                    du couple suivant
                    tous divisés par
                    "de" préposition

accès de fièvre     fièvre de cheval  cheval de retour
                    retour de l'âge

3 - Retour de cheval (morale élémentaire)

cheval de bât       cheval de labour   cheval de somme
                    cheval de cirque

cheval de bataille  cheval de retour   cheval fiscal
                    cheval-vapeur

cheval de course    cheval gagnant     cheval placé
                    cheval de selle

                    attention
                    n’oubliez pas
                    si vous récrivez
                    tout ça au pluriel
                    que quand il y a
                    plusieurs chevals
                    on dit un chevau

cheval d’arçons     cheval de bois     cheval de frise
                    cheval de Troie

Isovocalyxore

Remplacer les consonnes en conservant dans l'ordre les voyelles et les mots rimes (procédé des bouts-rimés de Dulot) du sonnet en ix(e)-or(e), comme Queneau récrivant dans Bizarre n°32-33 en 1964
Le vierge, le vivace et le bel aujourd'hui (...)
en :
Le liège, le titane et le sel aujourd'hui (...)
Ainsi,
Ses purs ongles très haut dédiant leur onyx (...)
devient-il :

Des murs d’ombre, préaux excitant feux d’onyx,
La voile est l’immun pli d’où vient, lampadophore,
L'aile d’elfe géant, pure flamme Phénix
Que l'émeu veillera vertige, abîme, amphore...

Bulles sélènes, hauts ballons glissez, un ptyx
Amortit in petto l’Icarien sonore.
Chant de l’aigle entravé : fuis et ne meurs au Styx,
Pars ! Envers deux sonnets, l’onde d’éclats honore

Maint sommet d’angoisse et, auroral ange, un or ;
N'harmoniser le ton eût fêlé le décor,
Demi cloche hurlant bluës du montreur de nixe.

Belle, l’épure vue entre tiroirs, encor
Vue à l'outil cerclé sans écart, elle fixe
En imitation l’icône Septuor.

Sextine en couleurs véritables

D'après un calcul de Michel Clavel :
jaune 2, bleu 3, rouge 4, vert 5, orange 6, violet 7
jaune + bleu = vert
jaune + rouge = orange
rouge + bleu = violet
- toutes les couleurs riment dans chaque strophe
- les vers comptent autant de syllabes que la valeur affectée à la couleur-rime
- d'une strophe à la suivante, les vers permutent en gidouille (invention d'Arnaut Daniel au XIIe siècle)



plupart du temps le sol et
la zone
après quoi tu t'arranges
couvre-feu
attendre yeux ouverts
quand rien ne bouge

saisir la gouge
brandir haut le piolet
aux ciels d'eau couverts
où tonne
sacrebleu
l'orage autour des branches

s'enlacer dans les granges
soupe de courge
tarte au bleu
et le matou miaulait
c'est comme
revivre à l'envers

les cocons d'hivers
ont deux pôles étranges
s'étonne
le ver sans mouche
chrysalide en fiole est
franc-alleu

bave le
bombyx dont les vers
se consument feu follet
il tutoya les anges
sa saison touche
l'automne

nain jaune
palsambleu
chaperon rouge
petits hommes verts
amour des trois oranges
portez camail violet !

(à Max Domon, grand frère en belle liberté)

Lune noire

Pierrots et Cendrillons, porte-plumes et vairs
Se diffusent nimbés d'un prisme sans mélange ;
L’épitaphe au linceul arrache un vierge lange
Que le pur Rien déligne, ombre d’écume au vers.

La domesticité sourd d’intimes hivers,
Convoquée en des mots sombres sous la phalange.
Piété, scission agnostique, nul Ange
N’éclairera chaos ou plan à l’univers.

De l’émulsive enfant, l’or abyssal se joue ;
Ajourée, une éclisse estampilla la joue :
Un torrent tamisé gouverne le compas.

L’extinguible chandelle infirme la venue
D’un autre oubli, mais non la Balance et son pas
À sept clignotements qui sidèrent la nue.

Exercice oulipien en négatif : écrire un sonnet symboliste sans contrainte, sinon la mécanique de prosodie classique - oulipienne quand même, si on y regarde de près.
Rimes consonantiques des quatrains, vocaliques des tercets.
Le sujet est un peu sélénite, un peu inspiré du sonnet en ix(e)-or(e) du parfaitement potentiel Maître allé puiser des pleurs au Styx.

Sélényxore - Sélénorixe - Monnet - Araxe - Exergue - Lyrics - Aurochs - Luxure

2 sélénets puisés à la première version (1868) du sonnet allégorique de lui-même ; un mot ajouté ("prolixe"), d’autres réduits (par ex. "obscurcissement" devient "obscur"). Comme dans les quatrains de Stéphane Mallarmé, les rimes de Sélényxore englobent la consonne d'appui (Nore - Tyx - PHore - Ny/ix) ; pas celles des tercets ni de Sélénorixe.

Sélényxore

Noir Salon sonore,
Vaisseau de nul ptyx,
Le rêve s’honore
Avec l’eau du Styx.

Cinéraire amphore,
S’allume l’onyx :
Nuit lampadophore,
Vespéral Phœnix.
_
Sélénorixe

Néfaste, prolixe
Pour son cadre, un or
Incite une rixe
En l’obscur Décor.

Scintille et se fixe
L’absent septuor
Qu’emporte une nixe
Sur la glace encor.

_
Un monnet :

Pnyx
dore
ptyx,
flore.

Styx
fore,
Bix
score.

Or,
l’or
fixe

saur,
mixe
cor.

Traduction désinvolte du monnet en vers libres :

Sous les hauteurs d’Athènes,                Pnyx
qui colorent                                dore
hapax                                       ptyx,
et végétation,                              flore.

le Fleuve des Enfers                        Styx
s’infiltre                                  fore,
et le cornettiste Léon Bismarck Beiderbecke Bix
marque des points.                          score.

Présentement,                               Or,
des pépites                                 l’or
qui retiennent                              fixe

le hareng de Diogène                        saur,
y mélangent                                 mixe
le chorus du jazzman.                       cor.

_
5 réécritures du sonnet de 1887, successivement en a, e, i, o, u.
Pas les tercets, mais chaque quatrain fait rimer ses consonnes d'appui :
oNyx / PhéNix
lampadoPHore / amPHore
pTyx / STyx
soNore / hoNore
Une version combinatoire tourne grâce à Gilles Esposito-Farèse en cliquant ici.

Araxe

Ses purs ongles très haut sacrant l’opoponax,
L'Angoisse, ce minuit, soutient, lucifuge are,
Maint rêve vespéral brûlé d’Astyanax
Que ne recueille pas de cinéraire jarre

Sur les crédences, au salon vide : l’hapax,
Aboli bibelot de muette fanfare,
(Car le Maître est allé puiser des pleurs à Sfax
Avec ce seul objet dont le Néant s’effare.)

Mais proche la croisée au nord vague, l’anar
Agonise selon peut-être l’hospodar
Des licornes ruant l'impétueuse Araxe.

Nymphe défunte nue en le miroir, en star
Que, dans l'oubli fermé par le cadre, se faxe
De scintillations sitôt le samovar.

*

Exergue

Ses purs ongles très haut dédiant leur pyrex,
L'Angoisse, ce minuit, soutient, thuriféraire
Maint rêve vespéral rougi par le murex
Que ne recueille pas d’amphore cinéraire

Sur les crédences, au salon vide : nul sphex,
Aboli bibelot d'inaudible tonnerre,
(Car le Maître est allé puiser des tubifex
Avec l’objet par quoi le Néant se vénère.)

Mais proche la croisée au nord vacante, un air
Agonise selon peut-être quelque épair
De licornes ruant une flamme convexe,

Elle, défunte nue en le miroir, si clair
Que, dans l'oubli fermé par le cadre, s’annexe
De scintillations sitôt le vierge hier.

*

Lyrics

Ses purs ongles très haut dédiant leur onyx,
L'Angoisse, ce minuit, soulève, lamprophyre,
Maint rêve vespéral brûlé par le Phénix
Que ne recueille aucun funèbre vaudevire

Sur les crédences, au salon vide : nul ptyx,
Aboli bibelot d'une insonore lyre,
(Car le Maître est allé puiser des pleurs au Styx
Avec ce seul objet que le Néant put lire.)

Mais proche la croisée au nord vacante, Ophir
Agonise selon peut-être l’elzévir
Des licornes ruant du feu contre une nixe,

Elle, défunte nue en le miroir, en cuir
Dessous l'oubli fermé par le cadre, se fixe
De scintillations sitôt le septemvir.

*

Aurochs

Ses purs ongles très haut dédiant leur inox,
L'Angoisse, ce minuit, soutient, lampadophore,
Maint rêve phosphorant sous l’Oceano Nox
Que ne recueille pas de cinéraire amphore

Sur les crédences, au salon vide : nul phlox,
Aboli bibelot d'inanité sonore,
(Car le Maître est allé prier chez Palafox
Avec ce seul objet dont le Néant s'honore.)

Mais proche la croisée au nord vacante, un or
Agonise selon peut-être le décor
Des licornes ruant la foudre contre Eudoxe,

Elle, défunte nue en le miroir, encor
Que, dans l'oubli fermé par le cadre, se boxe
De scintillations sitôt le septuor.

*

Luxure

Ses purs ongles très haut dédiant leur Fiat Lux,
L'Angoisse, ce minuit, tient, appogiature,
Maint rêve vespéral consumé par Pollux
Qu’une amphore à jamais cinéraire n’obture

Sur les crédences, au salon vide : nul flux,
Aboli bibelot d'inaudible murmure,
(Car le Maître en garnit les tombeaux mamelucks
Avec ce seul objet que le Néant n'emmure.)

Mais proche la croisée au nord vacante, une Ur
Agonise selon, peut-être ça l'obscur,
Des licornes ruant du feu contre le luxe,

Elle, défunte nue en le miroir, azur
Que, dans l'oubli fermé par le cadre, se luxe
De scintillations sitôt le glaive sûr.

*


_
Le sonnet allégorique de lui-même selon manuscrit premier de Mallarmé en 1868 :

La nuit approbatrice allume les onyx
De ses ongles au pur Crime lampadophore,
Du Soir aboli par le vespéral Phoenix
De qui la cendre n'a de cinéraire amphore

Sur des consoles, en le noir Salon : nul ptyx,
Insolite vaisseau d'inanité sonore,
Car le Maître est allé puiser de l'eau du Styx
Avec tous ses objets dont le rêve s'honore.

Et selon la croisée au nord vacante, un or
Néfaste incite pour son beau cadre une rixe
Faite d'un dieu que croit emporter une nixe

En l'obscurcissement de la glace, Décor
De l'absence, sinon que sur la glace encor
De scintillations le septuor se fixe.

... sans titre en 1887 :

Ses purs ongles très haut dédiant leur onyx,
L'Angoisse, ce minuit, soutient, lampadophore,
Maint rêve vespéral brûlé par le Phénix
Que ne recueille pas de cinéraire amphore

Sur les crédences, au salon vide : nul ptyx,
Aboli bibelot d'inanité sonore,
(Car le Maître est allé puiser des pleurs au Styx
Avec ce seul objet dont le Néant s'honore).

Mais proche la croisée au nord vacante, un or
Agonise selon peut-être le décor
Des licornes ruant du feu contre une nixe,

Elle, défunte nue en le miroir, encor
Que, dans l'oubli fermé par le cadre, se fixe
De scintillations sitôt le septuor.

Or pâle

Une vertu belle se remet
Si l'exil Or pâle dérive
Vire de la prolixe liste
Mère, sel, le but revenu

Tome, lune, moral, lettre
Vert tel l’arôme nu
Le mot

Nul ne sut
Citée la prose gagna la témérité
Regagne-la témoin
Io, métal en gage, retire métalangages
Or pâle et ictus en l'un

Sol ce nid rajeunit
Noce je continue
Jardin éclos

(palindromes en vers libres)

Sonnérailleur

2 sonnets A & B okapis (*) en alexandrins, aux accents près, acceptent qu'on les dispose en une suite d'octosyllabes. Lors, réduisant d'un tiers la taille des vers (12 -> 8), on augmente de moitié le nombre de poèmes (2 -> 3) : sonnets a, b et c. Cela fonctionne comme un dérailleur de vélo.
Les rimes sont masculines, alternées vocaliques et consonantiques.

(*) okapi désigne l'alternance de voyelles et consonnes


A + B = a + b + c

A-
Orage d’aboli désir à ce ruban
Obère-t’en ici, gitane d'avenir
En épave mura le banal à gémir
À l’Aga d’Irazú relevé d’origan

Opère députés ab irato Médor
En alezan ave César, Ésope, Râ
Si la muse râla Midas à caméra
Mutile nez égal à délires en or

Édile décoré venez ôter Odin
En Agénor idem avivez Aladin
Utile virago l’école dit Éden

Il a - malin Éros - épilé parasol
Étiré le joli marin à mi bémol
Étalé boléro d’ému silex. Amen

a-
Ô rage d’aboli désir
À ce ruban obère-t’en
Ici gitane d'avenir
En épave mura le ban

À l’âge mira l’Agadir
Azur élevé d’origan
Ô père député sabir
Atome d’or en alezan

Ave César, Ésope ras
Il amusera là Midas

À caméra mutile nez
Égal à délire señor
Édile décoré venez
Ôter Odin en Agénor

b-
Idem avivez Aladin
Utile virago le col
Édite de Nil à Malin
Éros épilé parasol

Étiré le joli marin
Amibe moleta le bol
Érode Musil, examen
Écot à paracétamol

Alite kilim itéré
Rat ocarina mode ré
L'étalon étagé viril

On a foré l’abîme là
Mine d’oxyde de béryl
Ô vin à Cana, Dalila

c-
Sénile misère du lis
Érésipèle d'opiné
Lune mirage si biné
Le car a mêlé mur à vis

Apéro sera paru bis
Épuré, déçu, résiné
Galère bus il a zoné
De vin à fécule d’anis

Or adulé décida-t-on 
À ravir usure de ton
Atonal ite de la Mer

Il a mal écopé féru
D’origami si le dahu
Jeta bibelot à l’amer

B-
Éco tapa racé ta molalité kil
Imiter Érato ? Carin a modéré
L’étalon étagé viril on a foré
L’abîme laminé d’oxyde de béryl

Ovin à Canada, lilas en île mis
Ère du liseré si pelé d’opinel
Un émir a gési, biné le caramel
Ému ravi sapé, rosé rap à rubis

Épure de curés, inégal Erebus
Il a zoné devin à fécule d’anis
Or adulé de Cid à ton ara Virus

Ure détona-t-on alité de l’amer ?
Il a mal écopé féru d’origamis
Île, Dahu jeta bibelot à la mer

L'Hyène (gestomètre du sonnérailleur)

Choisir un sonnet en alexandrins, à "préparer" comme John Cage un piano
Poser les 2 premiers vers, ici ceux du Ténébreux de Nerval :

Je suis le Ténébreux, - le Veuf, - l'Inconsolé,
Le Prince d’Aquitaine à la Tour abolie (...)

Découper et recoller les 2 alexandrins en 3 octosyllabes
12 + 12 = 24 syllabes = 3 x 8

Je suis le Ténébreux, le Veuf
l'Inconso, Le Prince d'A-
-quitaine à la Tour abolie

Ne pas toucher aux rimes initiales (Inconso & abolie)
Arrondir les octosyllabes de sorte qu'aucun mot ne soit coupé et qu'un second système de rime s'ébauche

Je suis le Ténébreux qui plie
Inconsolé sous l’Aquitaine
Ou Prince à la Tour abolie (...)

Répéter 6 fois l'opération avec les distiques successifs d'alexandrins ; ça donne :

Je suis le Ténébreux qui plie, inconsolé
Sous l’Aquitaine, ou Prince à la Tour abolie.
Seule une Étoile morte y mène et, constellé,
Je porte et traîne un luth signé Mélancolie.

Dans la nuit du Tombeau, ta peine eût consolé
De ma folie encor Virgile et l'Italie.
La fleur, qui plaisait tant au chêne, a désolé
La treille pleine en Pampre arrosé de saillie.

Suis-je Amour que Phébus déchaîne où va Biron ?
Pauvre coolie, on rêve au baiser de la Reine,
Le front rosi d’une ancolie à l’Achéron !

Chez la Syrène on nage où fors pieux oublié
Jouant sur une lyre hellène, ai-je crié
Comme on supplie : ô Fée, ô sainte Cantilène !

Recopier au fur et à mesure les octosyllabes correspondants
Augmenter à proportion du raccourcissement des vers le nombre de strophes : 3 quatrains & 3 tercets
Lire l'un & l'autre poèmes

Je suis le Ténébreux qui plie                 A
Inconsolé sous l’Aquitaine                    B
Ou Prince à la Tour abolie                    A
Seule une Étoile morte y mène                 B

Et constellé je porte et traîne               B
Un luth signé Mélancolie                      A
Dans la nuit du Tombeau ta peine              B
Eût consolé de ma folie                       A

Encor Virgile et l’Italie                     A
La fleur qui plaisait tant au chêne           B
A désolé la treille pleine                    B
En Pampre arrosé de saillie                   A

Suis-je Amour que Phébus déchaîne             B
Où va Biron pauvre coolie                     A
On rêve au baiser de la Reine                 B

Le front rosi d’une ancolie                   A
À l’Achéron chez la Syrène                    B
On nage où fors pieux oublie (*)              A

Jouant sur une lyre hellène                   B
Ai-je crié comme on supplie                   A
Ô Fée ô sainte Cantilène                      B

S'être amusé à diverses dispositions des nouvelles rimes (-ie / -ène) : croisées dans un sens, dans l'autre, embrassées
Les avoir examinées de près jusqu'à se souvenir de quelque chose comme de l'hyène de la Rubrique-à-brac
Chaque fois que j’ai lu Gotlib, il m’a semblé que je déchiquète la cervelle d’une hyène
Donner le titre
Dédicacer

(à Marcel Gotlib)

(*) diérèse : pi-eux

Ébauche de sonnérailleur

Hisse-toi Zeppelin farci d’ardus rayons
Ça te balise antique et cinglé sous l'église
Du Corbeau (jamais plus ici Laïos ne puise
(…)

3 alexandrins convertibles en 4 octosyllabes :

Hisse-toi Zeppelin farci
D’ardus rayons ça te balise
Antique et cinglé sous l’église
Du corbeau jamais plus ici

Chant malouin

9 quatrains palindromes


Une terre samedi mû
Hélas et le calumet râle
De l'art ému la Celte sale
Humide m'a serré tenu

Oh ciré jase là Vasco
Feu quart à fuel bas si peu glauque
Feu qu'algue pissa bleu fat rauque
Focs avalés à Jéricho

Çà l’être venu galéra
Renia si mate Sirène
L’alène rise ta misaine
Rare lagune verte là

Cet artimon amirauté
Malin oh ! ce drakkar de l’âme
Mâle drakkar d'écho ni lame
Tua rima n'omit raté

Pélican tété coudra psy
Dénis sac ébat la Messine
Bénisse mal ta Bécassine
D'Ys par duo cet Etna-ci

Le père dîna écœuré
Féconde île clé sud à rosse
Essora du sel ce lied noce
Férue océanide Ré

Méditerranée un harem
Elle va racketter flagelle
Tel l'égal fret tek caravelle
Mer ah ! nue en arrêt idem

Pria mat matelot amer
Case lien ultime ta bile
Ce célibat émit lune île
Sacre ma tôle tam-tam air

Plage le bac n'a l'abyssal
Ému ce lac rebat sa brume
Le mur basta ! berça l'écume
Las s'y balança bel égal

Sélénets de Gilbert Farelly

Assiette d'écume
C'est une façon d'
Esquisser la brume
Et l'astre tout rond

Demain pleine lune
Trois petits pois sont
Du conte légume
La forme et le fond

C'est demain, lundi 2 avril 2007, pleine lune : occasion d'évoquer le sélénet, forme fixe favorite de Gilbert Farelly.

Non le poisson-lune
Ou mola-mola
N’a d’aile ni plume
Mais il s’envola

Un tramail l’emporte
D’étoiles en feu
C’est chance qu’il sorte
Formons vite un vœu

Le sélénet est une forme fixe, un couplet de 2 quatrains au format de la chanson "Au clair de la lune". Le Traité de Prosodie de Gilbert Farelly (Éd. Ichthusson - 1960) y reconnaît « une taille idéale pour s'exprimer de façon concise, intermédiaire entre le sonnet (souvent pompeux) et le haïku (trop minimal en français) ». À première vue on compte 5 syllabes par vers, rimes croisées féminines et masculines. Mais, sans rien toucher au texte, la diction alterne vers de 6 et 5 syllabes puisque, surnuméraire, le -e des rimes féminines est prononcé :

Au-clair-de-la-Lu-NE (6)
Mon-a-mi-Pier-rot    (5)
Prête-moi-ta-plu-ME  (6)
Pour-é-crire-un-mot  (5)

De son enfance et des présentoirs de la librairie familiale, Farelly a conservé la vie durant un recueil de Marceline Desbordes-Valmore, pionnière du vers impair avant Verlaine. Ma chambre, poème lunaire de 1843, se décompose en 3 sélénets :

_
Ma demeure est haute,
Donnant sur les cieux ;
La lune en est l’hôte
Pâle et sérieux.

En bas que l’on sonne,
Qu’importe aujourd’hui ?
Ce n’est plus personne,
Quand ce n’est pas lui !

_
Aux autres cachée,
Je brode mes fleurs ;
Sans être fâchée,
Mon âme est en pleurs ;

Le ciel bleu sans voiles,
Je le vois d’ici ;
Je vois les étoiles,
Mais l’orage aussi !

_
Vis-à-vis la mienne
Une chaise attend :
Elle fut la sienne,
La nôtre un instant ;

D’un ruban signée,
Cette chaise est là,
Toute résignée,
Comme me voilà !

À l'instar de Farelly père, qu'il croise chez Théodore de Banville de mars à mai 1871, Rimbaud imitera un an plus tard le triple sélénet de Marceline Desbordes-Valmore ; nouveauté rimbaldienne, la rime facultative :

_
Elle est retrouvée.
Quoi ? - L'Éternité.
C'est la mer allée
Avec le soleil.

Âme sentinelle,
Murmurons l'aveu
De la nuit si nulle
Et du jour en feu.

_
Des humains suffrages,
Des communs élans,
Là tu te dégages
Et voles selon.

Puisque de vous seules,
Braises de satin,
Le Devoir s'exhale
Sans qu'on dise : enfin.

_
Là pas d'espérance,
Nul orietur.
Science avec patience,
Le supplice est sûr.

Elle est retrouvée.
Quoi ? - L'Éternité.
C'est la mer allée
Avec le soleil.

Les symbolistes aussi s'essaieront au sélénet. Alain Chevrier nous signale un poème de circonstance que Paul Valéry adressa au Dr Edmond Bonniot, gendre de Mallarmé (cf. Chronique des ventes et catalogues, JP Goujon dans Histoires littéraires n°29, janv. fev. mars 2007, p. 217) :

Au clair de la Lune
Mon cher Bonniot
J'ai perdu mon rhume
Qui t'a pris au mot

Ma bronchite est morte
Je n'ai plus de toux
Ouvre-moi ta porte
Pour courir chez vous
(...)

Gilles Esposito-Farèse m'a signalé (note ajoutée en mai 2020) parmi les Quasi-Cristaux de Jacques Roubaud une œuvre contemporaine de Marceline Desbordes-Valmore ci-dessus, un sonnet du comte Ferdinand de Gramont (pré-oulipien expert en sextine, né à Jersey l'île face à Pirou) dont les quatrains font sélénet :

J’ai trouvé ta piste,
Petit réséda,
Mais Lise résiste:
Elle te garda.

D’or ni d’améthyste
Flore ne broda
La fleur grêle et triste
Qu’elle t’accorda.

Vivre à la ceinture
D’une beauté pure
Est un beau destin:

Parfum qu’on adore,
Il vaut mieux encore
Mourir sur ton sein.

Flash-back. Poussé par la tempête à l'automne 1588, un vaisseau de l'Invincible Armada échoue au nord de Pirou, Cotentin. Les hommes d'équipage, dont Gil Farella l'ancêtre de Farelly, y fondent une colonie sur la lande maritime, moyennant créance à verser aux autochtones : credenciales, aujourd'hui commune de Créances, berceau d'une descendance hispano-normande.

Né en 1848, Georges Farelly quitte à 18 ans son bocage natal créançais, s'engage sur les routes et devient colporteur. Tournées orientées vers Paris, le nord, parfois la Belgique, clients attitrés de marchandises comme le café, le poisson fumé, la petite épicerie, la mercerie, la quincaillerie. Au début, ni voiture, ni âne. Mais peu à peu, des signes de prospérité. Farelly ajoute à sa marchandise habituelle quelques livres et des estampes. Succès de l'entreprise, il devient "marchand libraire", se risque à importer des textes prohibés, certains rapportés de Bruxelles, d'autres des îles anglo-normandes les nuits sans lune. Il se fait une spécialité des écrits de Victor Hugo hostiles à Napoléon III, qu'il passe en contrebande par la plage de la Bergerie à Pirou. Et le risque paye ! Ayant trouvé clientèle stable à Paris, il finira par s'y établir non loin de la Seine, Quai Voltaire.

C'est là qu'il rencontre le cousin d'Hugo Vernier, Valéry du même nom, poète languedocien à l'origine des Félibres de Sceaux, traducteur des Poésies complètes de Giacomo Leopardi (l'exemplaire de 1867 à l'inventaire Hugo de Hauteville House y avait été exporté par Georges Farelly), également connu comme auteur de nombreux pastiches, dont l'Ode à l'absinthe longtemps attribuée à Musset. Une étroite amitié s'ensuivra. Un jour de mai 1878, le libraire Farelly accompagne Valéry Vernier et Paul Arène, tous deux poètes méridionaux exilés à Paris, en promenade à Sceaux, par la voie ferrée créée en 1846 - l'actuelle ligne B du RER. Ils y découvrent la tombe de Florian (1755-1794), poète et fabuliste qui vivait à la cour du Duc de Penthièvre. Leur revient en mémoire que Florian était languedocien et qu'il a écrit un poème en langue d'Oc dans un de ses romans. Or, nos promeneurs sont membres du Félibrige, mouvement littéraire à l'initiative de Frédéric Mistral en 1854, pour la sauvegarde et la promotion des langues d'Oc et assimilées : auvergnat, béarnais, catalan, créançais, gascon, languedocien, limousin, périgourdin et provençal. Surpris et ravis, ils décident de revenir à Sceaux chaque année en pèlerinage. La tradition félibréenne est née, vivace puisque le centenaire en a été célébré en 1978.

Farelly élèvera son fils Gilbert dans le culte de la langue d'Oc, des troubadours, de Guillaume d'Aquitaine et de Florian, traits d'union méridionaux avec les racines ibériques de la famille. Précisément, le -e surnuméraire de la forme sélénet sonne chez Farelly fils comme une réminiscence enfantine de l'accent languedocien, déclamé dans le salon paternel lors des Vendredis du Quai Voltaire, qui réunissaient des habitués du tout proche café Procope, dont Vernier et Arène. À noter encore les séjours réguliers à Carcassonne avant 1914, aussitôt l'amitié indéfectible avec Jean-Baptiste Botul : c'est au fil de conversations adolescentes que vont s'esquisser les contours d'une poétique farello-botulienne. Deux quatrains à l'article "apocope" (Traité de Prosodie, p.112) ravivent cette époque :

Noire après la croche
Saccade binair(e)
La faute à Gavroche
De tomber par terr(e)

La faute à Voltaire
Qu'au café Procop(e)
L'e surnuméraire
Devînt apocop(e)

À la veille de mourir, en avril 1960, Gilbert Farelly avait confié le manuscrit de son Traité de Prosodie aux Éd. Ichthusson. Le pavé, œuvre d'une vie, restera inédit, Ichthusson ayant coulé peu avant la publication. De rares extraits, quelques cahiers épars dont une préface « À Jean-Baptiste Botul », ont surnagé au pilon. Le sommaire partiellement reconstitué indique qu'un chapitre traitait de LaProPo, Laboratoire de Procrastination Potentielle, autre projet inabouti de G. Farelly.

À lire ci-dessous :
- des extraits préservés du Traité de Prosodie de Gilbert Farelly, qui prônait « l'apprentissage de la poétique et de la rhétorique par l'exemple, exploitant les vertus mnémotechniques de la versification pour définir, l'espace d'un distique ou d'un quatrain, "accumulation", "acrostiche", "alexandrin", etc. » ; on constatera la place privilégiée du sélénet dans la didactique farellienne ;
- une note d'après archives du Fonds Farelly de Bruxelles.



Antiparastase (p. 106)
_
Sur la sombre Terre
Ennemi Lubin
Prends du plomb contraire
Et gomme un dessin

Vivante allumette
Qu’anime un volcan
Ferme la fenêtre
Et n’honnis Satan

_
Des masques mutiques
Il n'en parle qu'un
Ô ternes musiques
Oyez Arlequin

Crépite une flamme
D'éternel enfer
Sa langue qui clame
Je suis Lucifer


Aphasie (p. 111)
_
Au flair de la dune
Mon habit fiérot
Traite-moi d'agrume
Pour élire un pot

Ma rondelle est forte
Je n'ai plus de pieux
Couvre-moi l'aorte
Pour labour de bœufs


Bégaiement (p. 241)
_
Nonne au dos d'hostie
Stylo l'ode en dent
Pape alors l'orgie
Gifla flattant tant

Ma malle alla vite
Vit-on qu'oncle eut luth
Ouvre où vrac acquitte
Y touche où chute ut

_
Vois voilà la Lune
L'unique icône aune
Sans s'entêter d'une
Dune en gangue au môme

Si s'y bout bougie
J'hisse ce murmure
Barbare épais Pie
Hisse et cède Ur dure


Chimère (p. 425)
_
Mon cœur est une chimère
Et le lion son papa
Il suit la chèvre sa mère
Je suis roi de la pampa


Contrepèterie (p. 537)
_
Ô l’aphone outrage
Délicat motus
Affole où notre âge
A modèle Ichthus

Va sans morse livre
Sordide et moteur
Sens la mort se vivre
Morceau d’éditeur


Dyslexie (p. 810)
_
Au cialr de la lnue
Mon ami Preriot
Ptêre-moi ta plmue
Puor érirce un mot

Ma clehandle est motre
Je n'ai puls de feu
Ourve-moi ta potre
Puor l'aumor de Deiu


Épellation (p. 920)
_
GNLMSE		Géhenne, elle est messe
FEZUV		et feux et duvets,
MIZÉSE		émise et déesse,
LHXFÉ		aile à chics effets.

LMYHE		Elle émigre et cache
BZIRO		baiser d'hier haut.
LNMSHE		« Hélène, aime et sache...
GCORO		- J'essaie, ô héraut ! »


Farce (p. 1036)
_
Sans aile ni plume
Comment s’envola-
-t-il le poisson-lune
Ou mola-mola ?

Un filet l’emporte
D’étoiles au ciel
Remonté de sorte
Qu'il pleuve du miel


Holorime (p. 1272)
_ 
Par le sonar onde
Et comme art y naît
Parle son Aronde
Écho martinet

Salami rondelle
Son épais roquet
Sa lame hirondelle
Sonnait perroquet

Variante :
_
Sans voler ta ronde
Et comme art y naît
S’envolait Aronde
Écho martinet

Salami rondelle
Par l’épais roquet
Sa lame hirondelle
Parlait perroquet


Isocèle (p. 2761)
_
Courbures de lune
3 petits pois ont
Couleur de légume
Et votre façon d’

En dire de vertes
N’aura point mûri
Nos héros alertes
Le conte est fini

(vers de largeur fixe)


Litote (p. 1501)
_
Poucet ne hait point les litotes
Non plus le chat de Carabas
L’ogre est pour ces héros à bottes
va-nu-pied ou menu repas
_
Qui sans hâte fuit les litotes
dit qu’il n’ignore au lieu qu’il sait
que non chaussé de lentes bottes
flânait peu le point grand Poucet
_
Mon cœur ne hait point la litote
ni n’imite d’être imparfait
Tes cithare et flûte Aristote
ne taisent d’en faire l’effet


Palindrome (p. 1826)
_
Ta mer comédie
Ivresse de mât
Âme desservie
Idem ocre mat

Sulpice l’accorte
Trop pâle minus
Uni me l’apporte
Troc calé ci plus


 Pangramme (p. 1831)
_
Show du Kiosque-Lune
Fabuleux Pierrot
Voyez-ci : sans plume
Je griffonne un mot

La bougie est morte
Nul stock, watt ni feu
Ouvrez huis et porte
Joyaux qu'aime Dieu

(26 lettres de l'alphabet dans chaque strophe)


Plagiat (p. 1962)
 
Plagiat sélénite de Paul Verlaine
_
La chanson bien douce
Pleure pour vous plaire
Eau sur de la mousse
Discrète légère

Voix connue et chère
À présent voilée
Elle encore fière
Veuve désolée
_
Aux brises d'automne
Longs plis de son voile
Au cœur qui s'étonne
Vérité l'étoile

Parle aussi la gloire
Simple sans attendre
Bonheur sans victoire
Noces d'or du tendre
_ 
Rien meilleur à l'âme
La voix qui persiste
Son épithalame
Une âme moins triste

Elle est de passage
Souffre sans colère
La chanson bien sage
Sa morale est claire

 
Plagiat sélénite de Stéphane Mallarmé :
_
L’éternité change
De n’avoir connu
Quelque noir mélange
Sortilège bu

Cette voix étrange
Mots de la tribu
Oyant jadis l’ange
Avec glaive nu
_
J’ai lu tous les livres
Jardins par les yeux
Je sens que sont ivres
L’écume et les cieux

Ô nuits de ma lampe
La blancheur défend
Ce cœur qui se trempe
Allaitant l’enfant


_ 
Steamer ta mâture
Par cruels espoirs
Lève une nature
L’adieu des mouchoirs

Les mâts les orages
Fertiles îlots
Sont sur les naufrages
Chant des matelots



Sélénet (pp. 2398 et suivantes)
_
D’endodomorphine
Et de phéromone
Douce Colombine
Viens me faire aumône
 
Clos ton œil Cyclope
Amant que j’adore
Hume de ma clope
À la mandragore

_
Rideau sur la scène
Qui voile Lupin
Que dérobe Arsène
À l'ami Lubin ?

Un service à tarte
Serti diamant
Commedia dell'arte
Pour sélène amant

_ 
À la Lune claire
Pierrot mon ami
L'œil épistolaire
N'y voit qu'à demi

Morte est ma chandelle
De feu je n'ai plus
Que ton huis chancelle
Foyer non occlus

(vers à l'envers)

_
Pierrot de sa turne
Voit lentille aux yeux
L’anneau de Saturne
Monocle des cieux

Dans la Lune rousse
Un focal plongeon
A teint la Grande Ourse
Gorge-de-pigeon


Spoudogeloion (p. 2488)
_
L'éthérée enclume
qui chut a tinté
d'oxymore allume
grave hilarité

Botul clame ainsi que
Talmud ou Platon
spoudogélosique
sérieux rit-on


Stichomythie (p. 2491)
_

- Mon cœur cause en stichomythie
- Bouche pleine on ne parle pas
- Or en mangeant vient la Pythie
- Elle tait où mènent ses pas


Synédiérétique (p. 2595)
_

Rameaux que l'on moise
Si nous en avions
Ferions un moïse
Ou des avions

Mais pauvre Jehanne
De cœur si pieux
Brûle sainte Jeanne
Nouée à ses pieux


Ventriloque (p. 2752)
_

Gondole, lagune
Et courrier taquin
Au clair de la Lune
Écrit Arlequin

La chandelle éteinte
Naguère ou jadis
Scelle notre étreinte
Chère Cléanthis

(sans labiales ni labiodentales)


Zeugme (p. 2823)
_
Zeugmes - La marquise sortit
À cinq heures et quatre pattes.
Allait-elle dans les Carpates
Ou maculer son bel habit ?

_
Vit-on glaneuse de feldspath
Comment la marquise sortit
À cinq heures et quatre pattes
Se piquer de zeugme et d’orties

_
Des canards viennent d’atterrir
et du grand nord...
Vont-ils bien et parler anglais
ou du beau temps ?

Note de Patrice Debry depuis Bruxelles :

L’oncle fou de Georges, homonyme qui, aventurier sombre, troubadour obscur, se piqua de pondre quelques trobars clus, était déjà proche de tels interdits. On sait qu’il a même rencontré Karl Marx, alors à Bruxelles (où Marx habitait rue Jean d’Ardenne, n° 50), qu’il y eut bonne entente, qu’ils furent amis. Ainsi, d’Angleterre Marx lui écrivit, c’était la misère !, la lettre qui suit : « Ma femme est malade, la petite aussi. Et plus de panade… Éternel souci ! Pain, pommes de terre font le quotidien… Demain désespère : peut-être plus rien ! Ah mon ami Georges, le manque du peu nous prend à la gorge. Aide si tu peux ! » (Ladite missive, on peut la trouver, pour peu qu’on l’y cherche, au Fonds Farelly, rue Jean d’Ardenne, n° 50 – oui c’est à Bruxelles, où Karl Marx vécut ! (...) »

Notre correspondant bruxellois ajoute qu'en sondant le Fonds Farelly, il a encore pêché et recopié un brouillon de l'Internationale, sélénienne version initiale. C'est pendant la Commune, n'ayant trouvé musicien, que l'oncle Farelly céda ce manuscrit à Eugène Potier, charge à lui d'y joindre une partition. On connaît la suite : récrite et adaptée à l'air de la Marseillaise, l'Internationale ne trouvera sa partition définitive qu'en 1888 à Hellemmes, banlieue de Lille, sous la plume de l'orphéoniste et tourneur belge Pierre Degeyter (les métriciens noteront que le manuscrit de Potier comptait synérèse à Internati-onale, contredit aussitôt par la musique de Degeyter). Antérieure de 2 décennies, voici donc la toute 1ère Internationale :

Damnés de la terre,
Forçats de la faim,
La raison s'affaire
À dire la fin.
Faisons table rase,
Esclaves, debout !
Changeons donc de base :
De rien, soyons tout !

Refrain :
La lutte finale
Nous groupant demaIn- 
-ternati-onale
Sera genre humain.

Nul sauveur suprême,
Dieu, césar, tribun :
Produisons nous-mêmes
Le salut commun !
Qui nous prend la gorge,
Nous met au cachot ?
Soufflons notre forge,
Battons le fer chaud !

L'État, sa loi triche,
Saignant malheureux
Sans rien prendre au riche.
Le droit, quel mot creux !
Assez de tutelle,
L'égalité doit
Être devoir, elle
Doit donc être droit !

Leur apothéose,
À ces rois du rail,
Est-elle autre chose
Que vol du travail ?
Toute cette bande
En or l'a fondu.
Faudra qu'on le rende,
Au peuple, son dû.

Soûlés de fumées,
Nous étions tyrans.
Grève des armées,
Hop, rompons les rangs !
Ah ! ces cannibales
nous disent héros ?
Réservons nos balles
Pour les généraux.

Canuts, péons sommes
Tous des travailleurs.
La terre est aux hommes,
Riche loge ailleurs !
Combien se repaissent
Corbeaux et vautours !
Mais s'ils disparaissent,
Resteront les jours.

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